Cet article porte sur le récupérateur et son statut. Les différentes étapes du travail traitent de la considération institutionnelle et du contexte global, mais aussi de l’impact positif de l’activité de récupération sur la valorisation. Après la présentation de la zone d’étude, la problématique expose plusieurs aspects liés au métier de récupérateurs. Une méthodologie utilisant les nouvelles technologies, a donné des résultats qui ont été analysés et discutés, afin d’avoir une idée sur les scénarii éventuels.
This article is about the collector and his status. The different stages of the work deal with the institutional consideration and the overall context, but also with the positive impact of the recovery activity on recovery. After the presentation of the study area, the issue exposes several aspects related to the profession of waste pickers. A methodology using new technologies, gave results which were analyzed and discussed, in order to get an idea of the possible scenarios.
Introduction
La BM a alloué plus de 4,7 milliards de dollar a plus de 300 programmes de gestion des déchets à travers le monde, depuis l’an 2000[1]. Le Sénégal, dans une posture de renforcer et d’améliorer le service de gestion des déchets solides, bénéficie d’un financement de la Banque Mondiale (BM), qui s’élève à 295 millions de dollars[2]. Mais il faut rappeler que la valorisation des rebus, antérieur à la révolution industrielle, présente une pluralité de pratiques, dont l’activité de récupération, qui, répond le mieux aux impacts négatifs du développement, telle l’augmentation considérable de la quantité de déchets solides produite à travers le monde. L’impuissance des gouvernements, surtout de ceux du Sud, face aux gisements de déchets solides, s’accentuerait sans ambages, avec l’absence des récupérateurs dans les politiques de management des détritus. Appelés de plusieurs manières, cartoneros en Argentine, catadores au Brésil, hurgadores en Uruguay, wastepickers en Inde, zabbâlin en Egypte ou Boudjiou man au Sénégal, ils contribuent à la prise en charge d’une partie des déchets par la récupération des matériaux recyclables. L’activité de recyclage, garantit des revenus à des couches de populations vulnérables et en marges du marché du travail, de la ville et souvent de la société.
1. Justification et présentation de la zone d’étude
1.1.Justification de l'étude
La récupération des déchets est une pratique très ancienne, qui a toujours fourni des revenus aux personnes qui s’y adonnent à l’extirpation et à la vente des matières valorisables contenues dans ce qu’une partie de la société abandonnent. Au-delà de l’importance du nombre de récupérateurs, des idées et des expériences étrangères comme locales, sont la source de l’intérêt que nous portons à la gestion des déchets solides, et aux acteurs y intervenant. La gestion des déchets se pose avec acuité dans tous les pays du monde et nous sommes dans un monde où tout se jette, ce qui justifie les enjeux liés aux déchets et leurs impacts sur la santé des individus, l’environnement et l’économie. La hantise, liée à ces impacts, explique l’adoption d’une résolution[3] par l’assemblée des Nations Unies pour l’Environnement, à sa quatrième session, tenue à Nairobi (Kenya), en mars 2019. Ce qui nous conforte dans notre vision que chaque habitant de la terre est concerné par la gouvernance des déchets solides.
En 2015, l’Agence fédérale Allemande pour l’environnement (AFAE) commandite une étude, dont les résultats, soutiennent que l’amélioration du recyclage des déchets solides joue un rôle prépondérant dans la lutte contre le changement climatique et les émissions de gaz à effet de serre (GES). Et qu’une organisation, associée à l’incinération des déchets résiduels dans des installations adaptées, permettrait par exemple en Inde d’économiser 25 millions de tonnes de CO2 par an. L’étude montre aussi que des gains significatifs en la matière peuvent être attendus dans les pays émergents, si toutefois le recyclage des déchets solides ménagers est bien structuré. En revanche, faute d’action, les émissions de GES imputables aux déchets solides grimperont à 2,6 milliards de tonnes de CO2 en 2050 (Banque Mondiale, 2018[4]). En outre, en améliorant leurs systèmes de gestion des ordures ménagères, les villes pourraient renforcer leur résilience à des épisodes climatiques extrêmes. C’est ce qu’Ede Ijjasz-Vasquez, directeur principal du pôle développement social, urbain et rural et résilience de la Banque Mondiale, a compris avant de soutenir que « La gestion des ordures ménagères concerne tout le monde. Il est indispensable de mettre en place une gestion efficace et appropriée des déchets solides pour atteindre les Objectifs de développement durable ».
C’est le cas du Sénégal, qui, à travers le Programme National de Gestion des Déchets (PNGD), fait de la « valorisation » un enjeu de développement durable, dont l’idée générale est de préserver l’environnement et en même temps, de favoriser une plus-value de la « ressource » déchets. Le PNGD, comporte plusieurs projets. Parmi ceux-ci, il y a le PGDSU, qui intervient dans la commune de TOUBA Mosquée, et bénéficie de l’accompagnement de plusieurs acteurs. Ce projet est financé par l’Etat du Sénégal, avec le soutien de la Banque Islamique de Développement (BID). L’objectif dudit projet étant de construire trois Centres Intégrés de Valorisation des Déchets (CIVD) et trente-deux Points de Regroupement Normalisé (PRN), en quatre ans (2014-2018). La phase opérationnelle du PGDSU, sera accompagnée d’acquisition d’équipements et de recrutement d’agents de propreté entre autres. Conformément aux bonnes pratiques environnementales, le renforcement des capacités des acteurs, pour une bonne maîtrise des enjeux liés à la gouvernance des déchets solides, sera une priorité.
Cela dit, à Ouagadougou, la persistance de la récupération informelle, a fait échouer toute la stratégie bâtie autour des centres de tri et du centre d’enfouissement technique. Raison pour laquelle, pour éviter ce « syndrome », et assurer la viabilité des futures infrastructures de gestion des déchets solides, le PGDSU devrait réfléchir à un plan d’insertion des récupérateurs, dans le nouveau format de gestion des déchets solides, dans les communes bénéficiaires du projet.
1.2 Présentation de la commune de Touba Mosquée
Fondée en 1888 par Cheikh Ahmadou Bamba, TOUBA est la capitale de la confrérie mouride. C’est une ville nécropole ou tout disciple mouride, aspire à y être enterré après sa mort (C. Gueye, 2002, p.18). La réforme administrative et locale de 1976 a donné naissance à la communauté rurale de TOUBA Mosquée, devenue commune de TOUBA Mosquée avec l’acte III de la décentralisation en 2014. Située entre 14° 53’00" de latitude Nord et 15° 52’00" de longitude Ouest, la commune de TOUBA Mosquée est limitée au Nord par la commune de Mbadiane, à l’Est par celle de Deali, à l’Ouest par la commune de Missirah et de TOUBA Fall, au Sud-Ouest, par celles de Dalla Ngabou et de Darou Nahim, au Sud, par la Commune de Mbacké, de Kael et de Madina. Et au Sud-Est, nous avons la commune de Taïf (Figure1).
Figure 1 : Situation de la Commune de Touba Mosquée
2. Problématique
La situation historique de la récupération, considérée comme obsolète, dans les pays du Sud, est radicalement distincte de celle de l’Europe de la fin du XIXème siècle, époque où furent découverts des gisements de matières premières vierges partout dans le monde, J. Cavé (2013, p.291). Le monde compte plus de deux millions de « wastepickers[1] ». Et ceux des pays de sud, recyclent entre 15 et 20% des quantités de ressources récupérées ; ce qui équivaut à 20% du budget de gestion des déchets. A partir de ce moment, une prise de conscience résulte sur un consensus entre les institutions internationales, afin de développer le recyclage. Globalement, la gouvernance des différents maillons des systèmes de gestion des déchets dans les pays du sud et celle de l’activité de récupération en particulier, est extrêmement complexe. C’est la raison pour laquelle, A. Tsitsikalis, (2013, p.5), écrit : « Une multitude d’acteurs sont impliqués dans les pays du sud. ». Cette complexité liée à la récupération, s’accentue avec le triptyque suivant :
-Flou institutionnel et pluralité des acteurs
Le service public de gestion des déchets dans les pays du sud est souvent organisé en vue d’asseoir une gestion territoriale, sectorielle, et locale. La gestion des déchets solides au Sénégal, est partagée entre le Ministère de l’Urbanisme, du Logement et de l’Hygiène Publique (MULHP), le Ministère de l’Environnement et du Développement Durable (MEDD), le Ministère de la Santé et de l’Action Sociale (MSAS), et celui du commerce. Cette situation pose régulièrement un problème de leadership, et de légitimité entre ces différents acteurs. Cette difficulté est plus justifiée par les textes législatifs inadaptés, et par l’improbabilité de concilier les objectifs antagoniques, entres les récupérateurs eux-mêmes. Dans les villes du sud, le vide juridique autour de la valorisation de la ressource récupérée, peine à susciter un réel intérêt soutenu chez les décideurs publics. Tout ceci explique d’une certaine manière, pourquoi les partenaires qui accompagnent le Sénégal dans la gestion des déchets, intuitivement, n’avaient pas pris en compte les récupérateurs dans les schémas d’organisation et de gestion des déchets.
-La récupération peut, invraisemblablement assainir l’environnement
Outre la maîtrise des volumes de déchets traités, l’économie du recyclage est porteuse de promesses environnementales. Donner une seconde vie des objets recyclés, promouvoir des activités de récupération-transformation, contribuent à l’amélioration du cadre de vie.
En revanche, l’impact environnemental des activités relatives à la récupération des déchets est une question complexe. « Le passage d’une économie du rejet à une économie de la valorisation pourrait entraîner des formes de déresponsabilisation paradoxales des consommateurs conduisant à des comportements de surconsommation. » (Ibid., 2013), ce qui aura forcément un impact négatif sur l’environnement. Les travaux de M. Le Meur (2017, p.6), montrent que la filière plastique peut ne pas être vertueuse, d’un point de vue environnemental et social. Comme c’est le cas en Mauritanie, ou la fabrication artisanale de pavés autobloquants à partir de sable et de sachets en plastique récupérés a révélé des effets pervers. Cet effet négatif peut être aggravé si les activités de recyclage, sous une forme primale, localisées en périphérie des villes comme à TOUBA Mosquée, soulèvent la question du transport, du stockage, et de la propreté (lavage et décontamination), de la ressource récupérée. Et, le risque, est que la matière récupérée peut emprunter le chemin inverse (de la décharge vers l’intérieur de la ville) pour être stocker avant marchandisation.
-Géographie spatiale de l’activité de récupération
En matière de gestion des déchets, l’espace n’est pas un paramètre exogène, mais plutôt une ressource structurante. Cela dit, l’existence d’activités de recyclages (cf. Photo 1), dans les espaces urbains pose souvent un problème de risque sanitaire et de nuisances (olfactive, paysagère…).
Pour cela, dans les villes du Nord, des logiques de déplacement et d’éloignement des déchets vers des espaces spécialisés, ont souvent prévalu dans l’organisation de la filière. D’autre part, le modèle d’évacuation des quantités de rebus collectées vers les décharges respectives, l’enjeu économique, lié à la marchandisation de la ressource récupérée, déterminent l’emplacement des habitations des chiffonniers dans la commune de TOUBA Mosquée. Dans de nombreuses villes du Sud et notamment les plus pauvres, des logiques de proximité prévalent entre le lieu de travail et le lieu d’habitation. Selon les acteurs de la récupération à TOUBA Mosquée, cette proximité a un impact positif sur leur travail.
En revanche, l’absence de gestion réglementée des décharges, a fini par créer un désordre écologique, obligeant les récupérateurs et les riverains à mettre le feu à celles-ci, chaque fois qu’ils le jugent nécessaire. Et les municipalités, celle de TOUBA mosquée y compris, optent pour des solutions faciles, en utilisant souventes fois d’anciennes carrières de sables comme décharges. Certaines décharges telles Bakhya et Darou salam[1], datant des indépendances, seront bientôt pleines. Ces manquements notés au plan spatial, dans la gestion des déchets à Touba Mosquée, combinés à sa forte démographie, est à l’origine d’une production de 9359 tonnes de déchets solides par an (UCG, 2018).
3. Approche méthodologique
Cette étude a été menée auprès des personnes, exerçant l’activité de récupération dans les décharges de DAROU Salam, BAKHYA et BOUKHATOUL Moubarack, les 29 ; 30 et 31 mai 2017. La première étape de la démarche adoptée, a été la recherche documentaire, qui a consisté à la consultation de documents, comme la littérature produite par l’UCG, et les ouvrages académiques (thèses et mémoires). Des entretiens, à but exploratoire et informatif, constituent la seconde étape de notre travail. Ils nous ont conduit auprès du secrétariat municipal de la commune de Touba Mosquée, des services déconcentrés de l’Etat tels la direction régionale de l’environnement et des établissements classés (DREEC), et enfin à l’Unité de Coordination de la Gestion des déchets solides (UCG). Pour l’échantillonnage, nous nous sommes référés à la statistique inférentielle, qui traite des méthodes d’échantillonnage empiriques. Et parmi elles, il y en a une dénommée « échantillonnage sur la base du jugement [2]», qui correspond exactement au fait que la décharge soit le seul lieu d’identification des récupérateurs.
Un certain nombre d’outils, d’appareils et de logiciels, ont facilité la collecte d’informations. Un guide d’entretien et un questionnaire, administrés respectivement à la mairie de TOUBA Mosquée, à l’UCG, et aux récupérateurs, ont été réalisés avec Word, sous Windows7. ArcGis 10.5, a servi à la réalisation des supports cartographiques, alors qu’Excel et SPSS 4.3 ont facilité la saisie et le traitement statistique des informations contenues dans les fiches de collecte et les guides d’entretien. Pour la géolocalisation des décharges, nous avons utilisé un Garmin GPSMAP 78S. Et enfin un appareil photo numérique, de type Sony Cyber-shot DCS W810, nous a permis de prendre des photos. Cela dit, certaines précautions ont été prises, afin d’éviter ou de minimiser les erreurs. La première a été de numéroter les guides et questionnaires, une fois de retour de terrain, afin d’éviter les doublons dans la saisie. L’autre mesure a été de procéder à une double saisie, suivie d’une comparaison des deux fichiers Excel obtenus et enregistrés dans deux emplacements et sous deux noms différents. A chaque fois qu’il a été nécessaire de procéder à une exportation de fichier d’un logiciel vers un autre, nous avons procédé à une sauvegarde de celui-ci dans un dossier créé à cet effet.
4. Résultats
Lors de la phase de dépouillement, 88 récupérateurs ont été recensés sur le territoire communal de TOUBA Mosquée, dont 77 femmes, soit 87,5% de l’effectif, contre seulement 11 hommes soit 12,5%. Cette population est constituée de 2,3% de célibataires (50% hommes et 50% femme), 79,5% de personnes mariées dont les 85,7% sont des femmes et les 14,3% des hommes, 2,3% de l’effectif sont divorcées et sont à100% des femmes. Et enfin 15,9% de l’effectif sont toutes des veuves. Ces effectifs sont répartis entre les principales décharges de la ville, notamment Darou Salam, Bakhya, Route de Darou Mouhty et Boukhatoul Moubarack (cf. Figure2).
Il ressort aussi de cette enquête que 76,1% des récupérateurs rencontrés résident dans les alentours immédiats des décharges contre 23.9% en provenance de l’intérieur de la ville. Ce facteur de proximité traduit l’importance de la récupération dans la vie des ménages, venus s’installer aux abords des décharges.
4.1-Vide organisationnel autour de l’activité de récupération des déchets solides.
Les résultats de l’enquête renseignent qu’il n’existe aucune forme de structure (100% des réponses), même informelle regroupant les récupérateurs en vue d’améliorer leurs conditions de travail. Toutefois, il convient de rappeler que 76,1% des récupérateurs habitent dans les alentours immédiats des décharges, ce qui constitue un atout leur permettant d’entretenir des rapports de bon voisinage pouvant influer positivement sur les perspectives d’organisation.
4.2-Integrer un nouveau système de gestion des déchets
Rappelons que l’objectif premier de ce travail, est d’apprécier les modalités d’insertion éventuelle des récupérateurs dans un nouveau schéma de valorisation, que le PGDSU, propose. Au vu des réponses enregistrées concernant les postes à occuper éventuellement dans un centre intégré de valorisation des déchets (CIVD), on note une forte domination du choix porté sur le poste de trieur, avec 89,7% des réponses (tab1eau 1).
Tableau 1 : Motivations, et postes souhaités, dans une structure formelle (CIVD)
|
Choix du poste souhaité |
Total |
|||||
trieur |
chef d'équipe /supervi-seur |
Chauffeur |
gestionnaire de stocks |
commercial |
|||
Modalités de motivations à intégrer un nouveau système de gestion des déchets solides |
Sécurité de l’emploi et des revenus |
49 |
2 |
1 |
0 |
1 |
53 |
Valorisante du statut Professionnel |
17 |
2 |
0 |
0 |
1 |
20 |
|
Possibilité d'intégrer une structure formelle |
2 |
1 |
0 |
0 |
0 |
3 |
|
Possibilités de bénéficier de couverture médicale |
3 |
0 |
0 |
1 |
0 |
4 |
|
ce métier est le seul que je sais faire |
1 |
0 |
0 |
0 |
0 |
1 |
|
Recherche d'amélioration de mes conditions de vie |
5 |
0 |
0 |
0 |
0 |
5 |
|
Souhait d’augmenter mes gains |
2 |
0 |
0 |
0 |
0 |
2 |
|
Total |
79 |
5 |
1 |
1 |
2 |
88 |
Source : Fall. Ch.B, 2017
Ce choix s’explique en partie par le fait que 60,2% des répondants ont au minimum cinq années d’expérience et 31,8% ont plus de dix années d’expérience dans le métier de trieur. Viennent ensuite et respectivement les choix portés sur les postes de chef d’équipe, ou de superviseur, de chauffeur, de commercial et de gestionnaire de stocks. La prédominance de l’effectif des potentiels trieurs est à mettre en rapport avec le souhait de sécuriser leur emploi et leur revenu, mais aussi de valoriser le statut de récupérateur.
4.3-Reconversion en récupérateurs
La figure3, nous renseigne sur les activités génératrices de revenus, menées par les récupérateurs, mais aussi sur les professions sujettes à la reconversion.
En premier, nous avons les acteurs ayant exercé dans le petit commerce et pour la plupart en qualité de vendeurs ambulants, de vendeurs de légumes, de poissons, ou de fruits. Ils se sont reconvertis en récupérateurs et représentent 40,9% des effectifs. En seconde position, nous avons les sans-emplois, avec 25% des effectifs. La troisième catégorie de professions reconvertie en récupérateurs, est par ordre d‘importance les journaliers (femmes employées et rémunérées à la tâche dans le décorticage de l’arachide), les cultivateurs (exploitations familiales ou saisonniers au près d’un autre exploitant), et les anciens employés domestiques et artisans (tricotage, confection de bijoux et autres parures).
4.4- Scolarisation et niveau de formation, des récupérateurs
La figure 4, nous renseigne que 77,3% des personnes rencontrées au cours de l’enquête ne savent ni lire encore moins écrire dans aucune langue.
À coté, 17% ont reçu l’enseignement coranique, comme enseignement. L’importance de la proportion de cette seconde catégorie d’acteurs est à mettre en rapport avec le caractère religieux de TOUBA Mosquée, où le système éducatif français bénéficie d’une d’audience faible, expliquant les taux très bas de scolarisation de 3,4% pour le primaire et de 1,1% pour le secondaire et l’alphabétisation en langue nationale. Par ailleurs, 4,5% des individus affirment avoir bénéficié d’un renforcement de capacités dans des domaines liés à la gestion des déchets tels que les techniques de tri et d’emballage ainsi que la reconnaissance des différents types de métaux par l’entremise de PROPLAST.
4.5-Revenus moyens mensuels tirés de l’activité de récupération
Recueillir des informations relatives au revenu, n’est jamais chose aisée pour certains groupes d’individus. Les récupérateurs sous-déclarent leurs revenus pour diverses raisons, mais notre collaboration avec eux (5ans), nous a permis d’obtenir des résultats très proches de la réalité.
Au regard du résultat, on note qu’une bonne partie des récupérateurs ont un revenu mensuel inférieur ou égal à 50 000 F CFA avec 89,8 % des effectifs. Ceux-ci sont les plus présents sur les décharges, car l’importance du manque à gagner entre la dépense quotidienne et le revenu, leur impose une presque quotidienne sur les décharges. Ceux dont le revenu est compris entre 51 000 et 100 000 f CFA représentent 9,1 %, contre seulement 1,1 % dont le revenu se situe entre 101 000 et 150 000 f CFA. Ces deux groupes sont presque constitués de repreneurs. Ces résultats renseignent sur le rapport disproportionné entre les énormes efforts fournis par les récupérateurs, avec tous les risques auxquels ils se trouvent exposés et les revenus réels tirés de l’activité. Ce déséquilibre s’explique par le prix dérisoire (75 FCFA/kg), généralement défini et imposé par les repreneurs, qui ne laissent aucune marge de manœuvre aux récupérateur-vendeurs.
5. Discussion
L’intérêt de ce travail, et les résultats obtenus, mettent l’accent sur les enjeux de l’activité de récupération, une première à TOUBA Mosquée, depuis les indépendances.
Afin de mieux répondre aux questions sus mentionnées, nous allons convoquer quelques éléments d’appréciation du statut de recycleur, de son importance dans les formats de valorisation, et des revenus qu’on tire de cette activité.
La vision de M. LE MEUR (2017, p3), conforte notre position sur le rapport entre le récupérateur et son espace de travail. L’activité de recyclage, fini par créer par extension à l’espace urbaine, des organisations familiales, assimilables à des clusters s’apparentant à un « village de métier », organisé autour de la décharge. Dans cet espace, artisanat et industrie, constituent une multitude d’acteurs animant, de manière interactive la filière de matière récupérée. Selon toujours l’auteur, « cette production s’est développée sans réelle régulation publique jusqu’à la fin des années 2000, engendrant ainsi une forme locale de tragédie des biens communs. C’est-à-dire une dégradation des ressources en libre accès par des activités économiques non régulées ». Ce qui peut fort bien influer sur les revenus des récupérateurs.
Nonobstant de cette dégradation, les métiers de récupérateur-recycleur sont en pleine mutation et exposent des postures de marginalisation sociale. Leur proximité avec les déchets, fait qu’ils souffrent de manque de considération, malgré le fait qu’ils participent au fonctionnement et au développement des territoires. Et selon J-B. BAHERS (2012, p23 ; 50), il est temps que « …les enjeux d’insertion socio-professionnelle et d’emplois interrogent les logiques économiques… », sur le devenir des récupérateurs. Parce que pour l’auteur, « que l’on considère les chiffonniers déclarés ou les chiffonniers de fait, la croissance de l’effectif est considérable ». D’où la nécessité de repenser leur statut et leur rôle dans la chaine de valorisation des déchets solides.
Dans cette logique, nous avons réalisé l’inventaire des récupérateurs intervenant dans les décharges respectives de la ville sainte, et recueillir leurs préoccupations concernant leur éventuelle intégration dans un nouveau système de gestion des déchets solides urbains.
L’absence d’un travail similaire dans d’autres villes sénégalaises, ne nous permet pas de procéder à des comparaisons. N’empêche que les traits majeurs des résultats sont à discuter.
L’absence de forme d’organisation, de tutelle, prouve que l’activité de récupération n’a pas encore d’ancrage institutionnel et/ou juridique. Cela dit, elles ne sont pas un obstacle à l’intégration des récupérateurs dans un nouveau système de gestion des déchets, après capacitation. En revanche les motivations, les préférences, les conditionnalités, le taux de reconversion, le niveau de scolarité, les formations subies, et le revenu moyen mensuel, sont en déphasage avec les procédures et les exigences des projets tel le PGDSU. L’originalité de ce résultat, repose sur le fait que cette étude est la première à s’intéresser à la récupération (valorisation), et aux profils socio-économique des acteurs de ladite activité à Touba Mosquée. Certes A. DIAWARA (2009, p 120), a fait allusion à Mbeubeuss (décharge Dakaroise), et à l’activité de récupération, mais il n’a pas traité la question dans notre zone d’étude.
Les revenus issus de la récupération, comme résultat, prouvent que l’activité menée au niveau des décharges respectives de TOUBA Mosquée, pourrait devenir un secteur pourvoyeur d’emplois. Ces revenus sont tellement importants, que les récupérateur-vendeurs sont très souvent victimes de pratiques usurières, de la part des repreneurs. L’enjeu économique très élevé, est aussi matérialisé par un fort taux de reconversion, de cultivateurs, de petits commerçants, et de migrants en récupérateurs. Ces acceptions sont partagées par O. CISSE (2007), qui a étudié l’aspect financier de la récupération, mais plutôt à Dakar. Et à l’instar des autres résultats obtenus, cette étude est la première du genre à être réalisée dans une ville du centre du pays.
La scolarité et le niveau de formation des récupérateurs, nous intéresse au plus haut point. Car les projets reposent le plus souvent sur des objectifs, et des profils prédéfinis. Et c’est cette situation qui risque de se présenter aux récupérateurs de la commune de TOUBA Mosquée. Pour la simple et bonne raison que les modèles d’infrastructures que le projet souhaite construire, ne saurait être gérée par des personnes n’ayant pas de compétences, ou non instruites. Le caractère juvénile des métiers verts, et des concepts ou approches tels le « recyclage », fait qu’ils ne sont pas très présents dans la littérature des années 90 à nos jours, au Sénégal.
Nonobstant de toute la volonté dont nous étions animés, de toutes les mesures et précautions prises, nous avons été confronté à des obstacles, qui déterminent les limites de ce travail. Nous aurions souhaité connaitre la provenance des récupérateurs, afin de mieux cerner les raisons particulières de leur déplacement vers TOUBA mosquée. Connaitre la taille de leur progéniture pourrait renseigner sur le ratio dépenses quotidiennes et revenus, et mettre ensuite le résultat trouvé en corrélation avec la scolarité de leurs enfants. Comme aussi, disposer de l’information relative à la propriété de leur habitation, pouvait permettre de savoir s’ils sont propriétaires des maisons qu’ils occupent, ou s’ils les squattent. Bref tout ceci pourrait permettre de mieux comprendre les profils des récupérateurs, les différents choix qu’ils ont eu à prendre, et qui les ont menés là où ils sont aujourd’hui.
Conclusion
La population de la Commune de Touba Mosquée est de 825 701 habitants (ANSD, 2016), ce qui fait d’elle la deuxième ville Sénégalaise la plus peuplée. Forte de cette situation, Touba Mosquée reste néanmoins dépourvue d’entreprises pourvoyeuses d’emplois, à la dimension de son poids démographique. Les infrastructures de gestion des déchets solides en construction dans le cadre du PGDSU amélioreront le cadre de vie en réduisant la présence des dépôts sauvages, et constitueront à coup sûr une aubaine pour les acteurs de la récupération. En effet, les emplois à proposer s’accompagneront de meilleures conditions de travail sur le plan sécuritaire, environnemental, social et économique. En revanche, nous nourrissons une légère inquiétude à l’endroit des récupérateurs et de leur avenir. Les programmes et projets sont très souvent déroulés selon des normes standard internationales. Ils seront probablement laissés pour compte par un système qui se veut plus performant et plus abouti, et qui reposera sur la capacité, le niveau d’étude, les compétences etc. Et pis encore, depuis quelques temps, les récupérateurs-recycleurs, sont concurrencés dans leur activité par les éboueurs, qui accompagnent les bennes-tasseuses.
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Auteurs
1UFR Géographie, Université Gaston Berger de Saint-Louis (Sénégal), Laboratoire LeÏdi-Dynamique des territoires et développement, ,khadimlerg@gmail.com
2UFR Géographie, Université Gaston Berger de Saint-Louis (Sénégal), Laboratoire LeÏdi-Dynamique des territoires et développement, wachsamba@gmail.com.
[1]https://www.banquemondiale.org/fr/news/immersive-story/2018/09/20/what-a-waste-an-updated-look-into-the-future-of-solid-waste-management
[2] https://www.banquemondiale.org/fr/news/press-release/2020/03/05/senegal-to-improve-governance-and-solid-waste-management
[3] Résolution adoptée : Invite les États membres et les autres acteurs aux niveaux local, national, régional et international, y compris le secteur privé, la société civile et les milieux universitaires, à s’attaquer au problème des déchets marins et des micro-plastiques en privilégiant une approche fondée sur le cycle de vie complet et l’utilisation rationnelle des ressources, sur la base des initiatives et instruments existants, avec l’appui et sur la base de la science, de la coopération internationale et d’une participation
[4] https://www.banquemondiale.org/fr/news/immersive-story/2018/09/20/what-a-waste-an-updated-look-into-the-future-of-solid-waste-management
[5] Wastepickers : est la version anglaise de récupérateurs
[6] Bakhya et Darou salam : sont les différentes décharges existant de la Commune de TOUBA Mosquée.
[7] Echantillonnage sur la base du jugement : Echantillon prélevé à partir d’avis d’experts, qui connaissent bien la population et sont capable de dire quelles sont les entités représentatives. http://iml.univ-mrs.fr/~reboul/cours4.pdf