L’exploitation des sols sur le plateau de Danyi dans le sud-ouest du Togo est rythmée par la mutation des systèmes culturaux. Cet espace géographique de forêts humides a été, depuis l’époque coloniale jusque dans les années 1970, l’une des zones de production des caféiers Arabica, Niaouli et du cacaoyer. Mais, avec le déclin de ces cultures, celle du caféier Robusta a été introduite pour relancer la caféiculture, à un moment où la culture du maïs connaissait un regain d’intérêt chez les planteurs. La conséquence liée à la pratique de ces différentes cultures sur ce milieu physique est l’érosion des sols due aux défrichements suivis de brûlis. Cette érosion a engendré un appauvrissement des sols devenus rocailleux par endroits suite à la mise en valeur intensive, avec pour corollaire, la baisse des rendements agricoles. L’objectif de cette étude est d’analyser l’impact des systèmes culturaux sur les sols du plateau de Danyi. Elle a nécessité une collecte documentaire, des travaux de terrain et le traitement des données recueillies. Il en ressort que l’érosion des sols, modérée lors de l’introduction des plantations de caféiers Arabica, Niaouli et de cacaoyers dans cette zone forestière, s’est accentuée avec la culture du caféier Robusta et du maïs qui, contrairement aux cultures précédentes, nécessitent un défrichement systématique des versants. La valeur agronomique des sols fortement érodés sur les parcelles jadis couvertes de plantations de caféiers Robusta et de maïs est médiocre. Aussi, les secteurs aux sols fortement dégradés se localisent autour des agglomérations sur les sommets et les versants en pentes fortes (60 à 80%). Des mesures de conservation et de régénération de ces sols ont été formulées à travers le reboisement et la pratique de la culture en terrasses.
Land use on Danyi Mountains in South-Western Togo is punctuated by changes in cropping systems. This geographic area of humid forests was, from colonial times until the 1970s, one of the production areas for Arabica, Niaouli and cocoa trees. But, with the decline of these crops, the production of the Robusta coffee tree was introduced to revive coffee cultivation, at a time when the cultivation of corn was experiencing a resurgence of interest among planters. The consequence linked to the practice of these different crops on this physical environment is soil erosion due to clearing which is usually followed by grass-burning. This erosion has caused the impoverishment of soils which have become rocky at places subsequent to intensive development of which the consequent is the drop in agricultural yields. The objective of this study is to analyze the impact of cropping systems on the soils of the Mountainous region of Danyi. It required documentary collection, fieldwork and processing of the data collected. It results from our research work that soil erosion which was moderate during the introduction of Arabica, Niaouli and cocoa and coffee plantations in this forest area was accentuated with the cultivation of Robusta coffee and maize which, unlike the previous crops, require systematic clearing of slopes. The agronomic value of the heavily eroded soils on plots formerly covered with Robusta coffee and maize plantations is poor. Also, the sectors with strongly degraded soils are located around the agglomerations on the summits and the slopes with steep slopes (60-80%). Conservation and regeneration measures for these soils have been formulated through reforestation and the practice of terraced cultivation.
Introduction
L’érosion des sols liée à l’agriculture est un fléau qui n’épargne aucun endroit de la Terre. D’après D. BAWA (2012, p. 272) citant la FAO (1998), 40% de la dégradation des terres dans le monde est imputable à l’érosion. Pour R. NEBOIT (1983, p. 9), « c’est parce que l’érosion naît au contact, et du contact, entre la surface des continents et l’atmosphère, que l’homme, qui occupe et exploite ce site privilégié, en modifie le cours et l’intensité ». D’importants travaux de mesures d’érosion menés par des chercheurs et des centres de recherches (FOURNIER, 1967 ; ROOSE, 1977 ; CTFT, 1979 ; BIROT, 1981 ; MIETTON, 1988), cités par D. Bawa (2012, p. 271, 272) ont montré que les pertes de terres par érosion varient en fonction des modes de cultures. Ces modes de cultures sont justement les moyens par lesquels l’érosion des sols s’exprime sur le plateau de Danyi dans le sud-ouest du Togo qui fait l’objet de cette étude (figure 1).
Le plateau de Danyi, d’une altitude moyenne de 700 à 800 m, s’étend entre 7°07’ (matérialisé par le cours d’eau Takpla) et 7°13’ de latitude nord et 0°36’ et 0°40’de longitude est. Ce plateau qui fait partie du système de plateaux caractérisant la vieille chaîne aplanie de l’Atacora est structuré par les quartzites, les schistes et les micaschistes dont l’altération a donné des sols ferrallitiques sous des climats anciens. Cet espace géographique de forêts denses semi-décidues jouit d’un climat de type subéquatorial, avec des précipitations de l’ordre de 1600 à 1700 mm en moyenne par an. Ces conditions climatiques humides ont fait de ce plateau, à l’instar des autres plateaux du sud-ouest et du centre-ouest du Togo, une zone de cultures de rente, notamment les caféiers Arabica, Niaouli et le cacaoyer.
Ces cultures de rente ont été introduites dans cette zone par des travailleurs saisonniers Ewé revenus de la Gold Coast (actuelle Ghana) entre 1895 et 1896 (T.T. K. Tchamié (2000, p. 151). Le succès de ces cultures sur les plateaux du sud-ouest va bouleverser la vie socio-économique des populations et l’environnement de ces plateaux. L’empreinte de ces cultures sur le cadre physique des plateaux dont celui de Danyi n’était pas identique. La mise en œuvre des cultures de caféiers Arabica, Niaouli et du cacaoyer était subordonnée à un défrichement sélectif qui épargnait les grands arbres sensés protéger les jeunes plants de caféiers et de cacaoyers des rigueurs du soleil. Par contre, celle du caféier Robusta et du maïs, principale céréale cultivée dans la zone, nécessite un défrichement systématique des parcelles à emblaver. Ce système cultural offre, indiscutablement, des conditions optimales aux processus d’érosion. Une érosion d’autant plus importante que les défrichements se font en fin de saison sèche et en début de la saison de pluies, marquées par de fortes averses violentes. Toutes ces cultures ne sont plus pratiquées à grande échelle à exception des cultures vivrières. Mais, il faut noter que ces dernières années, la cacaoculture a été réintroduite, à titre expérimental, dans certains secteurs du sud-ouest du Togo où elle est associée aux bananiers. La réalité tangible liée aux cultures de rente à grande échelle qui sont aujourd’hui un lointain souvenir est leur impact sur les sols du plateau de Danyi. Au regard de ce qui précède, le questionnement est de savoir : comment ces différentes cultures ont impacté les sols sur le plateau de Danyi ? L’objectif de cette étude est d’analyser l’impact des différentes cultures sur les sols du plateau de Danyi en termes d’érosion, afin de relever la valeur agronomique actuelle de ces sols et de spatialiser l’érosion à travers une cartographie. Pour atteindre cet objectif, une méthodologie a été adoptée afin d’obtenir des résultats significatifs qui ont fait l’objet de discussion.
- Cadre méthodologique
La méthodologie mise en œuvre dans le cadre de cette étude se compose de la collecte des données documentaires, de travaux de terrain et de traitements de données recueillies.
1.1 Collecte documentaire
Les documents consultés sont des rapports d’études sur la production agricole, des articles traitant de l’érosion des sols en lien avec les pratiques agricoles, des thèses et mémoires et des ouvrages généraux sur l’érosion anthropique. Cette documentation textuelle a été complétée par les documents cartographiques portant sur la géologie (carte géologique à 1/500 000), la topographie (carte topographique à 1/ 50 000 d’Adéta 2a) et la pédologie (carte pédologique à 1/200 000).
1.2. Travaux de terrain
Les travaux de terrain ont été faits en deux phases. La première a été faite pendant la saison sèche correspondant à la période où la végétation est ouverte par la sècheresse et les feux et donc propice à l’observation des faits morphogéniques. La seconde pendant la saison pluvieuse pour apprécier les techniques culturales et les mécanismes du ruissellement. Ces travaux ont porté sur l’identification d’anciennes parcelles de plantations de caféiers et de cacaoyers et la description de leur état actuel (ces cultures de rente n’étant plus pratiquées). Les techniques culturales dans la mise en œuvre des cultures vivrières, les marques de l’érosion et des profils de sols ont été aussi décrits. A ces activités s’ajoutent les levés GPS des secteurs érodés du plateau, les mesures de pentes et des entretiens avec des agriculteurs de la zone.
Les observations et la description des techniques culturales, des marques d’érosion et des profils de sols ont été effectuées sur les parcelles cultivées et sur les anciennes parcelles de cultures de rente dans les trois principales agglomérations de la zone à savoir : Danyi-N’digbé, Danyi-Atigba et Danyi-Apéyémé. Une tarière a été utilisée pour les sondages et le prélèvement de 18 échantillons de sols sur les 30 premiers cm. Ces échantillons de sols ont été prélevés sur les anciennes parcelles de plantations de caféiers Robusta et celles destinées actuellement à la culture du maïs (9 échantillons) et dans un but comparatif, sur les anciennes parcelles de cultures de caféiers Arabica, Niaouli et de cacaoyers (9 échantillons). Le repérage de ces différentes parcelles a nécessité l’accompagnement d’un guide local dans les différentes agglomérations visitées. Les levés de terrain ont été faits au GPS différentiel, les pentes mesurées au clinomètre de marque silver et les clichés pris à partir d’un appareil photographique.
Les entretiens sur la base de « focus group » ont concernés 125 personnes composées d’hommes et de femmes adultes dont l’âge varie entre 25 et 75 ans, choisis dans les localités de la zone d’étude. Le choix des enquêtés s’est fait de façon raisonnée et le critère d’éligibilité est qu’il faut avoir résidé dans la zone au moins 25 ans qui est la durée d’une génération et être un agriculteur ou exercer un métier qui se rapporte à la terre. L’âge avancé de certains enquêtés a permis d’avoir des informations sur la mutation des systèmes culturaux dans la zone et l’ensemble des enquêtés de mieux appréhender la perception des agriculteurs du phénomène érosif.
1.3. Traitement des données
Le traitement des données a concerné les échantillons de sols et les levés GPS. Les échantillons de sols ont fait l’objet d’analyses granulométrique et chimiques au laboratoire de pédologie de l’Institut Togolais de Recherche Agronomique (ITRA) de Cacavéli à Lomé. La granulométrie a été faite à l’aide d’un agitateur sur lequel est placée une colonne de 16 tamis de 2 mm à 50 µm de diamètre de la série Association Française de Normalisation (AFNOR). Les analyses chimiques des échantillons ont porté sur le pH, le taux de matière organique, les bases échangeables (le sodium (Na), le potassium (K), le calcium (Ca) et le magnésium (Mg)) et le rapport carbone sur azote (C/N). Ces paramètres chimiques ont permis de déterminer l’état de fertilité des sols.
Le traitement des données GPS a été fait par ordinateur à partir du logiciel Arc Gis 10. Ces données ont été projetées sur la carte topographique de la zone (carte d’Adéta 2a à 1/50 000). Cette manipulation a permis de réaliser la carte de spatialisation des secteurs aux sols érodés et de calculer la superficie concernée par cette érosion sur l’ensemble du plateau. C’est pour mettre en exergue les pentes que les secteurs érodés ont été reproduits sur la carte topographique d’Adéta préalablement géoréférencée avec le logiciel Envi.
- Résultats
Les résultats de cette étude portent sur les modes culturaux qui impulsent une dynamique à l’érosion, la qualité agronomique des sols post-érosion et la spatialisation de l’érosion.
2.1. Les modes culturaux et l’érosion
Les modes de cultures sur le plateau de Danyi ont évolué dans le temps. Les plantations de caféiers arabica et de cacaoyers ont fait place aux cultures du caféier robusta et du maïs suite au déclin de ces premières cultures. L’introduction de ces cultures dans cette zone forestière du sud-ouest du Togo a différemment influencé l’érosion des sols.
2.1.1.Les caféiers Arabica, Niaouli et le cacaoyer : des cultures d’ombrage réduisant l’érosion
L’Arabica et Niaouli sont les premières variétés de caféiers introduites dans la zone en 1895-1896. L’influence de ces variétés de caféiers sur l’érosion des sols a été moindre et cela s’explique par les techniques agricoles qui sous-tendent leur mise en œuvre. En effet, l’Arabica et le Niaouli sont des variétés qui grandissent à l’ombre des grands arbres et c’est pour cette raison que la déforestation était sélective lors des pratiques culturales destinées à ces variétés. Les arbustes sous les grands arbres étaient abattus et brûlés pour faire place aux plants de caféiers. Il faut préciser que ces espèces de caféiers prospèrent dans les zones montagneuses et de ce fait, le plateau de Danyi est bien indiqué pour leur culture. L’agrosystème qui résulte de cette association des grands arbres et des plants de caféiers protège le sol contre l’érosion, d’autant plus que les grands arbres interceptent les gouttes de pluies et/ou les dispersent. Ce rôle d’interception des gouttes de pluies par les grands arbres réduit ainsi l’impact de celles-ci et leur travail morphogénique. De même, bien que le nettoyage du sous-bois se fasse en saison de pluies à l’aide de machettes sous les plantations de caféiers, l’érosion reste réduite parce que le système racinaire du sous-bois encore vivace fixe le sol et le protège de l’érosion.
Par ailleurs, la culture du cacao est semblable à celle des caféiers Arabica et Niaouli, car il pousse aussi à l’abri des grands arbres. Le défrichement pour sa plantation est donc sélectif et les arbres protecteurs jouent aussi le rôle de protection contre l’érosion des sols. Ces sols sous les plantations de cacaoyers sont épais et fertilisés par la décomposition de la litière provenant des feuilles mortes des arbres et des cacaoyers.
La culture des caféiers Arabica, Niaouli et du cacaoyer sur le plateau de Danyi ont été délaissées pour la culture du caféier Robusta et des cultures vivrières pour des raisons diverses. Il s’agit du vieillissement des plantations de caféiers et de la destruction des plantations de cacaoyers par la « pourriture brune ».
2.1.1.Le caféier Robusta et le maïs : des cultures héliophiles favorisant l’érosion
La culture de la variété Robusta introduite dans la zone après le déclin des variétés précédentes, se faisait dans un environnement édaphique complètement dépourvu d’arbres parce qu’elle est plus tolérante à la chaleur et à la lumière du soleil. Ainsi, les planteurs de caféiers ont défriché à tour de bras des dizaines d’hectares de parcelles sur des versants pentus (60 à 70% de déclivité) pour planter cette variété. Le caféier Robusta est une variété héliophile qui commence à produire entre 3 et 4 ans ; mais sa durée de vie n’est que d’une dizaine d’années selon 95% des planteurs. La préparation des parcelles de culture dure 2 à 3 ans selon ces planteurs. La première année est consacrée à la coupe des grands arbres. La deuxième année à la coupe des arbustes et des espèces du sous-bois. La parcelle mise à blanc est sujette à un dessouchage pour permettre aux plants de caféiers de profiter des traitements phytosanitaires (insecticides) et de l’épandage d’engrais pour un meilleur rendement. Le désherbage, dans le contexte des plantations des caféiers Robusta, se fait à la houe les premières années ; ce qui ameubli le sol et accroît l’érosion. Les années suivantes, il se fait à la machette. Les espaces nus entre les plants de caféiers sont exposés au travail de l’eau de ruissellement qui engendre une érosion en nappe dont le résultat est le pavage du sol par des débris de roches hétérométriques comme on peut l’observer sur la photo 1 et le ravinement.
La culture du maïs qui est une plante héliophile s’est intensifiée après le déclin des cultures de rente. Autrefois délaissés au profit des cultures de rente, le maïs (Zea Mays) et d’autres produits vivriers tels que l’igname (Dioseorea togoensis), le manioc (Manihot eseulenta), le haricot (Vigna ungueulata), le taro (Coloeassia eseulenta), la patate douce (Ipomea batatas) etc. connaissent actuellement un regain d’intérêt chez les planteurs. Cette dynamique de la production vivrière s’explique par les besoins sans cesses croissants exprimés par une population de plus en plus nombreuse. C’est donc pour combler le manque à gagner lié à la baisse des revenus tirés de la vente des produits de rente que les paysans se sont lancés dans la culture du maïs et d’autres produits vivriers en défrichant les anciennes terres destinées auparavant aux plantations des caféiers Arabica, Niaouli et de cacaoyers. Des hectares de terre sur les sommets d’interfluves et les versants pentus (12 à 80%) ont été mis à nus par défrichage suivi de brûlis.
La culture du maïs se pratique sans un travail préalable du sol, une fois que le défrichement et le brûlis sont effectués. Le semi se fait à même de sol et le maïs en monoculture ne protège pas suffisamment le sol de l’érosion qui est exacerbé par le sarclage qui se fait de surcroît en pleine saison de pluies. Cette opération de nettoyage des champs pour débarrasser les pieds de maïs des adventices ameubli le sol en surface. Les eaux de ruissellement sur ces parcelles quasiment planes et qui plus est sur des versants en pentes fortes (12 à 35% voire 80%) décapent la portion meuble du sol, laissant sur place, en amont, des débris de roches hétérométriques impropres à la culture du maïs (photo 2), tandis qu’en bas de pente, le sol colluvial corrélatif épais est propice à cette culture (photo 3).
La photo 2 et 3 sont prises dans un même champ de maïs situé sur un versant dont la pente est de 20%. La photo 2 est prise en amont du versant où le sol squelettique pauvre porte des pieds de maïs chétifs. La photo 3 montre par contre un pied de maïs vigoureux en aval, où s’est accumulé un sol colluvial relativement épais (35 cm).
Les conditions édaphiques résultant du défrichement des parcelles destinées aux cultures vivrières sont semblables à celles qui président à la mise en valeur des plantations des caféiers Robusta. Elles favorisent l’érosion des sols sur les parcelles concernées. L’exploitation intensive de ces parcelles sur une longue durée a vidé leur stock de sols qui ne subsistent que sous une forme rocailleuse, surtout en amont des versants.
Par ailleurs, la culture de certaines plantes vivrières telles que la patate douce (Ipomea batatas), et le manioc (Manihot eseulenta) qui sont des tubercules nécessitent le labour en sillons qui se fait souvent dans le sens de la pente. Cette technique culturale (photo 4) sur un versant de 12% de déclivité (les flèches sur la photo 4 indiquent l’orientation de la pente) canalise les eaux de ruissellement lors des événements pluvieux dont la vitesse s’accroît sous l’effet de cette pente. L’accroissement de la vitesse des eaux de ruissellement augmente aussi leur potentiel érosif. L’érosion des sols dans ces conditions est d’autant plus importante que ces sols sont ameublis.
La dynamique érosive à l’origine de l’affleurement des débris de roches procède par un tri sélectif des fines particules de sols en l’occurrence les argiles, les limons et les sables fins. Les particules grossières à savoir les sables grossiers et les débris de roches sont laissées sur place. Ce mécanisme physique opéré par les eaux de pluies ruisselant en filets divagants est prépondérant sur ce plateau pourtant en pentes fortes. Cela s’explique par la faible épaisseur des sols qui ne favorisent par un ravinement conséquent (photo 5).
Le ruissellement concentré engendre des griffes de quelques centimètres de profondeur dans la partie la plus meuble du profil pédologique puis s’étale lorsque cette incision atteint un horizon argileux plus compact. Le ravinement est donc contrarié par cet horizon argileux injecté d’éclats de quartz. Il freine le ravinement dans son évolution verticale, mais latéralement il déblaie les horizons A humifères riches en particules fines (argiles, limons et sables fins). Ce processus de ravinement semble être le mécanisme de surface prépondérant dans la zone.
2.2.La qualité agronomique des sols
Elle a été appréciée à travers les compositions physique et chimique des sols de la zone. Il s’agit d’une part des sols érodés exploités de longue date dans le cadre de la production du caféier Robusta et du vivrier et d’autre part des sols destinés jadis aux plantations des caféiers Arabica, Niaouli et du cacaoyer. La texture des sols, analysée sur la base des résultats de la granulométrie des échantillons, a permis de constater que les sols sévèrement affectés par l’érosion sont ceux qui portaient les cultures du caféier Robusta et le maïs. Ils comportent une fraction élevée de sables (57,8 à 62,5%), contrairement à ceux qui en sont relativement épargnés parce que exploités pour produire les caféiers Arabica, Niaouli et le cacaoyer et qui ont été colonisés par une végétation de type forêt humide dégradée (29,3 à 34,5%). Les composants chimiques des sols sortis des résultats d’analyses sont : les bases échangeables (K++, Ca++, Mg++, Na++), la matière organique, le rapport C/N et le pH.
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- Les sols sur anciennes parcelles destinées à la culture du caféier Robusta et sur parcelles de maïs
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Ces sols rouges (sols ferrallitiques) fortement remaniés qui se développent au sommet des interfluves et sur les versants de 12 à 35% voire 60 à 80% sont couverts de savanes herbeuse, arbustive ou arborée lorsqu’ils sont en friches. Dans les champs labourés, leur profil ne permet pas de distinguer les horizons. Par contre dans les friches, ils présentent le profil suivant :
- 0-30 cm, horizons A sablo-argileux gris brun difficiles à différencier, de structure graveleuse truffée de racines de graminées ;
- 30-60 cm, horizons B argilo-sableux difficilement discernables, présentant un lit de débris de quartz anguleux et quelques racines, le tout reposant sur la roche-mère quartzitique faiblement altérée.
L’analyse de trois échantillons de sols prélevés autour du village de Danyi-N’digbé donne les résultats quasiment identiques qu’on peut observer sur le tableau 1.
L’analyse des échantillons de sols des champs de maïs dans les environs de Danyi-Atigba au nord de Danyi-N’digbé, donne des résultats tout aussi peu différenciés des échantillons de sols précédents comme on peut le constater sur le tableau 2.
Les résultats de l’analyse des échantillons de sols sur les anciennes parcelles de Robusta dans les environs de Danyi-Apéyémé au nord de Danyi-Atigba ne sont pas très différents de ceux des autres localités (tableau 3).
Les sols érodés sont reconnaissables à leurs horizons superficiels chargés de débris hétérométriques de roches quartzitiques. Les résultats de l’analyse granulométrique de la portion meuble des échantillons de sols indiquent une forte proportion de sables qui est de l’ordre de 30,29% en moyenne contre un taux d’argile de 26,34%. Cette composition texturale confère aux sols une structure légère avec une faible cohésion des particules d’autant plus que les colloïdes humiques sont en faible proportion. Le taux de matière organique dans ces sols qui varie entre 1,5 et 2,5 indique qu’ils sont pauvres en matière organique. Il faut noter que ces sols sont moyennement à faiblement acides. Les colloïdes humiques et argileux (complexe absorbant) faiblement représentés confèrent à ces sols une capacité d’échange cationique faible qui dénote de leur appauvrissement en nutriments. Ce complexe absorbant fixe le Ca++, Mg++, K++ et Na++. La saturation du complexe argilo-humique en ces éléments qui sont des bases est faible au regard des résultats d’analyses des échantillons de sols. Les taux de saturations sont très bas et se situent entre 12 et 14%. Le rapport carbone sur azote (C/N) inférieur à 10 indiquant une mauvaise minéralisation de la matière organique qui varie entre 1,6 et 2,5 est une preuve supplémentaire de l’appauvrissement de ces sols érodés.
2.2.1.Les sols sur anciennes parcelles de cultures de rente sous ombrage
Ce sont des sols peu remaniés présentant une texture et une structure différentes de celles des sols fortement remaniés. La texture est dans l’ensemble argilo-sableuse et la structure un peu lourde à cause de la forte proportion d’argiles et de l’humus. Ils présentent le profil suivant :
- 0-30 cm : horizon argilo-sableux de couleur brun-sombre humifère, de structure grumeleuse, peu cohérent comportant des racines ;
- 30-90 cm : horizon argilo-sableux caillouteux et graveleux, forte concentration d’argiles et de débris de quartz sur schistes ou quartzites très altérés (photo 6).
La composition chimique de ces sols est aussi différente de celle des sols précédents comme le démontrent les résultats d’analyses des échantillons de sols.
Les résultats de l’analyse des échantillons de sols prélevés autour de la localité de Danyi-N’digbé, Danyi-Atigba et Danyi-Apéyémé indiquent une composition texturale à dominance argileuse et une composition chimique radicalement différente des sols érodés des mêmes localités (tableau 4, 5 et 6).
La texture des sols sur toutes les anciennes parcelles de cultures de rente sous ombrage est argilo-sableuse sur les 30 premiers cm. Au-delà de 30 cm, elle est aussi argilo-sableuse mais chargée de débris de quartz. Ce sont des sols un peu lourds, avec un pH faiblement alcalin (7,4 et 7,8). Le rapport C/N supérieur ou égal à 10 indique une bonne minéralisation de la matière organique dont les valeurs se situent entre 5,6 et 6,5. D’un point de vue chimique le complexe argilo-humique est saturé en bases, avec des taux de saturations variant entre 28 et 29%.
2.3.La spatialisation de l’érosion
Les secteurs aux sols érodés sont se situent autour des localités de Danyi-N’digbé, Danyi-Atigba et Danyi-Apéyémé. Trois secteurs au degré d’érosion variable ont été relevés : il s’agit des secteurs fortement érodés, moyennement érodés et faiblement érodés.
2.3.1.Les secteurs fortement érodés
Ils sont situés dans les environs plus ou moins immédiats des localités sus-citées. Autour de Danyi-N’digbé, ils couvrent une superficie de 1 300 ha, dans les environs de Danyi-Atigba 1 250 ha et à Danyi-Apéyémé ils s’étendent sur 3119 ha jusqu’à la localité de Keteme au sud-ouest de la zone (figure 2).
Ces secteurs aux sols fortement érodés qui se localisent essentiellement sur les sommets d’interfluves et les versants de forte déclivité (60 à 80%) couvrent une superficie totale de 5 669 ha. D’après 85% des agriculteurs, il s’agit d’anciennes parcelles de plantations de caféiers Arabica, Niaouli et de cacaoyers qui ont été mises à blanc dans le cadre des plantations de caféiers Robusta et de la culture du maïs. Ces secteurs sont d’un point de vue biogéographique caractérisés par un couvert végétal savanicole, avec de rares arbres épargnés par les défrichements culturaux lorsqu’ils sont en friche.
2.3.2.Les secteurs moyennement érodés
Ces secteurs se situent à la lisière de ceux qui sont fortement dégradés. D’après 90% des agriculteurs, il s’agit de secteurs dont les parcelles de cultures étaient destinées aux plantations de caféiers Arabica, Niaouli et de cacaoyers. Ces secteurs sont restés en l’état pour des raisons d’absence ou de décès des propriétaires terriens. Ils sont caractérisés par des sols relativement épais, sur des versants pourtant en pentes fortes (65 à 80%). Ils portent cependant par endroits les marques d’érosion en nappe qui sont des affleurements de débris de roches très circonscrits dans l’espace. Ils ne représentent que quelques centaines d’hectares autour des localités de Danyi-N’digbé, Danyi-Atigba et Danyi-Apéyémé.
2.3.3.Les secteurs faiblement érodés
Les secteurs faiblement érodés sont reconnaissables à leur couvert forestier de terre ferme et ripicole. Ces secteurs s’étendent surtout à l’ouest de la zone d’étude jusqu’à la frontière avec le Ghana. La faible dégradation des sols par érosion dans cette partie du plateau s’explique, sans doute, par son caractère très accidenté (valeur des pentes de l’ordre 95%) qui empêche l’exploitation des sols. De plus, les localités à l’ouest du plateau sont dispersées et moins peuplées que celles de l’est.
3.Discussion
Elle s’articule autour des systèmes culturaux et de leur impact sur l’érosion des sols, de la qualité agronomique des sols impactés par les cultures de caféiers, de cacaoyers et vivrières et la spatialisation de l’érosion sur le plateau de Danyi. La preuve de l’impact des différents systèmes culturaux sur l’érosion des sols est faite à travers plusieurs travaux.
Les cultures des caféiers Arabica, Niaouli et du cacaoyer, parce qu’elles se pratiquent à l’ombre des arbres préservent le sol d’une érosion sévère. L’importance de cet agrosystème qui favorise le développement du caféier et freine l’érosion des sols est reconnue par le CIRAD (2013, p. 1) au Costa Rica, dans la région de Llanos Bonito qui préconise, dans le cadre de la mise en valeur de la culture du caféier caturra semblable aux caféiers Arabica et Niaouli, l’association de cette variété avec les arbres d’ombrage de l’espèce Erythrina poeppigiana. Dans ses études réalisées à Java, W. Bally (1932, p. 595), évoque aussi la culture du caféier Arabica sous ombrage. Au sujet de la culture du caféier d’ombrage en l’occurrence la variété Niaouli, T.T. K. Tchamié (2000, p. 155) écrit :
« C'est une variété de grande taille qui commence à produire entre 5 et 7 ans. Elle a par contre une durée de vie et de production assez longue (entre 20 et 30 ans). C'est une variété moins exigeante qui se cultive sous une strate arborée supérieure, à cause de l'humidité dont elle a besoin pour sa croissance. C'est donc une espèce sciaphile dont la culture nécessite moins d'engrais. La régénération de la plante adulte se fait par simple élagage des vieilles branches ; ce qui permet le rejet de nouvelles branches et une reprise de la production ».
Selon le même auteur, le défrichement sélectif qui épargne les grands arbres permet de préserver l’humidité et l’ombre nécessaire à la croissance du caféier, d'éviter l'érosion des sols sur les versants et permettre la reconstitution rapide des forêts une fois la plantation abandonnée.
Contrairement aux résultats de nos études, B. I. Kebe et al. (2009, p. 2) préconisent, dans le cadre de la mise en valeur de la culture du cacaoyer, l’abattage de tous les grands arbres qui selon eux sont nuisibles parce qu’ils sont antagonistes du cacaoyer et hôtes de maladies. Mais, ces auteurs précisent cependant, qu’il faut épargner lors du défrichement les arbustes qui vont protéger temporairement les jeunes plants de cacaoyers des ardeurs du soleil tout comme les bananiers qu’ils préconisent six mois après la mise en terre des plants. Cette technique de culture est aussi celle qu’ont décrit H. Lecomte et C. Chalot (1897, p. 25, 36 et 37). Quoi qu’il en soit, tous les auteurs qui ont abordé la culture du caféier Arabica, Niaouli et celle du cacaoyer dans leurs travaux relèvent l’association des arbres naturels avec les plants de caféiers et/ou plantés avec ceux du cacaoyer.
Le rôle du défrichement systématique des parcelles, suivi de brûlis dans le processus et l’accentuation de l’érosion des sols est prouvé. Ce type de défrichement sur le plateau de Danyi est lié à la pratique des cultures du caféier Robusta et du maïs auxquelles sont associées d’autres cultures vivrières. Nos résultats sur ce type de pratique culturale relevé sur le plateau de Danyi sont corroborés par ceux de B. I. Kebe et al. (2015, p. 2). Ces auteurs précisent que pour la préparation du sol en vue de planter le caféier Robusta, il faut abattre toute la végétation et la brûler si nécessaire. W. Bally (1932, p. 595) a relevé aussi cette pratique culturale dans la zone de production de café à Java. T. T. K. Tchamié (2000, p. 155 et 156) a souligné également dans ses écrits le caractère néfaste de ces défrichements systématiques des versants sur les plateaux du sud-ouest du Togo dans la mise en valeur de la culture du caféier Robusta. Si ce caféier est cultivé sur des parcelles complètement mises à nues, c’est parce qu’il est tolérant à la chaleur du soleil.
La culture du maïs, plante héliophile, nécessite aussi des défrichements systématiques des parcelles à emblaver suivis de brûlis. Cette pratique culturale a été décrite par D. Bawa (1990, p. 93) dans l’Adélé sur les plateaux du centre-ouest du Togo. Cette culture phytophage est aussi évoquée par P. Milleville et Ch. BLANC-PAMARD (2001, p. 245) dans leurs travaux réalisés à Madagascar, où les défrichements pour la culture du maïs se font au dépend des forêts sèches et à l’aide de la hache. Cette forme de préparation des parcelles de cultures appelée essartage qui est suivie de brûlis, laisse le sol nu exposé aux premières averses qui déclenchent l’érosion des sols. Le maïs qui n’est pas une plante couvrante et de surcroît semé en lignes suivant un espacement ne protège pas le sol de l’érosion. Aussi, le travail du sol en profondeur par billonnage surtout dans le sens de la pente, relevé dans la zone d’étude est une technique de labour néfaste qui accroit l’érosion des sols. E. Roose (1973, p. 64) dans ses travaux de mesure de l’érosion en Côte d’Ivoire, a signalé les effets néfastes du buttage et du billonnage sur l’érosion des sols. Il note en substance que : « Ce sont des techniques courantes en Afrique pour assurer le bon développement des racines (manioc, igname), mais ce sont des pratiques dangereuses car, si théoriquement elles augmentent la surface d’infiltration du sol (donc en principe diminuent le ruissellement), elles augmentent également la pente moyenne du terrain et donc l’érosion (qui accroît de façon exponentielle avec la pente) ». D. Bawa (2012, p.278) a relevé aussi les effets de ce type de labour sur l’érosion des sols dans la région de la Kara.
Au sujet du défrichement et de la mauvaise protection des sols par les cultures du maïs contre l’érosion, E. Roose (1985, p. 27) précise que :
« La détérioration des propriétés chimiques et physiques du sol est d'autant plus rapide que le défrichement est brutal, mais le nouvel équilibre entre le sol et le milieu sera d'autant plus tardif et plus bas que le système cultural mis en place protège mal le sol contre l’énergie des pluies et du soleil, compense mal les pertes en nutriments et en matières organiques ».
L’appauvrissement en particules fines des horizons superficiels du sol par érosion sélective est un phénomène bien connu qui a été mesuré par E. Roose (1985, p. 26). L’auteur relève dans ses travaux que ce phénomène est « détecté au bout de 10 à 20 ans sur les champs nouvellement défrichés et mis en culture. Par ailleurs, l’horizon labouré voit sa capacité de stockage d’eau de pluies réduite, suite à la diminution de l’infiltration et à la diminution du taux des colloïdes ». Les travaux du Centre Technique Forestier Tropical (CTFT, 1979, p. 25) précisent que l’érosion des sols ferrallitiques se traduit par un appauvrissement des horizons de surface en argile et par une diminution de leur teneur en matière organique. Cette dégradation mécanique des sols par érosion annonce leur dégradation chimique qui réduit leur potentiel agronomique.
La valeur agronomique des sols érodés est souvent médiocre et cela s’explique par la dégradation du complexe argilo-humique qui entraine in fine le départ des nutriments du sol et par l’acidification de ces sols. Les résultats d’analyses des échantillons de sols érodés dans la zone d’étude montrent que ces sols sont faiblement saturés en bases échangeables (Ca++, K++, Mg++ et Na++). Cette désaturation qui s’explique par la déstructuration du complexe absorbant suite à l’érosion a été signalée aussi par M. Lamouroux (1969, p. 62) sur les plateaux du sud-ouest du Togo. Selon cet auteur, les sols ferrallitiques remaniés sont fortement désaturés. Aussi, la dégradation de ces sols par acidification que nous avons relevée à travers les résultats d’analyses chimiques des échantillons de sols est corroborée par les travaux de J. Brabant et al. (1996, p. p.35 et 36) sur la dégradation chimique des sols ferrallitiques sur les plateaux du sud-ouest et les plateaux de « Terre de Barre » du Sud-Togo. Selon FAO (2016, p. 1), l’acidification des sols est due : « aux pluies de longue durée, le drainage de sols acides à sulfates, les dépôts acides, l'application excessive d'engrais à base d'ammonium, la déforestation et les pratiques agricoles qui éliminent les produits ». L’acidification des sols sur le plateau de Danyi est probablement due à la déforestation et à l’utilisation excessive des engrais chimiques dans le cadre de la mise en œuvre des plantations de caféiers Robusta. Les travaux de T.T.K. Tchamié (2000, p. 155) donnent des précisions sur cette utilisation des engrais conseillée par les agents de la SRCC dans les années 1970. L’auteur souligne, hormis la dégradation des forêts liée à la culture du café Robusta, « la perte de fertilité des sols consécutive à l’usage des engrais chimiques… ».
La spatialisation de l’érosion sur le plateau de Danyi est définie par la localisation des parcelles de cultures qui sont les secteurs de l’expression de l’érosion exacerbée par la valeur élevée des pentes (12 à 35% voire 60 à 80%). S’il est vrai, comme l’a précisé T.T.K. Tchamié (2000, p. 161) citant P. Rognon (1993) que l’érosion n’a pas besoin d’une valeur élevée de la pente pour s’exprimer, il est tout aussi vrai que la forte inclinaison de la pente accroit l’érosion des sols. Sur ce sujet, tous les auteurs ayant abordé cette thématique dans leurs travaux s’accordent pour reconnaitre le rôle important de l’inclinaison de la pente sur le phénomène de l’érosion. Les auteurs comme Duley et Hays (1933), Neal (1938), Zingg (1940), Borst et Woodbrun (1949) cités par E. Roose (1977, p. 42) ont démontré que les pertes en terre croissent de manière exponentielle avec l’inclinaison de la pente. Ceci prouve à suffisance que la localisation des sols dégradés sur les versants en pentes fortes du plateau de Danyi n’est pas une simple vue de l’esprit, mais une réalité implacable qui doit éveiller la conscience des populations de la zone sur le devenir de leur terroir duquel ils tirent leur subsistance.
Conclusion
La dégradation des sols sur le plateau de Danyi par érosion, commencée timidement avec l’introduction de la culture des cafés Arabica et Niaouli et celle du cacao, s’est accentuée avec la culture du café Robusta et l’intensification des cultures vivrières. Les défrichements sélectifs des forêts pour le développement des plantations des premières variétés de culture de rente ont permis une protection relative des sols, contrairement à ceux effectués avec l’avènement de la culture du café Robusta et l’intensification de celle du maïs. La pratique de ces cultures a considérablement entamé le stock de sols des versants dénudés en pentes fortes. L’aspect rocailleux de ces sols fortement remaniés sur les anciennes parcelles de cultures du caféier Robusta et celle du maïs implique inéluctablement leur appauvrissement en éléments fins et en nutriments qui étaient à la base de leur fertilité. La désaturation de leur complexe absorbant en bases échangeables (Ca++, Mg++, K++ et Na++) est corroborée par l’analyse des sols sur les anciennes parcelles d’Arabica, Niaouli et de cacaoyers protégés par le couvert forestier reconstitué ou du moins ce qu’il en reste. De plus, l’acidification de ces sols devenus squelettiques s’explique en grande partie par l’usage intensif des engrais chimiques lors de la culture du café Robusta. Ce qui a contribué à la perte de leur potentiel agronomique. A cela s’ajoute la mauvaise minéralisation de la matière organique au demeurant peu représentée qui s’explique par un C/N inférieur à 10. Les sols appauvris par l’érosion mécanique liée à une mise en valeur sans mesures conservatoires se situent autour des grandes agglomérations de la zone sur les pentes de forte déclivité. Face cette érosion des sols, le reboisement systématique des versants aux sols rocailleux impropres à l’agriculture s’avère nécessaire. L’introduction de la culture en terrasses, en vigueur dans le pays Kabyè au Nord du Togo, serait aussi un moyen de lutte contre l’érosion du sol sur le plateau de Danyi qu’il faut explorer.
Références Bibliographiques
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Auteur
1Université de Lomé (Togo), dangnissobawa@hotmail.fr