Les voies de communication, utiles au déplacement des populations et à l’acheminement des produits agricoles vers les centres de commercialisation, sont des supports stratégiques dans le développement de la Côte d’Ivoire. C’est pourquoi depuis son Indépendance, l’État ivoirien s’est investi dans un vaste programme de développement de voies de communication et s’est doté de l’un des réseaux routiers les plus performants de la sous-région, afin d’interconnecter et rapprocher les pôles économiques et administratifs. L’objectif de cet article est d’analyser la dynamique des activités commerciales sur le transect N’Zianouan-Divo, un tronçon routier dans le sud de la Côte d’Ivoire. Pour y parvenir, il s’est appuyé sur une méthodologie qui a combiné la recherche documentaire à une enquête de terrain réalisée auprès de 153 acteurs marchands, installés dans 8 localités, le long du linéaire allant N’Zianouan à Divo. À l’issue du traitement des données collectées, les résultats montrent qu’une combinaison de facteurs concourt à favoriser le déploiement d’activités marchandes sur le transect N’Zianouan-Divo. À cette échelle, ces activités sont, dans la quasi-totalité, tenues par des femmes (95%). Ces acteurs proposent aux client, composés à 91% de voyageurs, une variété de produits (vivriers, animaux, boissons, etc.) à des prix fluctuant selon leur disponibilité sur les marchés. Enfin, bien que fragilisées par des contraintes diverses, la rentabilité de ces activités est à 66% supérieure ou égale au Salaire Minimum Interprofessionnel Garanti (SMIG) ivoirien (75 000 F CFA) et constituent des opportunités d’emploi et d’affirmation sociale pour les femmes en milieu rural.
Mots-clés
Roads, which are vital to the movement of populations and the transport of agricultural produce to marketing centers, are strategic elements in the development of Côte d'Ivoire. This is why, since independence, the Ivorian government has embarked on a vast road development program, building one of the most efficient road networks in the sub-region in order to interconnect economic and administrative centers and bring them closer together. The aim of this article is to analyze the dynamics of commercial activities on the N'Zianouan-Divo transect, a stretch of road in southern Côte d'Ivoire. To achieve this, it relies on a methodology that combines documentary research with a field survey of 153 commercial actors, located in 8 localities along the linear route from N'Zianouan to Divo. After processing the data collected, the results show that a combination of factors favors the deployment of commercial activities on the N'Zianouan-Divo transect. On this scale, these activities are almost all run by women (95%). These players offer customers, 91% of whom are travelers, a variety of products (foodstuffs, animals, beverages, etc.) at prices that fluctuate according to their availability on the markets. Lastly, although weakened by various constraints, the profitability of these activities is 66% higher than or equal to the Ivorian Minimum Interprofessional Wage (SMIG) (75,000 FCFA) and represent employment and social affirmation opportunities for rural women.
Keywords
Introduction
L’activité commerciale est en grande partie dépendante des conditions de son accessibilité, car les possibilités de déplacements influent sur l’appareil commercial et, en particulier, sur sa localisation (I. VAN DE WALLE, 2005, p.18). La mobilité joue un rôle important dans les activités humaines et favorise, à travers les flux de personnes et des biens, le développement des activités économiques. Consciente de ces réalités, la Côte d’Ivoire, pour soutenir son économie et assurer sa dynamique, s’est investie dans un vaste programme de développement de voies de communication et s’est dotée de l’un des réseaux routiers les plus performants de la sous-région ouest africaine.
Ce réseau qui était de 680 Km en 1960, est passé à 6 514 Km en 2000 pour atteindre 6 743 Km en 2019, permettant d’assurer plus de 90% des déplacements des personnes et des biens, en interne et avec les pays voisins (MINISTÈRE DU TRANSPORT-RCI, 2019, p.5). Cependant, le manque d’entretien routier, surtout avec l’avènement de la crise militaro-politique de 2002, a conduit à des difficultés d’évacuation des produits agricoles vers les centres urbains, occasionnant des pénuries sur les marchés, avec pour conséquence la hausse des prix des denrées alimentaires.
En vue d’apporter une solution au problème de la cherté de la vie, le gouvernement ivoirien a décidé de réhabiliter en moyenne 40 000 km de routes en terre et pistes rurales par an (MEER, 2019, p.5), en plus de l’aménagement et bitumage de routes neuves. Cette stratégie visait l’amélioration des conditions de déplacement des populations et la facilitation de l’acheminement des produits agricoles vers les centres de commercialisation. Ces possibilités de déplacement favorisent le développement d’activités commerciales, tant dans les agglomérations que le long des voies de communication, comme c’est le cas sur le transect N’Zianouan-Divo.
Situé dans le sud de la Côte d’Ivoire, le transect N’Zianouan-Divo est un axe routier qui traverse l’Agnéby-Tiassa et le Lôh- Djiboua, deux régions essentiellement agricoles, tournées vers la production vivrière (banane plantain, igname, manioc, etc.) et l’économie de plantation (café, cacao, hévéaculture, banane douce, etc.).
Cependant, elles restent confrontées à la crise du binôme café-cacao, à la paupérisation en milieu rural et aux difficultés pour les agriculteurs d’écouler les produits vivriers vers les marchés, du fait de l’impraticabilité des routes et pistes villageoises. Mais, avec les possibilités offertes par la réhabilitation de la route allant de Bodo (PK 109 sur l’autoroute du nord) à Divo, voie réhabilitée par l’État de Côte d’Ivoire en 2020 à hauteur de soixante-et-un milliards F CFA (PFO AFRICA, 2021, p.1), les populations des localités traversées par cet axe routier asphalté, trouvent opportun de proposer leurs marchandises en bordure de voie afin de pallier l’insuffisance monétaire dans l’économie des ménages. Cet élan de développement d’activités commerciales, rythmé par le trafic routier, offre ici l’occasion de réfléchir sur les alternatives paysannes face aux contraintes en milieu agricole. Alors, dans quelle mesure les activités commerciales sur le transect N’Zianouan-Divo offrent-elles des possibilités de développement socioéconomique, dans un contexte de crise agricole et de lutte contre la pauvreté ? Cette question permet d’aborder :
- les déterminants des activités commerciales sur le transect N’Zianouan-Divo ;
- les caractéristiques de ces activités ;
- les effets induits des activités commerciales sur les populations qui y sont engagées.
Cette étude qui a pour objectif d’analyser la dynamique des activités commerciales sur le transect N’Zianouan-Divo, part de l’hypothèse selon laquelle les infrastructures routières desservent des espaces et contribuent à l’organisation des territoires qu’elles traversent. Cela, grâce à la dynamique des activités marchandes (comme c’est le cas sur le transect N’Zianouan-Divo). L’étude trouve son intérêt dans le fait qu’elle constitue un support de réflexion sur la place du transport routier dans le développement rural. Aussi, elle permet une meilleure appréhension des questions liées au commerce et à la mobilité. Afin de mieux cerner les contours du questionnement, il importe de préciser les propos méthodologiques.