Les communes situées au Sud du Plateau de Sakété connaissent une forte croissance démographique accompagnée d’une extension spatiale sans précédent. Cette accélération du processus d’urbanisation, constatée depuis ces dernières décennies, conduit à une mutation socio-spatiale incontrôlée. Cette recherche vise à évaluer la dynamique spatio-temporelle à travers une étude cartographique au Sud du Plateau de Sakété. L’approche méthodologique adoptée comprend deux volets essentiels : le traitement des données géospatiales et l’analyse des résultats. La collecte des données géospatiales a été faite grâce au site web de la NASA. Le traitement cartographique avec des logiciels Arcgis 10.8, Envi et QGis qui ont servi à l’interprétation des images Landsat 7 ETM, Landsat 8 OLI-TIRS et le DEM de la Mission SRTM au format Géo-Tiff, de résolution spatiale 30 m. Une projection des unités d’occupation des terres a été faite à l’horizon 2030 grâce au modèle Molusce de QGis. Le logiciel SPSS a été utilisé pour les analyses statistiques.
Les résultats obtenus montrent une forte dynamique des unités d’occupation des terres. Ainsi, l’espace urbanisé entre 2002 et 2020 est passé de 7343,17 ha à 19471 ha sur un total urbanisable de 47148,28 ha soit une progression de 41,29 % en l’espace de 18 ans avec un taux d’expansion annuelle de 2,29 %. Les projections pour 2030 laissent entrevoir une forte dominance des agglomérations qui devraient atteindre 23574,46 ha soit 50 % de la superficie totale du milieu de recherche qui devient fortement anthropisé. Face à cette évolution spatiale des formations anthropiques, une proposition de modèle de gestion durable des mutations spatiales s’impose afin de préserver les zones agricoles
The communes located south of the Plateau de Sakété are experiencing strong demographic growth accompanied by unprecedented spatial expansion. This acceleration of the urbanization process, observed over the last few decades, is leading to uncontrolled socio-spatial mutation. This research aims to evaluate the spatio-temporal dynamics through a diachronic study in the south of the Plateau de Sakété. The methodological approach adopted includes two essential components: the processing of geospatial data and the analysis of results. The collection of geospatial data was done through the NASA website. As for the data processing, it was a question of cartographic processing with software such as Arcgis 10.8, Envi and QGis which were used to interpret Landsat 7 ETM, Landsat 8 OLI-TIRS and the DEM of the SRTM Mission in Geo-Tiff format, with a spatial resolution of 30 m. A projection of the land use units was made to the year 2030 using the QGis model Molusce. SPSS software was used for statistical analysis. All the results from these different treatments were analyzed using the PEIR models.
The results obtained show a strong dynamic of the land use units. Thus, the urbanized space between 2002 and 2020 increased from 7343.17 ha to 19471 ha out of a total urbanizable area of 47148.28 ha, i.e., an increase of 41.29% in the space of 18 years with an annual expansion rate of 2.29 %. Projections for 2030 suggest a strong dominance of urban areas, which should reach 23574.46 ha, or 50% of the total surface area of the research area, which is becoming highly anthropized. Faced with this spatial evolution of anthropic formations, a proposal for a sustainable management model of spatial mutations is necessary in order to preserve the agricultural areas
Introduction
L’extension des zones urbaines constitue un phénomène mondial par son caractère universel, elle revêt cependant dans les pays en développement et particulièrement en Afrique subsaharienne quelques particularités : elle est récente et s’opère à un rythme de plus en plus accéléré et se manifeste par l’étalement urbain (D. M. BALOUBI, 2018, p. 120). Les études sur les perspectives à long terme en Afrique de l’Ouest ont montré que l’Afrique est en pleine urbanisation avec un taux qui est passé de 14 % en 1960 à 40 % en 1990 et les projections donnent 63 % pour 2020 (J. GNELE, 2010, p. 13).
Les mutations spatiales apparaissent alors comme des faits majeurs dans l’histoire contemporaine de l’Afrique subsaharienne surtout à partir de 1960, année des indépendances. L’Afrique subsaharienne où l’urbanisation a été tardive à l’exception de quelques cités comme Kano, Gao, Tombouctou, connait de plus en plus une croissance urbaine accélérée et soutenue avec un taux annuel de 4,5 % alors que celui de la population totale ne croit que de 2 % (L. BIALI, 2018, p. 56). C’est le cas de Lomé où la croissance urbaine s’est traduite par la forte concentration et l’augmentation de sa population et surtout l’extension rapide et démesurée de son aire (G. DJERGOU et al., 2018, p. 45). Il en est de même pour Ouagadougou, qui repousse sans cesse ses limites territoriales pour répondre aux besoins des populations urbaines en pleine croissance (E. NIKIEMA et al., 2018, p. 107). Mais malheureusement, la rapide croissance démographique et spatiale des villes africaines à l’instar de Niamey, a engendré des problèmes d'aménagements urbains propres aux agglomérations en croissance rapide et ne disposant pas d'encadrements techniques et de moyens financiers suffisants (H. K. MOTCHO, 2006, p.17).
Au Bénin, la pression foncière transforme les terres rurales, dominées par l’agriculture, en terrains constructibles. C’est le cas d’énormes espaces dans les quartiers périphériques des arrondissements urbains dans le doublet urbain Abomey-Bohicon (C. S. M. DAHANDE, 2018, p. 8). La conséquence majeure de ces mutations socio-spatiales est qu’il y a une baisse significative des activités agricoles suivie d’une diminution des actifs agricoles et d’une reconversion des agriculteurs dans de nouveaux métiers. On peut donc tirer la conclusion, qu’au moment où la superficie des champs diminue, le marché de la terre connaît un accroissement assez remarquable (S. H. F. KAKAI, 2010, p. 14).
Au regard de ces constats, se pose une question centrale de recherche. Quelle est la dynamique spatio-temporelle de l’occupation des terres au Sud du Plateau de Sakété ? L’objectif global de cette étude vise donc à évaluer la dynamique spatio-temporelle à travers une étude cartographique au Sud du Plateau de Sakété.
1Présentation du milieu de recherche
Le milieu de recherche est constitué essentiellement des communes situées au sud du Plateau de Sakété. Il s’agit essentiellement d’une zone humide située sur la côte Ouest africaine du Bénin entre 6°26’18’’ et 6°42’37’’ de latitude Nord et entre 2°25’21’’ et 2°43’15’’ de longitude Est. Il s’étend sur une superficie évaluée à 471,48 km2 soit 47148,28 ha et est limité au Nord par la commune d’Adjohoun et le département du Plateau, au Sud par la commune de Sèmè-Podji, à l’Ouest par le département de l’Atlantique et à l’Est par le Nigeria.
De part sa position géographique, ce milieu de recherche est un espace de transit entre la République Fédérale du Nigeria et la ville de Porto-Novo. Elle est considérée comme l’une des zones de concentration les plus importantes des produits Nigérians au Bénin (Z. S. A. HONVO, 2021, p. 94). La figure 1 présente la situation géographique du Sud du Plateau de Sakété.
2.1.Données utilisées
Dans le cadre de la présente recherche, ce sont des données géospatiales qui ont été utilisées. Elles prennent en compte des images satellitaires de caractéristiques différentes. Les caractéristiques de ces images sont résumées dans le tableau 1.
La lecture du tableau 1 montre que toutes ces images ont été acquises dans la période sèche (Décembre - Janvier), période optimale pour la meilleure perception des communautés végétales dans le milieu de recherche. J. R. JENSEN (1983) affirme que les images prises pendant les périodes ensoleillées présentent un très bon contraste entre les différents détails, en particulier entre ceux de l’urbain et du non urbain.
2.3.2 Méthode de traitement des données
Les données ainsi recueillies ont fait l’objet de traitements spécifiques, réalisés respectivement avec les logiciels ENVI 5.1 pour le prétraitement des images satellitaires et ArcGIS 10.4.1 pour les analyses SIG et la cartographie thématique. A cet effet, cinq unités d’occupation du sol ont été définies pour chaque image.
Le traitement numérique des images satellites Landsat 7 ETM’ et Landsat 8 OLI-TIRS a suivi successivement les étapes de la composition colorée, de l’extraction de la zone d’étude, de la classification supervisée, de l’opération de post classification et de la vectorisation. Ces étapes ont été suivies rigoureusement afin d’affiner les résultats des classifications obtenues en complément aux vérifications faites avec les images de Google Earth faute d’opérations de vérités de terrain. La classification par maximum de vraisemblance est la méthode utilisée pour réaliser la cartographie de l’occupation du sol du secteur d’étude. Elle se base sur l’hypothèse selon laquelle les pixels d’une classe sont répartis suivant une distribution connue et attribue chaque pixel à une classe selon une probabilité d’appartenance à cette dernière (L. VACQUIE et al, 2012, p. 507).
Les données générées ont été manuellement et statistiquement traitées. Les données socio-économiques quantitatives ont été représentées sous forme de graphiques (diagrammes) à l’aide du tableur Excel. Ensuite, le logiciel SPSS (Statistical Package for the Social Sciences version 21) a été utilisé pour les analyses statistiques.
2.3.2.1.Analyse de l’évolution des unités d’occupation du sol
L’analyse de la dynamique de l’occupation des terres est faite en calculant le taux annuel d’expansion spatiale entre 2002 et 2020 à partir de la formule de BERNIER (1992) avec comme variable la superficie (S) des formations végétales.
S1 : la superficie occupée par une unité en 2002 ; S2 : la superficie occupée par la même unité en 2020 ; t : le nombre d’années d’évolution ; ln, le logarithme népérien ; e : la base des logarithmes népériens (e = 2,71828). Le calcul du taux moyen annuel d’expansion a permis de faire une projection en 2030 de quelques unités d’occupation du sol si les conditions actuelles se maintiennent.
2.2.2.2. Détermination du Taux de Consommation des Terres et du Coefficient d’Absorption des Terres
Le taux de consommation des terres et le coefficient d’absorption des terres ont été calculés suivant la formule ci-après afin de montrer respectivement le niveau d’expansion spatial de la du milieu de recherche et la quantité de terre consommée par unité de population.
TCT : Taux de Consommation des Terres ; S : la superficie et P : l’effectif de la population.
CAT : Coefficient d’Absorption des Terres ; S1 : superficie initiale ; S2 : superficie finale ; P1 : population initiale et P2 : population finale.
2.2.2.3. Indice de couverture végétale
Cet indice est calculé pour toutes les unités d’occupation. Il est déterminé par la formule :
Il permet non seulement d’apprécier le taux d’évolution des différentes formations végétales.
2.2.2.4. Projection du changement d’utilisation des terres à l’horizon 2030
La projection de l’utilisation des terres à l’horizon 2030 s’est basée sur les cartes de l’occupation des terres de 2002 et de 2020. Elle a été faite grâce à la fonction MOLUSCE (Methods Of Land Use Change Evaluation), une extension de Quantum GIS qui permet de simuler le changement de l’utilisation des terres sur la base de deux cartes d’occupation du sol de différentes années. MOLUSCE calcule la probabilité de changement de chaque unité d’occupation sur la base de la matrice de transition et génère une carte de changement d’utilisation des terres. Ainsi, sur la base de trois approches, la probabilité de transition, les automates cellulaires ; et les réseaux de neurones artificiels ou la régression logistique MOLUSCE ont été effectués pour la projection. Dans cette étude, les cartes d’occupation des terres de 2002 et 2020 ont été analysées pour prédire à l’horizon 2030 sous l’influence de la dynamique urbaine et de la rurbanisation et sous l’hypothèse que la dynamique d’occupation des terres reste comparable à celle obtenue entre 2002 et 2020. Le choix de la modélisation prédictive sur 2030 est motivé par l’échéance des ODD (Objectifs de Développement Durable) afin d’évaluer les défis auxquels ces communes seront soumises.
3. Résultats et discussion
3.1. Dynamique spatio-temporelle de l’occupation des terres
En termes d’occupation du Sud du Plateau de Sakété, le couvert végétal naturel est actuellement en forte régression du fait de la dynamique démographique et urbaine et des différentes activités économiques pratiquées par la population en l’occurrence les activités agricoles.
3.1.1. Distribution spatiale et quantification des catégories d’occupation des terres
Les superficies des catégories d’unités d’occupation des terres ont connu une forte variation entre 2002 et 2020. Elles sont principalement caractérisées par des mosaïques de champ et de jachères sous palmeraies. De plus, des marécages des communes d’Akpro-Missérété et surtout de Porto-Novo se retrouvent occupés par certaines installations humaines. Les espaces bâties occupent une superficie non négligeable en 2020 (41,3 % de la superficie du milieu d’étude) surtout avec la dynamique démographique et urbaine de ces deux dernières décennies. La dynamique des différentes unités d’occupation des terres de ce milieu de recherche a été analysée à travers les cartes d’occupation de 2002, 2013 et 2020 obtenues à partir de l’interprétation des images Landsat des années pré-citées.
3.1.1.1. Occupation du sol en 2002.
Le paysage du Sud du Plateau de Sakété en 2002 était occupé par plusieurs unités. Les cultures et jachères sous palmier occupaient une place importante (figure 2). Elles couvraient 18493,46 ha soit 39,22 % de la superficie totale du milieu de recherche.
L’analyse de la figure 2 montre que le Centre du secteur d’étude et le Nord est sont couvertes de culture et jachère (3842,93 ha soit 8,16 % de la superficie du milieu d’étude) et de culture et jachère sous palmier (18493,46 ha soit 39,22 % de la superficie du milieu de recherche) mais avec une proportion plus ou moins marquée d’installation humaine de façon assez isolée les uns des autres. Dans les années 2000 au regard de l’offre foncière urbanisable, les communes du milieu de recherche montrent diverses formes de constructions, ce que confirme la spatialisation des unités d’occupation. Le tableau 2 présente la matrice de confusion de 2002.
3.1.1.2. Occupation du sol en 2013
La couverture spatiale des unités d’occupation du sol en 2013 du milieu de recherche est présentée par la carte d’occupation du sol et permet de faire une comparaison de l’état des unités d’occupation entre 2002 et 2013 (figure 3).
La figure 3 montre la spatialisation des unités d’occupation en 2013 et permet d’apprécier la dynamique de chaque unité paysagique. L’occupation du sol en 2013 est sérieusement différente de celle de 2002, du point de vue quantitatif avec le même nombre de catégories d’occupation du sol qu’en 2002.
La lecture synchronique des résultats statistiques de l’interprétation des images satellitales et l’analyse diachronique montrent de profonds changements caractérisés par une régression de certaines unités d’occupation du sol tandis que d’autres connaissent une progression entre 2002 et 2013. Le tableau 3 présente la matrice de confusion de 2013.
. Les grands changements (tableau 3) entrepris dans l’occupation du sol confirment l’extension des agglomérations dans toutes les localités des communes situées au Sud du Plateau de Sakété à partir des centres urbains jusqu’aux espaces ruraux passant par les localités périurbaines
Le tableau 4 présente la synthèse de l’occupation entre 2002 et 2013. Il ressort de l’analyse des données du tableau 4 qu’en 2002, les cultures et jachères sous palmier dominaient les autres unités d’occupation avec une proportion de 39,22 % de la superficie totale du secteur d’étude. Venaient ensuite les prairies marécageuses (33,94%), les agglomérations (15,58 %), la mosaïque de cultures et jachères (8,16 %) fortement présente au nord et au centre du secteur d’étude et les plans d’eau (3,1 %).
Mais en 2013, les superficies occupées par ces unités ont soit augmenté ou soit diminué. Les prairies marécageuses et la mosaïque de cultures et jachères occupent respectivement 38,34% et 22,33% de la superficie totale du secteur. Quant aux cultures et jachères sous palmier, elles couvrent 19,11% de la superficie du secteur d’étude. Les agglomérations et les plans d’eau occupent respectivement 16,85% et 3,37%.
En somme, il ressort que la plupart des unités naturelles d’occupation du sol ont connu une augmentation de leurs superficies entre 2002 et 2013 en dehors des cultures et jachères sous palmier qui ont connu une forte régression de - 9485,46 ha soit - 20,11 % de leur superficie de 2002. La figure 4 présente le bilan de l’occupation des terres de 2002 à 2013au Sud du Plateau de Sakété.
L’analyse de la figure 4 révèle que seules les cultures et jachères sous palmiers ont connu une régression de leur superficie de 2002 à 2013. La progression concerne les mosaïques de cultures et jachères, les agglomérations et les prairies marécageuses. D’où les mosaïques de cultures et jachères sont devenues les unités d’occupation des terres qui dominent la physionomie des communes situées au Sud du Plateau de Sakété. Par conséquent, on note une forte emprise sur les formations végétales et sur la biodiversité.
3.1.1.3. Occupation du sol en 2020
A l’instar des autres années, en 2020, on note une nouvelle variation des surfaces des catégories d’occupation du sol. En 2020, la physionomie que présente le Sud du Plateau de Sakété en termes d’unités d’occupation (figure 5), reste singulièrement dominée par les agglomérations.
Les mosaïques de cultures et jachères et les cultures et jachères sous palmiers ont presque laissé place aux installations humaines surtout dans la commune de Porto-Novo, du sud au centre de la commune d’Akpro-Missérété, au sud de la commune d’Avrankou, au nord-ouest et au centre de la commune d’Adjarra. La dynamique de ces différentes occupations du sol a été analysée grâce à la carte d’occupation du sol de 2020 afin de ressortir les différentes unités ayant subi le plus de modifications.
La tendance observée sur l'évolution exponentielle des agglomérations ou des installations humaines au détriment des autres classes d'occupation ne fait que confirmer les mutations spatiales observées dans ce milieu d’étude. En 2020, les agglomérations du Sud du Plateau de Sakété représentent 41,3 % soit une superficie en valeur absolue de 19471,10 ha. Les mosaïques de cultures et jachères sous palmiers et les cultures et jachères occupent respectivement 2067,80 ha soit 4,38 % de la superficie totale et 5495 ha soit 11,66 % de cette superficie. Le tableau 5 présente la matrice de confusion de 2020.
Le tableau 6 présente la synthèse de l’occupation entre 2013 et 2020.
On note après l’analyse du tableau 6, que les mosaïques de cultures et jachères sous palmiers et les cultures et jachères qui représentaient respectivement 19,1 % et 22,33 % de la couverture des unités d’occupation de sol en 2013 ont connu une régression pour passer respectivement à 4,38 % et 11,66 % en 2020. Les agglomérations qui occupaient en 2013 une proportion de 16,85 % des superficies des terres, ont progressé pour atteindre une proportion de 41,25 %, soit une augmentation de 24,4 % de la superficie. Enfin, les autres ont subi une légère modification entre 2013 et 2020 dans le milieu d’étude. En outre, le bilan des changements au niveau de chaque catégorie d’occupation du sol pour les intervalles de temps de 2013 à 2020 est illustré sur la figure 6.
L’analyse de la figure 6 révèle que les plans d’eau, les prairies marécageuses ainsi que les agglomérations ont connu une progression de 2013 à 2020. Toutefois, les cultures et jachères sous palmiers et les cultures et jachères ont connu des écarts négatifs. Ce sont donc ces formations qui sont prises d’assaut par les populations pour les besoins d’habitations. Cet état de chose montre donc une forte tendance d’anthropisation et d'artificialisation des terres. Les cultures et les sols nus sont très affectés par le processus d'urbanisation.
Les problèmes identifiés dans l’ensemble sur les manifestations de la dynamique des unités d’occupation du sol sont des facteurs qui participent à la dégradation du couvert végétal, à l’amenuisement des espaces agricoles et à une expansion incontrôlée des agglomérations. La connaissance de ces problèmes permet de planifier et de contrôler l’étalement des installations humaines afin d’inverser les tendances actuelles (figure 7).
L’analyse de la figure 7 montre que les espaces viabilisés qui prennent en compte ici les agglomérations uniquement ont évolué de 15,58 % de la superficie du milieu d’étude en 2002 à 41,30 % en 2020. Par contre les espaces agricoles qui prennent en compte les mosaïques de cultures et jachères sous palmiers et les cultures et jachères occupent 47,38 % de la superficie du milieu d’étude en 2002 contre 16,04 % en 2020.
3.1.2. Modélisation prospective de l’occupation du sol avec le modèle Molusce
Les probabilités de transition déduites à partir des cartes des unités d’occupation du sol de 2002, 2013 et de 2020 ont permis d’obtenir l’état probable des unités d’occupation du sol à l’horizon 2030. Les probabilités de transition renseignent sur les éventualités de conversion des unités d’occupation du sol vers d’autres. Dans le cadre de cette recherche, la prise en compte des dynamiques spatiales des territoires ruraux et urbains, dans toute leur complexité naturelle et sociale, se fait par une modélisation spatio-temporelle de simulation.
3.1.2.1. Tendance évolutive des unités d’occupation du sol à l’horizon 2030
L’analyse des tendances d’évolution en considérant d’une part, les formations naturelles et d’autre part, les formations anthropiques a permis de mieux cerner les spécificités de ces différentes unités au Sud du Plateau de Sakété à horizon 2030. La figure 8 présente les unités d’occupation du sol à l’horizon 2030 au Sud du Plateau de Sakété.
L’analyse de la figure 8 montre qu’à l’horizon 2030, la physionomie du territoire du milieu serait fortement dominée par les agglomérations et prairies marécageuses au détriment des formations naturelles telles que les cultures et jachères, les mosaïques de cultures et jachères sous palmiers et les plans d’eau. Plus spécifiquement, on notera que les agglomérations (23574, 46 ha soit 50 % de la superficie totale du milieu d’étude) seront les unités les plus importantes suivies par les prairies marécageuses (18071,13 ha). Il est aussi important de signaler la régression de la superficie des plans d’eau (0,05 % de taux régression) au profit des prairies marécageuses d’une part et la réduction des superficies des cultures et jachères et des mosaïques de cultures et jachères sous palmiers, d’autre part 36,46 % de taux régression). La spatialisation de ces unités d’occupation du sol est représentée par la figure 9.
L’examen de la figure 9 montre qu’à l’horizon 2030, les cinq communes qui composent le Sud du Plateau de Sakété seraient dominées par la présence les agglomérations concentrés du Sud au Nord et un peu dispersées dans les communes d’Akpro-Missérété et d’Avrankou suivis des prairies marécageuses. Seules les prairies marécageuses vont résister à la pression des installations humaines.
3.1.2.2. Tendance des formations anthropiques et naturelles des années 2002, 2013, 2020 et 2030
Les différentes unités d’occupation du sol ont connu ou connaîtront dans leur ensemble, une évolution progressive, régressive ou une stabilité entre 2002, 2013, 2020 et 2030. Cette évolution sera beaucoup plus accentuée dans les dix prochaines années. Les différentes situations dans chaque cas sont traduites par la figure 10.
L’examen de la figure 10 montre que les superficies de toutes les formations anthropiques ont connu une progression. Cette évolution se maintiendrait à l’horizon 2030. Cependant, celles des formations naturelles connaissent une régression ou une stabilité. Seules les unités telles que les prairies marécageuses et les plans d’eau, connaissent donc une relative stabilité. Cette dynamique synthétique se résume par les figures 11 et 12.
De l’analyse des figures 11 et 12 on note que les formations anthropiques notamment les agglomérations ont progressé au détriment des formations naturelles. Ces dernières passeront de 39805,1 ha en 2002 à 23573,81 ha en 2030, soit une diminution de 16231,29 ha. Par contre, les formations anthropiques ou les agglomérations passeront de 7343,17 ha en 2002 à23574,46 ha en 2030, soit une augmentation de 16231,29 ha. Vraisemblablement les unités des formations naturelles qui ont régressé sont converties en formations anthropiques. Cela est dû à l’accroissement de la population entraînant une pression foncière qui se manifeste par une surexploitation du milieu surtout les zones rurales et par conséquent, une dégradation de l’environnement, mettant en péril la durabilité de l’agriculture tant urbaine que rurale.
Par ailleurs, les plans d’eau vont sérieusement régresser si des mesures idoines ne sont pas prises en compte pour la conservation de cette ressource indispensable à la fertilisation des sols et au développement des activités agricoles en général. Cette situation induira la baisse drastique de la fertilité des terres qui, à la longue, réduira les réserves de terres agricoles. Ainsi, face à des situations de plus en plus alarmantes, une gestion durable des terres s’impose afin de préserver des espaces agricoles productifs pour le développement du monde rural au Sud du Plateau de Sakété.
L’utilisation des méthodes statistiques a permis de rendre compte en même temps de ces changements. Le tableau 7 montre les taux de consommation et les coefficients d’absorption des terres.
L’analyse du tableau 7 montre une croissance irrégulière du Taux de Consommation des Terres (TCT) de 2002 à 2020. De 1,46 % en 2002, ce taux est passé à 1,11 % en 2013 puis à 1,98 % en 2020. Cette croissance des agglomérations s’apparente à un étalement spatial. Par contre le coefficient d’absorption des terres est estimé à 0,002 entre 2002 et 2013 puis à 0,04 entre 2013 et 2020. Ces faibles taux de coefficient d’absorption des terres traduisent une forte densité de la population entre 2002 et 2020 sur une petite superficie. Il ressort donc que la croissance démographique est nettement supérieure à l’extension spatiale au Sud du Plateau de Sakété.
3.2. Discussion
La forte urbanisation observée au Sud du Plateau de Sakété principalement dans les communes de Adjarra, Avrankou, Akpro-Missérété, Dangbo et Porto-Novo induisent une dynamique dans l’occupation des terres. Ainsi, l’espace urbanisé entre 2002 et 2020 est passé de 7343,17 ha à 19471 ha sur un total urbanisable de 47148,28 ha soit une progression de 41,29 % en l’espace de 18 ans. Ces résultats sont similaires à ceux obtenus par C. S. M. DAHANDE (2018, p. 8), dans le doublet urbain Abomey-Bohicon ; où l’auteur a constaté d’après une analyse diachronique que l’espace urbanisé entre 1990 et 2015 est passé de 3 910 ha à 12 611 ha sur un total urbanisable de 29 349 ha soit une progression de 67,99 % en vingt-cinq ans. Il a aussi montré que cette expansion même si elle ne s’est pas faite accompagnée des infrastructures urbaines à sa mesure, a provoqué le rétrécissement des espaces agricoles et l’éclatement des agglomérations au profit des îlots parcellaires. Ces constats sont identiques aux observations faites par A.F. D. DJOGBENOU (2014, p. 9). Grâce aux outils de télédétection et du SIG, il a montré que d’une superficie de 1205,53 ha en 1986 pour une population de 64 787 habitants, la commune de Bohicon a connu une extension spatiale et passe à 1618,89 ha en 2000 pour une population de 108 091 habitants et 2067,23 ha en 2013 pour une population de 170 604 habitants. Dans la ville de Keur Massar au Sénégal, O. M.A. DIOP (2020, p. 28), a fait le même constat. En 2003, l'agglomération de Keur Massar concentrait 28,76 % de la superficie de la ville, soit presque un doublement de sa superficie en huit ans. Les zones de culture et les sols nus dégringolent au profit du bâti. En 2018, l'agglomération de Keur Massar représentait 58,27 % de la superficie de la ville soit une augmentation de 29,51 % de la superficie des agglomérations en l’espace de 15 ans. D’où une régression des formations naturelles au profit des bâtis.
De plus, les prédictions spatialisées à l’échelle locale constituent un outil puissant d’aide à la décision pour les gestionnaires de l’espace. De façon globale, les prédictions pour 2030 révèlent que la physionomie du territoire de recherche serait fortement dominée par les agglomérations au détriment des formations naturelles : les agglomérations vont occuper 23574,46 ha soit 50 % de la superficie totale du milieu de recherche. Ces prévisions sont proches de celles prévues par N. I. Gbaï (2015, p. 256), qui a montré qu’entre 2020 et 2050 les formations naturelles dans le bassin de la Beffa au Bénin, disparaitraient pendant que les formations anthropiques s’imposeraient. Selon lui, les mosaïques de cultures et jachères seraient en tête avec une augmentation de plus de 100 % de leur superficie actuelle. Les agglomérations quant à elles augmenteraient de 31 % de leur superficie.
Conclusion
Les Systèmes d’Information Géographique et la cartographie présentent un intérêt capital pour l’étude des dynamiques spatio-temporelles. Ces outils ont permis de caractériser les unités paysagiques et d’évaluer le futur possible de ces unités à horizon 2030. Le traitement cartographique des différentes images Landsat 7 ETM’, Landsat 8 OLI-TIRS (2002, 2013 et 2020) a permis d'évaluer l’ampleur des différentes mutations du milieu de recherche. En effet les différentes cartes d'occupation du sol élaborées situent sur la dynamique de l'espace. Ainsi, l’analyse de l’état de l'occupation des terres de 2002 montre une faible intensité des activités humaines. Sur une superficie totale estimée à 47148,27 ha, l'espace urbanisé représente 7343,17 ha soit 15,57 % de la superficie totale. Par contre, les cultures et jachères et les cultures et jachères sous palmier qui constituent de potentielles espaces urbanisables occupent 22 336,39 ha soit 47,37 % de la superficie totale. Les superficies des espaces urbanisés de 2020 subissent une augmentation de plus de 25 % par rapport à l'année 2002. Elles représentent 19471,10 ha soit 41,29 % la superficie totale du milieu de recherche. Cette augmentation montre une dynamique croissante des bâtis du milieu de recherche. Cet accroissement des espaces urbanisés entraîne une baisse des espaces urbanisables qui est de 7562,8 ha soit 16 % de l'espace total. Ainsi, pendant que les superficies des espaces urbanisés s'accroissent, celles des espaces urbanisables diminuent.
La tendance à l’horizon 2030 révèle que la physionomie du territoire du milieu serait fortement dominée par les agglomérations et prairies marécageuses au détriment des formations naturelles telles que les cultures et jachères, les mosaïques de cultures et jachères sous palmiers et les plans d’eau. Plus spécifiquement, on notera que les agglomérations (23574, 46 ha soit 50 % de la superficie totale du milieu d’étude) seront les unités les plus importantes suivies par les prairies marécageuses (18071,13 ha). Il est aussi important de signaler la régression de la superficie des plans d’eau au profit des prairies marécageuses d’une part et de la réduction des superficies des cultures et jachères et des mosaïques de cultures et jachères sous palmiers, d’autre part. Cette expansion spatiale surtout des agglomérations provoque le rétrécissement des espaces agricoles. Pour remédier à cette situation, il est urgent de définir dans les prochains plans d’urbanisme les espaces naturels et agricoles qui seront préserver pour un développement durable du milieu.
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Auteurs
1Département de Géographie et Aménagement du Territoire / FASHS / Université d’Abomey-Calavi (UAC), (Bénin), dahandeclaude@gmail.com
2Département de Géographie et Aménagement du Territoire / FASHS / Université d’Abomey-Calavi (UAC), (Bénin), aserleduce@gmail.com