Les déterminants des conflits fonciers dans la pratique de l’hévéaculture à Petit Paris (département d’Adiaké, Côte d’Ivoire)

Résumé

L’objectif de cet article est de révéler les déterminants des conflits fonciers dans la pratique de l’hévéaculture. Le village de Petit Paris, dans le département d’Adiaké est le champ d’investigation choisi. L’observation directe, de la recherche documentaire et l’enquête par questionnaire ont été utilisées pour collecter les données nécessaires à la réalisation de cet article.

Les conflits fonciers dans l’hévéaculture partent des mutations agricoles, de l’avènement de néo-agriculteurs et surtout de la fragilisation foncière à travers les modes d’accès à la terre par les voies de la marchandisation et du planter-partager. Ce travail révèle également que les conflits observés sur les terres arables réservées à l’hévéaculture sont à plus de 75% solutionnés par les modes coutumiers et à l’amiable.     

Abstract

The objective of this article is to reveal the determinants of land conflicts in the practice of rubber farming. The village of Petit Paris, in the department of Adiaké, is the chosen field of investigation. Direct observation, documentary research and the questionnaire survey were used to collect the data necessary for the completion of this article.

Land conflicts in rubber cultivation start from agricultural changes, the advent of neo-farmers and above all from the weakening of the land through modes of access to land by means of commodification and planting-sharing. This work also reveals that the conflicts observed on arable land reserved for rubber cultivation are more than 75% resolved by customary methods and amicably.

Introduction 

L’économie de plantation est la principale activité agricole du monde paysan ivoirien. Son implantation a été imposée par le colonisateur français dans les années 1880 et a été propulsée par les gouvernants ivoiriens dès l’accession à l’indépendance à travers une multitude de politiques agricoles (S. Y. COULIBALY, 2012, p.38), telles que : la diversification des productions de l’économie de plantation ainsi que l’implantation des structures de vulgarisation agricole. De part ces politiques, la loi du 20 mars 1963 sur le foncier rural et la maxime du premier président Félix Houphouët-Boigny qui disait que : « la terre appartient à celui qui la met en valeur », ont incité les populations paysannes ivoiriennes et étrangères à envahir le patrimoine forestier pour le développement des cultures du café et du cacao. En plus, des décisions politiques sur le mode d’accès à la terre, les populations autochtones des zones forestières ont facilité l’implantation des migrants agricoles au cœur des forêts pour les cultures du café et du cacao. Les transactions pour céder des hectares de forêts à vil prix se sont multipliées entre les populations autochtones, les autorités coutumières et les migrants agricoles. Ces actes ont conduit à l’amenuisement du couvert forestier ivoirien qui est passé de 16 millions d’hectares en 1900 à 3 401 146 hectares en 2015 (CLIMATE CHANCE, 2018, p 1). En un siècle, 3/4 du couvert forestier a été tributaire du développement des cultures du binôme café-cacao (S. Y. COULIBALY, 2012, p.72).

Tout comme l’ensemble du patrimoine forestier ivoirien, le village de Petit Paris localisé dans le département d’Adiaké (figure 1), dans le sud-est de la Côte d’Ivoire, a connu un rétrécissement de son couvert forestier dû au développement du binôme café-cacao.

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Outre ces cultures, les cultures du palmier, du cocotier et de l’ananas ont participé également à la destruction de l’espace forestier de Petit Paris. La pratique de ces différentes cultures a mobilisé une ruée de populations allochtones et étrangères sur les espaces arables dudit village. L’affluence de la population migrante a donné naissance à une atomisation des terres agricoles par le biais d’une rente foncière favorisée par la population autochtone. Le principe du protectionnisme foncier qui était l’apanage du peuple autochtone de Petit Paris, a été fragilisé par le phénomène de la commercialisation foncière. En plus de la rente foncière, le contrat du planter-partager qui consiste à partager la plantation dès son entrée en production entre l’acquéreur et le cédant, est une nouvelle forme d’accessibilité à la terre arable dans la région d’étude. Il a commencé à prendre de l’ampleur au début des années 2000 avec l’adoption de la culture de l’hévéa par la population paysanne sans terre. Parallèlement à ces modes d’accès à la terre, on assiste à des conflits fonciers dans l’espace agricole de Petit Paris. Comment les conflits fonciers sont-ils apparus avec la pratique de l’hévéaculture sur les finages agricoles de Petit Paris ? De cette préoccupation centrale, les déterminants des conflits fonciers dans la pratique de l’hévéaculture sont mis en exergue tout en identifiant les modes de règlement des différends fonciers qui y existent.

1-Méthodologie 

Pour la réalisation de l’objectif assigné à cette étude, deux techniques ont été déployées. Il s’agit de la recherche documentaire et de l’enquête de terrain. La recherche documentaire a pu être possible grâce à la consultation des ouvrages, des articles scientifiques et des thèses à travers le moteur de recherche google et les bibliothèques des Instituts d’Ethno-Sociologie (IES) et de Géographie Tropicale (IGT) à l’Université Félix Houphouët-Boigny d’Abidjan. Elle a permis de collecter des informations en rapport avec la thématique étudiée. Concernant l’enquête de terrain, elle s’est déroulée en deux phases sur une période d’un mois et demi (mi-mai à fin juin 2020). La première phase s’est effectuée sur une période de deux semaines (mi-mai à fin mai). Elle s’est focalisée sur une observation directe à travers une pré-enquête. Ce volet a permis d’identifier les éléments nécessaires à la construction d’un questionnaire répondant aux objectifs visés pour cette étude. Concernant la seconde phase de l’enquête de terrain, elle s’est déroulée le long du mois de juin 2020. Elle a permis d’administrer un questionnaire portant sur les variables relatives aux déterminants et aux modes de règlement de conflits à un échantillon de 111 planteurs d’hévéa recensés de manière aléatoire sur le finage agricole du village de Petit Paris. Les données collectées par l’administration du questionnaire ont été traitées par le biais du logiciel Excel. A travers ce tableur, une saisie des données a été faite et des tableaux statistiques ont été générés par un croisement dynamique des variables.  

A l’analyse des données collectées, le travail a pu être structuré en deux parties : la première partie traite les logiques des conflits fonciers dans la pratique de l’hévéaculture et la seconde analyse l’existence et la gestion de litiges fonciers à Petit Paris. 

2-Résultats

2.Les logiques des conflits fonciers dans la pratique de l’hévéaculture à Petit Paris

Le renouvellement continuel des cultures de rente à Petit Paris est un facteur favorable à l’essor des conflits fonciers. Il favorise une incursion de nouveaux types d’agriculteurs à la recherche de nouveaux finages agraires pour la pratique de l’hévéaculture.

2.1. Les mutations agricoles, prémices des conflits fonciers   

Le renouvellement des vergers des cultures du café et du cacao s’est imposé aux agriculteurs de l’espace d’étude dès le début des années 1980. Cette période marquée par la baisse des cours mondiaux des productions du binôme café-cacao, a conduit les paysans au délaissement ou à l’abandon de leurs plantations à des ouvriers agricoles, recrutés auparavant dans les espaces savanicoles ivoiriens et dans des pays limitrophes tels que le Burkina Faso et le Mali. L’écœurement pour la chute des prix du binôme café-cacao, amène les paysans à investir dans la pratique de la culture de l’ananas, plus rentable. Ainsi, de nouvelles terres arables ont été colonisées pour la reconversion en ananas culture. Mais, au début des années 2000, l’ananas de la Côte d’Ivoire connait à son tour la détérioration de son prix de vente sur le marché international au profit des produits de l’Amérique Latine. Cette nouvelle donne dans l’agriculture ivoirienne entraine une autre mutation au sein des espaces arables de la basse Comoé et particulièrement dans le département d’Adiaké. Désormais, les plants d’ananas sont remplacés par les pieds d’hévéas qui font la fierté des paysans à cause des revenus mensuels qu’ils leur procurent (S. Y. COULIBALY, 2012, p.143). Cette autre reconversion agricole demande l’accès à de nouveaux espaces arables pour la pratique de l’hévéaculture. A cet effet, les reliques de forêts sont mises à contribution pour l’implantation de l’hévéa. La régression de la forêt impacte les espaces arables qui se raréfient dans le finage agricole du village de Petit Paris. La raréfaction des terres cultivables entraine une priorité aux agriculteurs possédant des moyens financiers d’accéder aux terres fertiles restantes. Ils accèdent facilement aux terres agricoles grâce à leurs finances. L’abandon ou le délaissement des vergers de caféiers et de cacaoyers par les planteurs autochtones a permis aux migrants agricoles de devenir des propriétaires de plantations. Auparavant manœuvres agricoles, ces migrants vont acquérir des plantations de caféiers et de cacaoyers auprès des tuteurs affligés par les nouveaux prix du binôme café-cacao au début des années 1980. Ces nouveaux propriétaires agricoles ont fini par se mixer aux différentes reconversions agricoles opérées dans le finage agricole de Petit Paris. Au-delà de cette catégorie de paysans, le finage agricole de Petit Paris se retrouve engorgé par l’avènement des fonctionnaires appelés ‘‘planteurs du dimanche’’ (S. Y. COULIBALY et al, 2015, p.35), dans la pratique de l’activité hévéicole. Cette appellation ‘‘planteurs du dimanche’’ vient du fait que les fonctionnaires qui s’intéressent à la pratique agricole, sont présent que les week-ends sur leurs plantations.             

L’introduction de ces deux nouvelles catégories de planteurs par le biais des reconversions agricoles a bouleversé le système de travail qui était autrefois basé sur la solidarité clanique et familiale à un système voué à la recherche de profit.  Cette recherche de profit a entrainé de nouvelles méthodes d’accès aux terres arables. En effet, elle a emmené ces deux catégories de planteurs à acquérir des espaces cultivables à travers la marchandisation et le planter-partager. Les deux modes d'accès à la terre adoptés par ces agriculteurs, ont permis de pratiquer la culture de l'hévéa qui mobilise les espaces arables sur de longues périodes avoisinant 50 ans.

2.2. Un délaissement d’anciens modes d’accès à la terre au profit de nouvelles pratiques dans l’hévéaculture à Petit Paris

L’accès à la terre dans les régions du sud-est ivoirien était centré sur des principes de droits ancestraux. En effet, pour accéder auparavant à une terre agricole dans cette partie de la Côte d’Ivoire, à laquelle appartient Petit Paris, l’acquéreur devait appartenir à une communauté autochtone construite autour de la parenté (A. A. LAMARCHE, 2019, p.2). C’était les modes d’accès à la terre par l’héritage et la donation entre les parents d’une même lignée matriarcale qui se pratiquaient. La terre se transmettait donc de l’oncle à neveu. Les détenteurs coutumiers y voyaient une volonté de préservation des terres arables. Ce protectionnisme foncier qui se traduisait par une rigidité d’accès à la terre dans les territoires du sud-est ivoirien, est de nos jours fragilisé par l’existence de nouvelles méthodes. En effet, la marchandisation des espaces arables et le planter-partager sont de nouveaux modes d’accès à la terre dans les régions de la basse Comoé et particulièrement à Petit Paris. Ils supplantent les anciennes pratiques. Ainsi, l’achat et le planter-partager représentent 96,39% des modes d’accessibilité à la terre au profit de l’héritage (3,61%), qui reste la seule pratique traditionnelle encore visible dans les espaces cultivés en hévéa (figure 2).

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L’accès au foncier par le planter-partager masque la naissance d’une flexibilité dans le mode d’accès à la terre pour la pratique de l’hévéaculture. Les propriétaires terriens ne cèdent pas les terres cultivables pour développer l’hévéa, mobilisatrice de terres arables sur de longues années. Ils passent par un accord avec l’acquéreur pour le partage des superficies mises en valeur dès l’entrée en production des plants. Cette forme d’accès est récurrente depuis l’avènement du plantage de l’hévéa au début des années 2000 dans les régions du sud-est de la Côte d’Ivoire. La voie de la marchandisation marque véritablement la rupture avec la protection foncière dans l’espace du sud-est ivoirienne, connue auparavant comme étant l’une des zones réfractaires à la rente foncière. En effet, le mode d’accession au patrimoine foncier était rigide et conservateur des pratiques coutumières. Mais, il est aujourd’hui délaissé avec le profit que procure la rente foncière. La marchandisation des parcelles cultivables a flambée dans l’espace d’étude (figure 3).

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A l’analyse de la figure 3, sur une période de 20 ans, le prix à l’hectare des superficies cultivables s’est multiplié par 7,5. En effet, de 200000 frs CFA l’hectare en 2000, les superficies cultivables sont à 1500000 frs CFA en 2020. L’évolution des prix à la hausse des terres cultivables et le principe d’accessibilité par le planter-partager sont des orientations favorables à l’existence des conflits fonciers. 

2.2. L’hévéaculture, une activité emmaillée de conflits par la présence de nouveaux modes d’accès à la terre

Les conflits observés dans l’hévéaculture concernent les paysans ayant acquis les terres arables par de nouveaux procédés d’accès à la terre dans l’espace d’étude. Ce sont les contrats d’achat ou de planter-partager. Ils regroupent 100% des conflits répertoriés sur les superficies cultivées. Ainsi, le mode d’accès à la terre par le planter-partager regroupe la majorité des conflits avec un taux de 77,08% contre 22,92% pour la voie d’accès par l’achat (tableau 1).

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Le planter-partager qui est le mode d’accès à la terre le plus récent dans la zone d’étude, renferme la majorité des conflits. En effet, cette nouvelle forme d’accès à la terre qui se base sur une relation de confiance entre l’acquéreur et le propriétaire de terre est souvent affectée par des motifs qui ne figurent pas dans les contrats définis au préalable entre les deux parties. Le contrat signé entre le propriétaire et l’acquéreur, exclut généralement les parents du cédant qui réclament une partie des bénéfices non consignés dans la clause. Cette pratique conduit à de violentes altercations qui entrainent parfois la destruction des plantations d’hévéa ou même à l’interdiction de l’acquéreur d’accéder à la superficie cultivée (tableau 2).

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Quant aux conflits perçus auprès des planteurs qui ont acquis des superficies cultivables par la voie d’achat, il s’avère que les documents confirmant la vente des espaces ne sont pas fiables pour les parents du cédant. Ce sont généralement des contrats écrits entre les deux parties qui ne mentionnent pas clairement les clauses de cession du vendeur ou, des documents qui ne montrent pas le titre de propriété du cédant. Ce manquement laisse entrevoir des conflits entre les parents du cédant et les acquéreurs.

Le mode d’accès à la terre par le planter-partager renferme l’ensemble des types de conflits observés dans le finage agricole de Petit Paris. Cette nouvelle forme d’accès à la terre arable représente une garantie pour la résolution des conflits.

2.3. Une pratique hévéicole dominée par un règlement coutumier des conflits

Les conflits présents dans la pratique de l’hévéaculture dans le finage agricole de Petit Paris connaissent différents modes de résolution. 50% des conflits observés lors de cette étude sont résolus coutumièrement. Les 50% restants sont réglés à l’amiable et de manière judiciaire. Le règlement à l’amiable occupe 27,08% contre 22,92% pour la résolution judiciaire (figure 3).   

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Les antagonistes concernés par le planter-partager utilisent plus les modes de règlements à l'amiable et coutumier pour la résolution des conflits perçus au sein de leurs plantations. Par crainte de se retrouver expulsés totalement du finage agricole, les acquéreurs préfèrent négocier avec les autorités coutumières et les parents du cédant un accord de sécurisation de leurs plantations d’hévéa. Par contre, les paysans qui ont accès à la terre par l’achat, préfèrent résoudre leurs différends en présence des autorités judiciaires. Ces derniers avec des documents attestant le titre de vente des parcelles en leurs possessions ne craignent pas de conduire les cédants vers les tribunaux afin de clore les discussions entre les parties en conflit.

3-Discussion

La question des acquisitions foncières pour la création de plantations d’hévéa en tout premier lieu revêt d’une importance en Côte d’Ivoire et particulièrement dans les régions du sud-ouest et du sud-est, ces dernières années (H. G. TARROUTH et J-P COLIN, 2016, p. 2). Cet engouement pour la pratique de l’hévéaculture est dû aux déceptions enregistrées avec les coûts à la baisse des produits de cultures pérennes de café et de cacao dans les années 1980 sur les marchés internationaux. A cet effet, F. RUF (2012, p.114), souligne que les prix bas des produits du binôme café-cacao ont favorisé un mimétisme à l’adoption de l’hévéa en début des années 1990. Cet auteur explique même que les revenus tirés des produits café et cacao étaient réinvestis dans la création de plantations d’hévéa. Pour se faire la recherche de nouveaux espaces en jachère est privilégiée pour pratiquer la culture de l’hévéa en remplacement des vieilles plantations cacaoyère et caféière abandonnées dans la broussaille. Cet enivrement pour la pratique de l’hévéaculture a favorisé une entrée massive des fonctionnaires dans le monde de la paysannerie. A ce sujet, H. G. TARROUTH et J-P COLIN, (2016, p.2), précise que :

 la présence des élites nationales dans l’agriculture n’est pas un fait nouveau. L’État, par le passé, a largement concédé à de « grands cadres » des terres situées dans des forêts classées. Ceux d’entre eux qui étaient originaires de la zone forestière avaient également accès à la terre dans leur village d’origine pour y créer des plantations pérennes, à l’image du président Houphouët Boigny.

Mais, à la suite de leurs analyses, ces auteurs pensent qu’avec l’avènement de l’hévéaculture, les fonctionnaires ivoiriens se sont plus impliqués afin d’améliorer leur situation sociale. Ainsi, avec une arrivée en grand nombre de ces derniers, les modalités d’accès à la terre ont connu un changement dans les espaces ruraux forestiers de la Côte d’Ivoire. L’achat, le planter-partager et le droit d’usage à long terme sont les modalités d’accès repérées auprès des fonctionnaires étudiés par H.G. TARROUTH et J-P COLIN. Elles sont semblables à celles perçues dans l’espace de Petit Paris dans le département d’Adiaké. L’achat et le planter-partager sont les modes d’accès à la terre qui correspondent à celles évoquées par les auteurs précédents. La troisième modalité de la zone d’étude correspond à une ancienne pratique d’accès à la terre : l’héritage. Elle a quasiment disparue des finages agricoles du fait d’un besoin financier qui devient plus ou moins urgent pour les autochtones. Cette raison les conduit à céder les terres arables aux acquéreurs qui ont une meilleure disponibilité financière. Les fonctionnaires sont donc des candidats favorables à l’acquisition des espaces cédés à des prix qui varient très rapidement. En effet, les prix de vente pratiqués pour les terres arables dans l’espace étudié ont connu une évolution exponentielle. En deux décennies, le coût d’une superficie d’un hectare a été multiplié par 7. Ainsi, de 200.000 frs CFA l’hectare au début des années 2000, le prix d’un hectare est de 1.500.000 frs CFA de nos jours. Cette flambée des prix constatée dans la localité de Petit Paris facilite l’apparition de conflits entre le cédant et ses parents, ou parfois entre les parents du cédant et l’acquéreur ou encore entre le cédant et l’acquéreur. En effet, selon l’étude de T. DESHAIES, (2006, p.52), les surenchères observées à la marchandisation des terres agricoles au Burkina Faso, dans les régions du Hauts-Bassins sont dues à l’intérêt que les paysans sans terre et des agro-business accordent à la pratique agricole. A travers leurs moyens financiers, ils arrivent à s’accaparer les terres des villageois désireux de s’enrichir le plus rapidement possible. Or, parfois, les terres vendues par des villageois sont problématiques en raison de leurs caractères. Les terres à caractère familial vendues sans le consentement des autres membres de la famille aux paysans sans terre et aux agro-business men ont développé de véritables crises foncières entre les acquéreurs, les cédants et les parents du cédant. La naissance de conflits entre ces différentes parties à amener l’Etat Burkinabé à faire appliquer les mesures sécuritaires foncières prévues par la loi 034. Malgré cette volonté étatique, l’application de la loi 034 semble plutôt défavorable aux villageois. Ils se plaignent du mode de règlement administratif infesté par la corruption des agents en charge de l’application de la loi 034. Le manque de confiance qui se crée entre les autorités et les administrés amène les dernières cités à recourir à d’autres formes de règlement conflictuel. C’est ainsi que dans le cadre de l’étude à Petit Paris, plus de 75% des antagonistes font appel aux modes de gestion coutumière et à l’amiable pour résoudre les problèmes de conflits fonciers auxquels ils sont confrontés. Seulement moins de 25% des planteurs confrontés à des difficultés foncières préfèrent la voie judiciaire pour la résolution de leurs différends.                                      

Conclusion

L’existence des conflits fonciers sur les espaces hévéicoles de Petit Paris part de la restriction des terres cultivables, de l’arrivée de néo-agriculteurs et de la fragilisation des principes coutumiers d’accès aux espaces arables. En effet, l’accès à la terre par les voies de la marchandisation et du planter-partager sont les nouveaux d’accès aux terres cultivables pour la pratique de l’hévéaculture. Ces modes d’accès à la terre adoptés par les néo-agriculteurs favorisent les conflits fonciers entre les cédants, la famille du cédant et l’acheteur. Les conflits nés entre les antagonistes se règlent en grand nombre par les autorités coutumières et à l’amiable.

Références Bibliographiques

CLIMATE CHANCE, 2018, Les émissions liées à l’UTCATF et disparition des forêts : une situation toujours aussi dramatique, Rapport Annuel de l’Observatoire Mondial de l’Action Climatique NON-Etatique, 14p.

COULIBALY Sidiki Youssouf ; LOBA Akou Don Franck Valéry ; BOSSON Eby Joseph et SYLLA Daouda, 2015, « Les planteurs du dimanche dans la Sous-préfecture de Bonoua », In Revue des Sciences Sociales-PASRESS, Côte d’Ivoire, pp 34-46.

COULIBALY Sidiki Youssouf, 2012, L’avènement de nouvelles cultures de rente dans le paysage agraire de la Sous-préfecture de Bonoua, Thèse Unique, Institut de Géographie Tropicale (IGT), Université Félix Houphouët-Boigny Abidjan, Côte d’Ivoire, 324p.

DESHAIES Thomas, 2006, L’accaparement des terres et ses impacts sur la sécurité alimentaire et foncière : évaluation des mécanismes de prévention et de résolution de conflits fonciers dans la région des Hauts-Bassins au Burkina Faso, Mémoire, Université du Québec Montréal, Canada, 129p.

LAMARCHE Aline Aka, 2019, « L’accès à la terre en Côte d’Ivoire : diversité et variabilité des pluralismes, In Revue des droits de l’homme », N°16, pp.1-25.

RUF François, 2012, « L’adoption de l’hévéa en Côte d’Ivoire. Prix, mimétisme, changement écologique et social », In Revue de l’Economie Rurale, pp.103-124.

TARROUTH Honneo Gabin et COLIN Jean-Philippe, 2016, « Les acquisitions de terres rurales par les « cadres » en Côte d’Ivoire : premiers enseignements », In Revue Cahier Agric, pp.1-6.

 

 

 

Auteur

1Institut de Géographie Tropicale (IGT), Université Félix Houphouët-Boigny de Cocody-Abidjan (Côte d’Ivoire), Sidik_coul@yahoo.fr

 

Catégorie de publications

Date de parution
30 juin 2021