Rôle du Port Autonome de Pointe-Noire dans la croissance de la ville (République du Congo)

Résumé

Cet article se propose d’analyser le rôle que joue le port dans la croissance de la ville de Pointe Noire. En effet, la ville de Pointe-Noire est aujourd’hui une agglomération en pleine extension, mais l’accroissement de la population n’est pas accompagné du développement économique ; d’où l’augmentation des activités du secteur informel. La démarche méthodologique choisie pour l’étude est celle d’une analyse quantitative des caractéristiques socio démographiques de la ville. La collecte des données sur le terrain a été complétée par la recherche documentaire et des entretiens dans les administrations publiques et privées. La recherche documentaire a accordé une place importante à la consultation des archives des différentes directions administratives du port et de la ville de Pointe-Noire, des services publics et privés, des publications et des thèmes qui traitent de la croissance démographique d’une ville portuaire. Il ressort des investigations que la croissance démographique suscitée par la présence du port maritime a favorisé une importante dynamique spatiale de la ville de Pointe-Noire. L’évolution spatiale de la ville est restée lente jusqu’en 1962 avec 660 hectares soit une densité de 109 habitants à l’hectare. A partir de 1963 cette croissance spatiale s’accélère. La superficie de la ville atteint aujourd’hui 114 400 hectares, soit 1 144 km2, pour une densité de 786,7 habitants à l’hectare, soit une tendance au rythme de 2 274,8 hectares par an.

Abstract

This article aims to analyze the role that the port plays in the growth of the city of Pointe Noire. The city of Pointe-Noire is today a growing agglomeration, but the increase in population is not accompanied by economic development; hence the increase in informal sector activities. The methodological approach chosen for the study is that of a quantitative analysis of its socio-demographic characteristics. Data collection in the field was supplemented by documentary research and interviews in public and private administrations. The documentary research has given an important place to the consultation of the archives at the Autonomous Port of Pointe-Noire, in particular in the different administrative departments of the port and the city of Pointe-Noire, public and private services, publications and themes which deal with the population growth of a port city. The Investigations show that the demographic growth caused by the presence of the seaport has favored an important spatial dynamic in the city of Pointe-Noire. Spatial evolution of the city remained slow until 1962 with 660 hectares or a density of 109 inhabitants per hectare. From 1963 this spatial growth accelerates. The area of the city today reaches 114,400 hectares, or 1,144 km2, with a density of 786.7 inhabitants per hectare, a trend of 2,274.8 hectares per year.

Introduction

L’analyse de la population est aujourd’hui au cœur des études prospectives (J.P. THUMERELLE, 1996, p. 25). Les mouvements de population obéissent aux contraintes spatiales et les caractérisent, créant des pôles ou des espaces de circulation là où ils n’existaient pas. Cette dialectique est continuelle et la lecture géographique offre très souvent les moyens de comprendre à la fois la genèse des changements démographiques et leur portée dans la configuration de l’espace social dans son ensemble.

La population est une réalité complexe qu’on ne peut réduire aux statistiques relatives à des taux quotidiens. Elle est perçue comme une composante essentielle du développement. Même si les relations entre population et développement sont indéniables, celles-ci demeurent multiformes et parfois complexes.

On ne peut parler du développement d’une ville sans population. Le développement des villes portuaires d’Afrique est et sera largement conditionné par son développement humain qui doit évoluer à la fois comme le développement de ses ressources humaines et aussi l’amélioration du niveau de vie de la population du point de vue des revenus, de la santé, de l’éducation et du bien-être en général.

Le développement de l’activité portuaire est avant tout la traduction d’un dynamisme économique. Toutefois, la présence du port maritime a provoqué une importante vague de migration et d’immigration (G. PIERRE, 2010, p.152) qui a pour conséquence l’extension de la ville. Quel est le rôle du Port Autonome de Pointe-Noire dans la croissance de la ville de Pointe-Noire. L’objectif de la présente étude est d’analyser le rôle du Port Autonome de Pointe-Noire (PAPN) dans la croissance démographique de la ville.

 

1. Méthodes et matériel

La démarche choisie pour l’étude du port et la croissance de la ville de Pointe-Noire est celle d’une analyse quantitative de la croissance démographique, les différentes unités spatiales observées dans leur évolution. Elle requiert un ensemble de données les plus représentatives possibles de la population. Pour cette étude, on pouvait s’attendre à des enquêtes d’envergure sur le terrain pour la collecte des données. Mais, une analyse des données existantes a été privilégiée. Ce choix méthodologique est confirmé par D. NOIN et J.P. THUMERELLE (1993, p.10-31) qui affirment : « Que les autres branches de la géographie s’appuient sur un important travail de collecte directe d’informations sur le terrain, la géographie de la population ne saurait procéder de la sorte, compte tenu de l’extraordinaire mobilisation de moyens et du coût matériel et humain que nécessite l’observation de grandes masses d’individus ». La recherche documentaire a mis en évidence une abondante documentation sur les phénomènes démographiques dans le monde et au Congo. En revanche, l’exploitation des textes administratifs a permis d’établir l’évolution des populations dans le cadre territorial de la ville de Pointe-Noire. L’enquête qualitative sur le terrain a été menée grâce aux guides d’entretiens qui ont servi uniquement à prendre en compte l’opinion des services de l’Etat, des sociétés privées et des populations sur le développement du port et de la ville de Pointe-Noire et des questions démographiques au niveau de la ville afin de mesurer la perception de la populations et les changements sociaux, leur contribution au développement de la population en croissance. La méthode des composantes a été  retenue pour analyser la structure de la population de la ville de Pointe-Noire. Ce choix se justifie non seulement par la structure des données disponibles mais aussi par le fait que cette méthode permet de faire une analyse distincte de l’évolution des statuts professionnels et autres commerçants qui composent la population de la ville de Pointe-Noire.

2. Résultats

2.1. Le Port Autonome, un moteur  dans la croissance de la ville de Pointe-Noire

L’évolution du transport maritime à Pointe-Noire, caractérisée par les phénomènes de la productivité, a participé à la modification et à la croissance de la population. L’installation des hommes ici et là, dans la ville de Pointe-Noire, a été influencée par des facteurs historiques, humains, naturels et économiques.  Pointe-Noire, « poumon économique et industrielle du Congo » doit sa croissance démographique à d’importantes activités pétrolières, portuaires, commerciales et industrielles. Aujourd’hui, l’attrait de la ville devient irrésistible, tant pour les congolais que pour les étrangers africains et non africains. La figure 1 présente l’évolution de la population de Pointe-Noire de 1983 à 2018.

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L’analyse de la figure 1 montre une accélération de la croissance démographique entre 1983 et 2018. Cette croissance s’amplifie après 1984. La population de la ville de Pointe-Noire s’est accrue de plus de 30 000 personnes entre 1983 et 1996, de 653 000 à 1 374 000 personnes entre 2000 et 2018. La ville de Pointe-Noire a connu d’abord une croissance démographique lente de 1983 à 2000, puis accélérée du fait de la migration et d’immigration. La mise en service du Chemin de Fer Congo-Océan (CFCO) fut un véritable facteur de croissance démographique avec l’installation des établissements commerciaux des secteurs formels et informels, de travail et d’acconage, et de certaines industries (la Congolaise de Raffinerie (CORAF), Usine des Copeaux, (EFC), Peinture Industrielle (ECP), etc.). L’augmentation de la population à Pointe-Noire constitue un marché de consommation potentiel des produits alimentaires (locaux ou importés). Les conditions de la mobilité ont également guidé l’expansion spatiale dans la ville de Pointe-Noire, d’abord pour accueillir les abondantes populations mises en mouvement par l’exode rural, puis pour offrir à une large fraction des populations citadines des logements plus vastes, des terrains d’agrément et les maisons individuelles. A Pointe-Noire, l’évolution spatiale est lente jusqu’en 1974 pour suivre ensuite une tendance croissante, au rythme de 660 hectares en 1962, ce qui lui donnait une densité de 109 habitants / hectare. De 1963 à nos jours, elle atteint 114 400 hectares, soit 1 144 km2, et une densité de 786,7 habitants / hectare, soit une tendance au rythme de 2 274,8 hectares par an. Pointe-Noire doit sa croissance démographique et spatiale à l’exode rural à partir de son arrière-pays national et international, aux activités pétrolières et portuaires et aux activités commerciales. A partir de 1936, la croissance démographique de la ville de Pointe-Noire est le fait de la migration  et de l’immigration. Les anciennes quartiers comme : Quartier Sic Tchitchele, Grande Mosquée, Marché de Mvou Mvou étaient situés respectivement dans les premier et deuxième arrondissements. Une rapide croissance spatiale de la ville entraîne la naissance de nouveaux quartiers ; le périmètre urbain dépasse les limites initiales que représentait le plan directeur de la ville de Pointe-Noire. Le centre-ville va se développer avec la naissance des quartiers et des arrondissements tels que les quartiers Songolo, Tchinimina, Faubourg, Ngofo, Vindoulou et Siafoumou dans le cinquième arrondissement ; Ngoyo Cema, Nanga, Côte Mateve et Djeno dans le sixième arrondissement, etc. (Figure n°2).

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2.2. La gouvernance foncière et  croissance harmonieuse de la ville de Pointe-Noire

Tout comme les grandes villes africaines ou congolaises en générale, la ville de Pointe-Noire connait des problèmes liés à l’environnement marin, à l’exploitation pétrolière et à l’urbanisation rapide et anarchique. Toutefois, on note des problèmes de gestion de l’espace entraînant une croissance non contrôlée de la ville ; un site très accidenté au-delà de la rivière Songolo donnant l’image d’une ville fractionnée ; les problèmes d’insuffisance des équipements urbains, d’érosion et d’inondation pendant  les périodes pluvieuses et des déchets urbains déversés chaque jour dans les lagunes et l’Océan. La ville de Pointe est exposée à trois menaces majeures à savoir la dégradation du littoral, l’érosion maritime et la pollution de l’environnement. En effet, le prélèvement intensif et massif des matériaux de construction (sables et graviers) sur l’estran et sur le plateau continental accélère la dégradation du littoral. Le littoral fait face à un grave problème d’érosion marine qui fait reculer le trait de côte et détruit les écosystèmes littoraux, les équipements et les infrastructures socio-économiques. A cela, s’ajoute une pollution liée à l’exploitation pétrolière.

Au demeurant, en moins de 50 ans, la croissance spatiale de la ville de Pointe-Noire s’accroit  d’une manière exponentielle. Elle a consommé toutes ses terres et elle est sortie de ses limites originelles. Cette croissance se fait en plusieurs étapes notamment l’occupation anarchique, la création du quartier et la répartition des quartiers par arrondissement. Toutefois, au niveau du centre-ville, la consommation de l’espace est équilibrée. La croissance de la population de Pointe-Noire s’accompagne d’une augmentation des problèmes économiques liés au coût des produits alimentaires. Or, le plan directeur de la ville de Pointe-Noire prévoyait une population de 510 000 habitants en l’an 2000. La situation sur le terrain révèle un large dépassement de ces prévisions et engendre un problème d’espace (avec plus 650 000 habitants en 2000), notamment l’occupation des sols, facteur majeur de la production de la culture maraîchère, et amène les populations à avoir des terres hors de la zone délimitée. La photo 1 présente l’impact de la pression démographique sur le maraîchage. D’où la prolifération des lotissements non-planifiés et non-équipés à la périphérie de la ville  de Pointe-Noire.

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2.3. Le secteur tertiaire, un secteur prédominant dans la ville de Pointe-Noire

Le secteur tertiaire concerne une diversité d’activités : transport en commun, transport informel des « pousse-pousseurs », commerce de détail et de micro-détail, restauration, hôtellerie, vente à la sauvette, gardiennage, artisanat, diverses autres activités du secteur informel. Le secteur informel occupe de plus en plus une place importante dans la ville de Pointe-Noire. Il tend le plus souvent vers une logique de survie au lieu d’une rente organisationnelle. Il est le lieu où les femmes en particulier (23%) manifestent leur capacité d’entreprendre et démontrent leur place dans la vie familiale. Dans la ville de Pointe-Noire on trouve les cordonniers (8%), les menuisiers (13%), les briquetiers (6%), les maçons (19%), les bijoutiers (3%), les fabricants de boissons artisanales (7%), les vendeurs ambulants (14%), les tenanciers de buvettes et de restaurants (9%) dans la ville et à l’entrée du port de Pointe-Noire (Figure 3).

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Depuis la création de Pointe-Noire dans les années 1930 et inauguré en 1939 (PAPN, p.5), la ville et le port partagent un destin commun en raison de l’importance de la ville de Pointe-Noire comme capitale économique de la République du Congo. Pointe-Noire est à l’origine d’un port maritime, qui a connu un développement commercial. La ville se développe en collaboration avec les activités portuaires. La ville de Pointe-Noire a connu une activité commerciale importante pendant des décennies et attiré une population, particulièrement rurale, à la recherche d’emploi, surtout que l’activité portuaire était très prometteuse des sources de revenus.

Le marché est l’élément essentiel de la vie économique dans les villes portuaires. Chaque quartier de la ville de Pointe-Noire possède son marché. La commercialisation des vivres et d’autres produits variés pour l’approvisionnement des villes apparaît ainsi comme un facteur incontestable d’enrichissement dans la mesure où des revenus importants sont distribués aux citadins, et de nombreux petits emplois sont induits par ce circuit (G. PIERRE, 2010, p.126). Il est donc important de comprendre le mode de fonctionnement de cette organisation commerciale et d’en connaître les acteurs. Les activités commerciales à Pointe-Noire sont assurées en majorité par des commerçants de nationalités ouest-africaines (48%), camerounaises (22%), rwandaises (5%), congolaises (10%) et chinoises (15%) (Figure 4).

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Parmi les acteurs grossistes sur les marchés de la ville de Pointe-Noire, on peut distinguer les catégories suivantes : les grossistes, qui sont en majorité des hommes, qui disposent de magasins de stockage  et des vendeurs au détail, qui sont des personnes, dont le financement initial provient souvent de fonds propres familiaux, d’une épargne mobilisée à travers les tontines ou du soutien d’un grossiste qui donne la marchandise à crédit. Par ailleurs, les petits démarcheurs qui vont dans les marchés pour acheter à des prix très faibles des produits pour les revendre avec une marge modique sur certains  marchés de la ville de Pointe-Noire. La photo 2 présente le conteneur d’un commerçant étranger au port qui embarque ses marchandises à destination de la ville de Pointe-Noire.

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2-4- Les problèmes de transport dûs à la configuration de la ville de Pointe-Noire

L’extension spatiale accélérée de la ville de Pointe-Noire induit une demande des besoins de mobilité. Or, la ville répond à l’explosion de la demande par une augmentation de l’offre, ce qui se traduit très généralement par une augmentation des réseaux routiers. A Pointe-Noire, le transport en commun est le fait des opérateurs privés qui exploitent des bus, des taxis (qui font la course à 1000 Fcfa pour une distance donnée avec un seul client ou un groupe de trois personnes qui sont ensembles) ou des taxis-communs (ici la course coûte 150 Fcfa par personne pour une certaine distance. Un taxi-commun peut transporter six personnes par course). Un nombre significatif des résidents de la ville dépend de ces taxis  ou minibus informels de la ville. La ville de Pointe-Noire est confrontée aux problèmes inhérents aux transports en commun tels que l’incompétence institutionnelle, la gestion, l’insuffisance et la précarité d’un réseau viable, la pollution, la perte de temps, etc. Tel est le cas de la gare de Tié-Tié, située en face de la gare ferroviaire. La gare routière se dresse juste en face d’un petit marché communément appelé « marché des wagons », où sont vendues les marchandises en provenance de l’arrière-pays national. Avec le déguerpissement des trottoirs du Fonds Tié-Tié dans le troisième arrondissement, tous les vendeurs squattent cet espace qui a été transformé en marché permanent. Les bus en stationnement et les taxis se disputent aujourd’hui un espace devenu insuffisant, à cause d’une forte pression démographique, avec toutes les conséquences possibles : vols de portefeuilles, de téléphones portables, vol à la tire des paniers, etc., de jour comme de nuit. La photo 3 illustre cette situation dramatique au marché des wagons. La réglementation des transports dans la ville de Pointe-Noire est ni viable, ni crédible parce que la majorité des transports en commun opère clandestinement surtout dans les zones périphériques de la ville où ils échappent à tout contrôle.

La Photo 3 présente la station des bus et des taxis. Les bus en stationnent et les taxis se disputent l’espace du terminus du Fonds de Tié-Tié devenu difficile, pendant les heures de pointes, à cause de la forte pression démographique. D’où toutes les conséquences possibles : vols de portefeuilles, téléphones portables, etc.

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3-Discussion

L’urbanisation a été l’un des traits saillants du XIXème  siècle. En Afrique, 5% seulement de la population vivaient dans les zones urbaines en 1900 ; 2% environ en 1960 et 38% environ aujourd’hui (J.P. THUMERELLE, 1996, p. 235). Ce qui illustre bien la situation de la ville de Pointe-Noire. La population de la ville de Pointe-Noire s’est accrue de plus de 30 000 personnes entre 1963 et 1996, de 653 000 à 1 374 000 personnes entre 2000 et 2018. Le taux actuel de croissance urbaine en Afrique est le plus élevé du monde, dépassant 4% par an. Dans de nombreuses parties du monde en développement, les villes portuaires évoluent à un rythme croissant. Chaque jour, environ 160 personnes quittent les zones rurales pour s’installer dans les villes portuaires. Cette croissance urbaine explosive des villes portuaires est souvent due à l’effondrement des environnements ruraux, à la pauvreté, à la dure condition des paysans sans terre, au manque de possibilités d’emploi ainsi qu’à l’attraction des meilleurs emplois et services sociaux dans les villes. La croissance est rapide dans les villes portuaires, ainsi que dans les bidonvilles qui sont dépourvus d’infrastructures adéquates de logement (B.M. MENGHO, 2017, p.113).

En outre, dans toutes les agglomérations des pays développés, les villes se sont densifiées au cours de la deuxième moitié du XXème siècle, tandis que les zones rurales proches ont vu leur population diminuer après la phase d’exode rural. Le tissu de la ville de Pointe-Noire a connu une forte extension à cause des guerres civiles, responsables d’un exode rural massif vers ladite ville, avec pour corollaire l’occupation des zones inconstructibles. L’analyse faite par Y. OFOUEME-BERTON (2010, p. 43) montre que de 1970 à 2007, les migrations vers la ville de Pointe-Noire présentent une évolution croissante. De 2% entre  1970 et 1975, elles s’intensifient pour atteindre 23% entre 1997-2000. Cinq ans après l’inauguration du réalignement du Chemin de Fer Congo Océan (CFCO) intervenue en 2005, les migrations vers Pointe-Noire atteignent le niveau le plus élevé : la proportion des migrants est de 44% entre 2001 et 2007. L’expansion démographique et la fragmentation de l’aire urbanisée n’ont été possibles qu’en raison de l’efficacité des réseaux ferroviaires et routiers.

Le problème de la gouvernance foncière est un problème qui touche la majorité des villes portuaires d’Afrique. Au Congo, le processus d’acquisition des sols est caractérisé par une rivalité entre le pouvoir public résultant du droit civil hérité de la puissance coloniale. Des observations du même ordre ont été faites à Dakar, en République Démocratique du Congo (port de Matadi), à Abidjan (Y. OFOUEME-BERTON, 1991, p.124). Elles montrent le paradoxe des villes portuaires ayant besoin des espaces maraîchers intra-urbains pour nourrir leurs populations qui ne cessent de croître ; mais ces espaces lentement grignotés pour l’installation des infrastructures et des habitations, repoussent les sites de productions à la périphérie jusqu’à les faire disparaître à long terme. C’est la même situation que connait la ville de Pointe-Noire où la forte pression démographique agit sur l’occupation des zones périphériques qui étaient utilisées pour le maraichage (B.M. MENGHO, 2017, p. 230) dans la ville et provoque le déplacement des producteurs vers la périphérie. Par ailleurs, cette croissance démographique rapide dans la ville de Pointe-Noire se lit dans l'intensification de la circulation avec des conséquences néfastes.

L’augmentation rapide de la population dans les villes portuaires africaines pose des défis majeurs mais crée aussi des opportunités de développement multidimensionnel : économique, social et environnemental, notamment dans le secteur tertiaire. Dans les villes portuaires, l’urbanisation rapide augmente avec les conséquences d’une transformation structurelle lente. Toutefois, comme le souligne la Banque Africaine de Développement (2017, p. 69), la croissance démographique est une condition nécessaire, mais pas heureuse, à la transformation structurelle et économique d’une ville portuaire en Afrique. C’est ce que l’on peut observer à Pointe-Noire, lorsque le développement urbain tend vers l’anarchie et que l’investissement public n’est pas suffisant pour mettre en place les infrastructures essentielles, et l’interface ville-port plus ou moins abandonnés avec  des impacts négatifs qui s’accentuent dont la forte croissance démographique.

Conclusion

Le problème de la croissance démographique des villes portuaires en Afrique est aujourd’hui crucial. Il le demeure d’autant plus que bon nombre de villes portuaires africains doit encore faire face à une croissance rapide de leur population, tel est le cas de la ville de Pointe-Noire. Toutefois, ce problème n’est pas uniquement une question de chiffres, c’est aussi une question de bien-être humain et de développement économique. La population de la ville de Pointe-Noire qui ne cesse d’augmenter implique de sérieuses répercussions sur le foncier et les possibilités d’emplois au Port Autonome de Pointe-Noire ou dans d’autres sociétés de la ville. Si cette croissance démographique rapide dans la ville de Pointe-Noire s’accompagne normalement d’un accroissement proportionnel de la population, cela signifie que le rythme de création d’emplois dans les sociétés portuaires ou autres sociétés correspond au rythme de la multiplication de la population. La croissance démographique galopante risque d’avoir de graves conséquences sur le bien-être des populations de la ville de Pointe-Noire. Un port doit être à la fois un point d'ancrage et une ouverture vers le monde. Il permet d'importer des marchandises, d’exporter celles que l'on a produites, de transporter des voyageurs. Il peut aussi constituer un levier pour le développement économique et industriel d'un pays, de sa ville, voire d'une région. C'est ce qui doit être envisagé à partir de Pointe-Noire. Le Port Autonome de Pointe-Noire doit contribuer à la  croissance urbaine de la ville à travers la création des emplois, fondamentalement comme le moteur dans le développement économique. Les relations entre espaces portuaires et urbains dans la ville de Pointe-Noire doit être matérialisé par les projets de reconquête urbaine d’espaces portuaires ou d’interfaces ville-port plus ou moins délaissés ou dégradés, avec reconversion vers de nouvelles stratégies pour la croissance économique de la ville de Pointe-Noire

 

Références bibliographiques

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THUMERELLE Pierre Jean, 1996. Les populations du monde, Paris, Nathan, 384 p.

 

 

 

 

 

Auteur

1Université Marien Ngouabi, Congo-Brazzaville, malikichrist9@gmail.com

 

 

Catégorie de publications

Auteur(s)

Date de parution
30 juin 2020