Concentration urbaine à Dakar, mobilité en question et gouvernance territoriale

Résumé

La géographique de Dakar, qui s’apparente à une presqu’île, a considérablement déteint sur son organisation et son occupation de l’espace urbain. Avec 0,3% du territoire nationale, Dakar est de loin la ville la plus peuplée et la plus urbanisée du Sénégal. La concentration de quasiment toutes les activités depuis l’époque coloniale, sources d’attraction de population et de déséquilibre territorial, a rendu les conditions d’existence et de mobilité très ardues. Les fonctions administratives et économiques que cumule la capitale ont fait apparaître une forme d’hiérarchisation des villes à l’origine d’une forte urbanisation.

L’accession du Sénégal à l’indépendance, en 1960, n’a pas apporté de changements significatifs malgré une politique de décentralisation engagée depuis les années 1970 et même bien avant. La morphologie sociale, la question de la stratification sociale en constante évolution et ses liens avec la morphologie urbaine repose le débat sur l’efficacité des politiques publiques urbaines.

Ce travail s’intéresse à la problématique de l’urbanisation brutale, de l’aménagement urbain et de leurs conséquences sur la mobilité urbaine à Dakar. La mobilité entendue comme la capacité à se déplacer et les modalités qui permettent ces déplacements, est devenue un enjeu stratégique. Cette étude pose l’hypothèse selon laquelle les difficultés de mobilité urbaine à Dakar sont liées à la forte concentration de l’activité économique et administrative dans un espace déterminé et à l’aménagement urbain. Sa réalisation a nécessité une approche théorique fondamentale basée sur l’exploitation de la documentation disponible suivie d’une phase descriptive de la situation.

Abstract

The geography of Dakar, which is similar to a peninsula, has had a considerable impact on its organization and occupation of urban space. With 0.3% of the national territory, Dakar is by far the most populated and most urbanized city in Senegal. The concentration of almost all activities since the colonial era, sources of population attraction and territorial imbalance, has made the conditions of existence and mobility very difficult. The administrative and economic functions that the capital combines have revealed a form of hierarchy of cities at the origin of strong urbanization.

Senegal's accession to independence in 1960 did not bring significant changes despite a policy of decentralization initiated since the 1970s and even well before. Social morphology, the question of constantly evolving social stratification and its links with urban morphology rests the debate on the effectiveness of urban public policies.

This work focuses on the problem of brutal urbanization, urban planning and their consequences on urban mobility in Dakar. Mobility, understood as the ability to move and the modalities that allow these movements, has become a strategic issue. This study poses the hypothesis that the difficulties of urban mobility in Dakar are linked to the high concentration of economic and administrative activity in a specific area and to urban development. Its realization required a fundamental theoretical approach based on the exploitation of available documentation followed by a descriptive phase of the situation.

Introduction

La ville, lieu de la diversité et de la concentration humaine, est aussi un lieu de coexistence où se réalise une délicate alchimie entre des groupes sociaux d’origines diverses. La ville d’aujourd’hui a connu de profonds changements spatiaux et sociaux provoquant ainsi une « crise urbaine » aux caractéristiques diverses et persistantes. C’est dans ce contexte urbain en profonde crise que s’est engagé, au milieu des années 1980, le processus de décentralisation en Afrique. Au Sénégal, la décentralisation est liée à son histoire politique et administrative. Engagée juste après l’indépendance, elle a connu une nouvelle phase avec la création en 1972, des communautés rurales en tant que collectivités locales. La décentralisation est fondée sur l'idée selon laquelle les citoyens sont liés par des intérêts communs et que les affaires locales seront mieux gérées si elles sont prises en charge au niveau local. Cependant, le contexte de la ville de Dakar, principal pôle attractif, concentrant les fonctions les plus importantes du territoire national sénégalais rendent encore plus complexe la question urbaine.

La région de Dakar est donc marquée par une urbanisation mal contrôlée avec la prolifération de quartiers dits « spontanés ». Les insuffisances de son système actuel de planification urbaine entrainent un manque de maîtrise de l’espace urbain et une dégradation  du cadre vie. Encore plus problématique, la région de Dakar est une presqu’île entourée par la mer et dotée de 70 kilomètres de côtes. Elle s’étend sur une superficie de 550 km² et se démarque de loin des autres localités du pays avec une densité de 6 973 habitants au km² sur 0,3% du territoire national1. Elle accueille à elle seule 48,7 % de la population urbaine, 90 % industries et 80 % infrastructures (ANSD, 2015, p.32). L’aménagement urbain de la région de Dakar est caractérisé par des déséquilibres spatiaux énormes. La concentration urbaine incontrôlée a créé une structure urbaine déséquilibrée avec la concentration des fonctions commerciales au centre-ville de Dakar. Ce qui entraine des difficultés de mobilité avec une forte congestion de la circulation notamment aux heures de pointe.

Aujourd’hui, l’Etat s’efforce de contrôler la croissance urbaine de Dakar en élaborant des Plans Directeurs d’Urbanisme2, mais sans beaucoup de succès. C’est dans un tel contexte que nous engageons ce travail, avec comme objectif, de comprendre les enjeux de la concentration urbaine à Dakar et leurs conséquences sur la mobilité. La méthodologie utilisée relève d’une approche théorique fondamentale. Elle s’appuie sur une recherche documentaire basée sur l’exploitation de documents disponibles. Nous avons procédé à un trie de sources documentaires parlant des questions d’urbanisation et de ville particulièrement de Dakar afin de mieux appréhender la problématique de la concentration humaine à Dakar. Ce qui nous orienté vers les bibliothèques universitaire et facultaire  des lettres et sciences humaines de Dakar, à nos propres documentations et à d’autres sources en ligne.

 

[1] Agence nationale de la statistique et de la démographie (ANSD), 2015, Rapport Projection de la population du Sénégal 2013 – 2063.

[2]L’Etat du Sénégal a élaboré des Plans directeurs d’urbanisme en 1980 et 2000 mais avant, il y avait déjà ceux de 1948 et de 1967. Ensuite le Plan directeur d’urbanisme de Dakar horizon 2025, élaboré en 2000 et approuvé en 2009était peu efficace en raison notamment d’une insuffisante prise en compte des réalités locales, d’un défaut de participation des collectivités territoriales et des populations dans son élaboration.

Catégorie de publications

Date de parution
31 déc 2023