Employabilité des entreprises agricoles des jeunes dans le département de l’Atlantique au Bénin

Résumé

Au Bénin, depuis plus de dix (10) ans, des programmes sont mis en œuvre pour résorber la situation de chômage des jeunes. Le bilan des efforts fournis sur le plan international est positif mais les impacts sur l’emploi local et le développement restent toujours mitigés. Pour résoudre ce problème, les nouvelles initiatives s’appuient sur la promotion de l’entrepreneuriat agricole des jeunes à causes des nombreuses possibilités d’emploi du secteur agricole. L’objectif de cette étude est d’analyser la main d’œuvre utilisée par les entreprises agricoles des jeunes dans le Département de l’Atlantique. L’approche méthodologique utilisée s’articule autour de la recherche documentaire, les investigations de terrain auprès de 321 entrepreneurs agricoles et le traitement et l’analyse des données.

Il ressort des résultats que les entreprises agricoles de jeunes crées dans le Département de l’Atlantique ont pour domaines d’activités : la transformation de produits agricoles 9,04 %, la production végétale 66,35 % (céréalières et maraîchères), celle aquacoles 2,49 % et animales 22,12 %. Ces entrepreneurs emblavent en moyenne 1,5 ha avec des équipements aratoires, inadéquat, des intrants non améliorés de sources diverses et utilisent 2 types de main d’œuvre (permanente et occasionnelle). Malgré ces faiblesses, ces entrepreneurs créent non seulement leur propre emploi mais également 2 à 5 emplois permanent et occasionnel selon le genre pendant un cycle de production. Ces résultats montrent bien que si le secteur agricole est dynamisé, l’entrepreneuriat agricole se trouve être une solution palliative au chômage des jeunes. 

Abstract

In Benin, for more than ten (10) years, programs have been implemented to reduce youth unemployment. The results of the international efforts are positive, but the impacts on local employment and development are still mixed. To address this problem, new initiatives are based on the promotion of youth agricultural entrepreneurship because of the many employment opportunities in the agricultural sector. The objective of this study is to analyze the labor force used by youth agricultural enterprises in the Atlantic Department. The methodological approach used revolves around documentary research, field investigations of 321 agricultural entrepreneurs and data processing and analysis.

The results show that the young people's agricultural businesses created in the Atlantic Department have the following areas of activity: the processing of agricultural products 9.04%, plant production 66.35% (cereal and market gardening), aquaculture 2.49% and animal production 22.12%. These entrepreneurs sow an average of 1.5 ha with inadequate agricultural equipment, unimproved inputs from various sources and use 2 types of labor (permanent and occasional). Despite these weaknesses, these contractors create not only their own employment but also 2-5 permanent and casual jobs depending on gender during a production cycle. These results clearly show that if the agricultural sector is boosted, agricultural entrepreneurship is a palliative solution to youth unemployment. 

Introduction

Le profil démographique de la région de région de l’Afrique de l’Ouest en général et celui du Bénin en particulier montre que sa population est essentiellement jeune. Selon les statistiques, les jeunes de 15-25 constituent plus de 60% de la population du Bénin évaluée à près de 10 millions d’habitants en 2013 (INSAE, RGPH4, 2015, p.29). Mais, les 3/4 sont frappés par le chômage et le sous-emploi. Avec chaque année, ces nombreux jeunes diplômés qui arrivent sur le marché du travail, la tendance n’est pas prête à s’inverser. Le taux global du chômage est de 2,7 %. Chez les jeunes de 15-29 ans ce taux atteint 9,1%.

Des douze départements que compte le pays, l’Atlantique derrière le Littorale est celui dans lequel ce taux est plus élevé 3,7 % (INSAE, EMICOV, 2015, p.15). En tant que fait social de tout premier ordre, le chômage et le sous-emploi des jeunes au Bénin posent de nombreux problèmes dont la première est l’insertion et la déqualification des jeunes (F.C. Biaou et al, 2017a, p.41). En effet, les jeunes béninois sont confrontés à des problèmes récurrents liés à l’emploi. Ces problèmes sont souvent du non seulement à l’inadaptation de leurs compétences aux besoins des marchés de l’emploi mais aussi à la marginalisation de ces derniers dans les différents processus de prise de décisions. 

Cette situation est encore exacerbée par la forte croissance démographique et celle économique très faible qui constitue un frein important à la promotion de l’emploi dans un pays où le secteur informel, continue d’avoir un poids considérable dans l’environnement économique et accentue la pauvreté. Bien que les emplois dans le secteur structuré laissent entrevoir de meilleurs salaires et une plus grande sécurité, on ne saurait laisser de côté l’agriculture et le secteur non structuré y compris l’emploi autonome et le développement des petites entreprises, compte tenu de l’importance de leur rôle dans les moyens de subsistance.

L’agriculture au Bénin est la première source de richesse qui contribue environ à 32,7 % à la formation du produit intérieur brut (PIB), à 80 % aux recettes d’exportations d’origine intérieure (FAO, 2012, p.35 ; USAID, 2014, World Bank, 2017b, p.5). Ce secteur qui regroupe l’ensemble des activités de production, de stockage, de transformation et de distribution de produits agricoles de bases et de leurs produits dérivés est capable de générer de nombreux emploi aux jeunes (C. CERDAN et al, 2009, p.10). Il combine à la foi, les systèmes d’activités primaires et secondaires mis à la chaîne qui utilisent assez de main d’œuvre (FAO, 2016, p.2).

Pour tirer profit des nombreuses possibilités d’emploi du secteur agricole et du dividende démographique remarquable, l’option prise par le Gouvernement est d’inverser la tendance en faisant des jeunes à la fois, un bassin de main-d’œuvre important et une source de potentiel entrepreneurial, dans ledit secteur. Aussi, l’un des enjeux les plus pressants du pays est de trouver des moyens innovants pour créer des emplois aux jeunes qui sont les plus frappés par le chômage. Ainsi de nombreux jeunes s’aventurent dans l’entrepreneuriat agricole malgré les nombreuses contraintes du secteur, liés à leur inexpérience et à leur faible capacité à gérer des entreprises, après leur installation (V.J. MAMA et al, 2017, p.70).

Malgré ces nombreuses contraintes, l’ardeur des jeunes n’a jamais baissé. Bien au contraire, ils continuent par créer des entreprises et les politiques ne cessent de les encourager dans cet élan. Ces constats suscitent les questionnements ci-après : quelle est la nature de la main d’œuvre utilisée par ces entreprises créées par les jeunes ? Quelles est la quantité de main d’œuvre utilisée par ces mêmes entreprises ? Pour répondre à cette question et soutenir la promotion de l’entrepreneuriat agricole des jeunes, des investigations importantes méritent d’être réalisées sur la contribution des entreprises agricoles dans la création de l’emploi pour les jeunes. 

1. Méthodologie

1.1. Milieu d’étude

Le Département de l’Atlantique étendu sur une superficie de 3233 km2 (INSAE, 2005) est l’un des plus petits en superficie parmi les douze que compte le Bénin. Il s’étend sur 65 km environ, entre 6°40’ et 6°56’ de latitude nord et sur une cinquantaine de kilomètre entre 1°56’ et 2°14’ de longitude est.

Le Département de l’Atlantique est limité au Nord par le Département du Zou, au Sud par l’océan Atlantique et le Département du Littoral, à l’Est par le Département de l’Ouémé ou sa frontière passe au milieu de la vallée de l’Ouémé et traverse le lac Nokoué du Sud au Nord et à l’Ouest par le département du Mono avec le lac Ahémé, le fleuve Couffo et le lac Aho. Cette position du département du fait de sa situation géographique, constitue une opportunité permettant de se lancer dans le commerce des produits agricoles tant pour l’alimentation et la consommation dans l’intérieur du pays que pour les exportations vers les autres pays voisins en particulier le Nigéria proche qui est une grande opportunité de business. La figure 1 présente la situation géographique du département de l’Atlantique.

Fig19_1.png

1.2. Nature et sources des données collectés

  • Les données utilisées dans cette étude sont de natures quantitatives et qualitatives. Les principales sources de ces données sont :
  • Les données concernant les entrepreneurs agricoles du département de l’Atlantique obtenues au Centre de Partenariat et d’Expertise pour le Développement Durable (CePED) ;
  • L’ONG Bouge, le centre Songhai, l’Agence Nationale pour l’Emploi (ANPE) ;
  • L’Institut National des Recherches Agricole du Bénin (INRAB) complétées par les données recueillies au niveau de certains centres de formation publics en agriculture tels que le Lycée Agricole Médji de Sékou et d’autres centres privés de formation en Entrepreneuriat agricole des jeunes.

 

1.3. Techniques, outils et matériels de collecte

Les techniques de collectes utilisées au cours de cette recherche sont les enquêtes par questionnaires suivi des observations directes sur le terrain.

Les outils utilisés pour la collecte des données sont :

  • Les questionnaires administrés aux groupes cibles que sont les entrepreneurs agricoles, les responsables des centres de formation agricoles et les autorités locales
  • Les guides d’entretiens qui ont permis d’avoir des informations sur les processus de création et de formalisation des entreprises agricoles des jeunes et l’organisation des jeunes

Le matériel de collecte comprend :

  • des cartes de situations géographiques au 1/200000
  • un appareil photo numérique pour la prise des vues
  • des enregistreurs pour la restitution fidèle des informations collectées auprès des groupes cibles

1.4. Echantillonnage

Le groupe cible est constitué de d’entrepreneurs agricoles (personnes qui ont reçu une formation académique et/ou professionnelle et qui s’adonnent à l’entrepreneuriat agricole). La taille de l’échantillon est déterminée en utilisant l’approximation normale de la distribution binomiale proposée par P. DAGNELIE (1998) :

Ni = [(U1-α/2)2 x pi (1-pi)] /d2 ;

Avec U1-α/2 la valeur de la variable aléatoire normale pour une probabilité de 1-α/2, α étant le risque d’erreur. Pour α = 5 %, la probabilité 1-α/2 = 0,975 et on a U1-α/2= 1,96, pi est la proportion de personnes qui ont reçu une formation académique ou professionnelle et qui s’adonnent à l’entrepreneuriat agricole dans le milieu d’étude et d la marge d’erreur d’estimation, qui est de 5 % pour cette étude. Si Bn est le pourcentage de personnes qui ont reçu une formation académique ou professionnelle qui s’adonnent à la production agricole dans une commune, Bn= Bcn/Btn (Bcn effectif d’actif agricole d’une commune qui s’adonne à l’entrepreneuriat agricole et Btn effectif total d’entrepreneurs agricoles de toutes les communes du département). Ainsi la taille de l’échantillon par commune serait : n= Bn*Ni. Les entrepreneurs sont identifiés dans chaque village par une méthode d’échantillonnage aléatoire et simple. Au total, trois cent vingt et un (321) entrepreneurs agricoles ont été interviewés dans les huit communes que compte le Département de l’Atlantique. Les caractéristiques de l’échantillon sont présentées dans le tableau 1.

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Le tableau 1 présente l’échantillon composé de trois cent vingt et un (321) entrepreneurs agricoles dont trente-six (36) dans la Commune d’Abomey-Calavi, quarante-sept (47) dans la Commune d’Allada, trente-six (36) dans la Commune de Kpomassè, quarante (40) dans la Commune de Ouidah, quarante et un (41) dans la Commune de Sô-Ava, quarante et un (41) dans la Commune de Toffo, trente-six (36) dans la Commune de Tori et quarante-quatre (44) dans la Commune de Zè qui ont été enquêtés au cours de cette recherche

1.5. Méthode de traitement et d’analyse des données

Les données quantitatives ont été soumises à une analyse de variance avec le logiciel R version 3.5.1 en utilisant un modèle linéaire à effet fixe avec la fonction Lm. Il a permis de comparer les superficies dont disposent les entrepreneurs par rapport à celles exploitées et les quantités de main d’œuvre occasionnelles et permanentes offert par les entreprises agricoles. Par ailleurs, L’analyse factorielle des correspondances a été aussi réalisée.

2. Résultats et analyses

Pour analyser la main d’œuvre utilisée par les entreprises agricoles crées par les jeunes dans le Département de l’Atlantique, une caractérisation de la population de ces entrepreneurs est nécessaire.

2.1. Caractéristiques sociodémographiques des entrepreneurs agricoles

Dans le Département de l’Atlantique, 16,20 % de femmes contre 80,83 % d’hommes selon les trois tranches d’âges considérées (tableau 2) sont à la tête des entreprises agricoles crées.

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Le tableau 2 présente la répartition des promoteurs d’entreprises agricoles suivant le genre, l’âge et le niveau d’instruction. De l’analyse du tableau 2, il ressort selon le niveau d’instruction que dans le rang des femmes qui sont à la tête des entreprises agricoles crées, 0,62 % sont illettrés, 0,31 % ont le niveau primaire, contre 7,17 % pour le secondaire (CAP et DAT) et 8,1 % pour le supérieur. Par contre au niveau des hommes, 0,31 % sont lettrés, 0,93 % du primaire, 46,41 % du secondaire (CAP et DAT) et 36,14 % du supérieur. Ces indicateurs montrent que les entrepreneurs agricoles sont tout de même instruits. Cet état de chose est très déterminant dans le domaine de l’agriculture qui ne se pratique plus sous forme traditionnelle mais au sens d’entreprise.

2.2. Principaux domaines d’activité des entrepreneurs agricoles

Suivant l’analyse effectuée, quatre groupes d’entrepreneurs agricoles ont été identifiés. La répartition des entrepreneurs agricoles a été faite suivant les principaux domaines de production des entreprises de chacun d’eux et les structures dans lesquelles ils ont reçues leurs formations dans l’entrepreneuriat agricole.

Le tableau 3 présente la répartition des entrepreneurs suivant les domaines d’activités ou de production de leurs entreprises, le genre et les structures de formations desquelles ils sont issus.

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L’analyse du tableau 3 révèle que : 66,36 % dont (51,1 % de maraichers et 15,15 % de producteurs céréaliers) font uniquement la production végétale pure, 22,2 % la production animale, 9,03 % de la transformation des produits agricoles et moins de 2,5 % la pisciculture. La majorité de ces entrepreneurs provient des structures de formation professionnelle que sont : le centre Songhaï, les lycées techniques agricoles et les ONG. Les universités et les centres Agrobusiness Center (ABC) sont moins représentés. Dans la population des jeunes promoteurs d’entreprises agricoles, on note qu’un nombre important s’investi dans les activités de production végétale pure. Selon le genre, la proportion des hommes qui s’adonnent à ces activités est nettement supérieure à celle des femmes (58,25 % supérieur à 8,1 %). La proportion de femme dans les activités de transformation de produits agricoles est inférieure de 0,93 % à celle des hommes (4,98 % par rapport à 4,05 %) et traduit que bien que ce soit dans ce domaine qu’on aurait rencontré assez de femmes, les hommes sont encore plus présents qu’elles. Les hommes sont donc plus représentés dans tous les différents secteurs de production alors que les femmes le sont que dans la production végétale, animale et la transformation. Pour ce qui est de la situation géographique de ces entreprises, chacune d’elle est installée de manière à ce qu’elle soit plus proche de ses matières premières. La figure 2 présente la localisation des entreprises agricoles des jeunes selon leurs domaines de production dans le Département de l’Atlantique. 

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Il ressort de la lecture de la figure 2 que les groupes d’entrepreneurs transformateurs, producteurs aquacoles et éleveurs se retrouvent dans les localités d’Abomey-Calavi, Tori, Zè, Kpomassè et Allada. Cette installation dans ces localités est stratégique car elle est décidée en fonction de la disponibilité des matières premières. Les pisciculteurs ont jugé bon rester à Calavi parce que dans ces environs, de nombreux plans d’eaux existent. Les transformateurs ont choisi les zones de Tori et de Zè parce qu’il leur est plus facile d’avoir les matières premières dans ces localités pour la transformation. Cette même stratégie est également observée par les producteurs végétaux qui associent la production des cultures maraîchères à celle céréalière. On conclut donc qu’il existe bien une relation entre les zones de productions ou d’installation des entrepreneurs agricoles avec leurs principaux domaines d’activités et les la disponibilité des matières premières. 

2.3. Superficie des terres disponibles et exploitées par les entrepreneurs agricoles

Le tableau 4 présente les superficies moyennes des terres disponibles et exploitées par les jeunes promoteurs d’entreprises agricoles pour la production.

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L’analyse des variances (tableau 4) des terres moyennes disponibles et exploitées suivant les quatre types ou groupes d’entrepreneurs agricoles montre des différences significatives aussi bien au niveau des superficies moyennes disponibles (P < 0,04) que celles moyennes exploitées (P < 0,02). Les superficies moyennes disponibles pour les entrepreneurs des Groupes 2, 3 et 4 sont supérieures au Groupe1 (groupe d’entrepreneurs transformateurs).

Ce constat est bien normal dans la mesure où les transformateurs ne peuvent pas à priori disposer de superficies plus importantes pour les activités relatives à la transformation des produits agricoles que les pisciculteurs, les producteurs céréaliers et maraichers et les éleveurs. Pour ce qui est des superficies exploitées, la majorité des entrepreneurs des différents types d’entreprises agricoles exploitent plus de la moitié des terres disponibles à l’exception de ceux du Groupe 1.

2.4. Main d’œuvre permanente et occasionnelle

L’entreprise agricole ne peut pas fonctionner sans la disponibilité de la main d’œuvre. C’est d’ailleurs cette capacité à créer du travail et à absorber des personnes pour exercer des tâches rémunérées qui fait sa raison d’être dans le contexte actuel de réduction de la pauvreté et du chômage par les entreprises agricoles des jeunes. Toutefois, l’importance de la main d’œuvre dans les entreprises agricoles reste assez variable. Ces variations, sont d’ailleurs sensible à la fois suivant l’orientation de production de l’entreprise, la taille de l’exploitation et de l’efficience du travail. Les tableaux 5 et 6 présentent respectivement les quantités de main d’œuvre permanente et occasionnelle créées par les entreprises agricoles des jeunes suivant le genre en fonction des quatre groupes. 

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Le tableau 5 présente les quantités moyennes de main d’œuvre permanentes utilisées par les quatre groupes d’entrepreneurs dont les structures sont orientées vers des domaines de productions bien précises sus détaillées précédemment. L’analyse des variances des quantités moyennes de main d’œuvre permanente des quatre groupes d’entreprises suivant le genre montre des différences significatives au niveau des hommes (P < 0,04) et des femmes (P < 0,03). En effet, les groupes 1 et 2 emploient en moyenne et de façon permanente une (1) personne pour les travaux tandis que ceux des groupes 3 et 4 utilisent en moyenne deux (2) personnes pour les activités de production au niveau des hommes.  Dans le cas de la main d’œuvre féminine c’est tout le contraire. Pendant que le groupe 1 et 3 utilise en moyenne respectivement deux (2) et une (1) personne, les groupes 2 et 4 utilisent à peine une personne. Cela voudrait dire que les entreprises dont les activités sont orientées vers la transformation des produits agricoles utilisent plus de la main d’œuvre féminine que celle masculine. Contrairement à ces dernières, on constate que celles tournés vers la production végétale utilisent plus de la main d’œuvre masculine que celle féminine car elles recrutent en moyenne deux hommes pour une femme pour leurs activités. Comparativement à ces cas, le groupe des pisciculteurs et des éleveurs utilisent plus de la main d’œuvre masculine, celle féminine étant presque insignifiante. Le tableau 6 présente les quantités de main d’œuvre occasionnelles utilisé par les quatre groupes d’entrepreneurs suivant le genre.

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L’analyse des variances montre des différences significatives au niveau de la main d’œuvre occasionnelle masculine (P < 0,03) que celle féminine (P < 0,02).  Pendant que les groupes d’entrepreneurs G2, G3 et G4 qui ont pour domaines de production respectifs, la pisciculture, la production végétale et celle animale utilisent en moyenne deux (2) hommes pour les activités de production, le groupe 1 qui est celui des transformateurs de produits agricoles emploie en moyenne une (1) personne. Au nombre des occasionnelles féminines, seul le groupe G1 emploie en moyenne deux (2) personnes. Les groupes G2 et G3 n’emploient qu’une (1) personne en moyenne tandis que celui G4 n’emploi presque pas. Au total, les différents groupes d’entrepreneurs agricoles emploient plus de la main d’œuvre occasionnelle que permanente. En effet, la main d’œuvre pour les activités saisonnières est périodiquement importante pour pouvoir exécuter les travaux à temps. Ceci explique non seulement les fortes variations de ce personnel mais aussi son effectif supérieur à celui des permanents qui sont d’ailleurs fortement sous employée à certaines périodes.

3. Discussion

Le problème du chômage des jeunes est de nos jours au menu de tous les programmes car le développement surtout local ne peut se réaliser tant que les problèmes de chômage et d’emploi des jeunes ne sont pas bien résolus. 

Parmi les secteurs capables de juguler cette crise, le secteur agricole est celui vers lequel les regards sont tournés à cause de ses multiples opportunités d’emploi. Mais pour y parvenir, les décideurs doivent mettre en place des politiques et stratégies permettant aux jeunes de créer plus d’entreprises dans ce secteur à travers l’amélioration du climat des affaires. Les entreprises agricoles créés par les jeunes à la faveur de certaines initiatives de projet gouvernemental ou non dans le Département de l’Atlantique ont pour domaine d’activité : la transformation de produits agricoles, la production céréalières et maraîchères, celles aquacoles et animales.

Pour un cycle de production, elles utilisent selon le genre 2 à 5 personnes de manière permanente et occasionnelle créant ainsi de l’emploi non seulement pour ceux qui sont à leur tête mais aussi pour ceux qu’ils emploient. Ces constats s’alignent bien à ceux de L. T. OUEDRAOGO et B. TALLET (2014, p.11) dans leurs investigations sur l’emploi des jeunes ruraux : entrepreneuriat agricole et création d’emplois dans le sud du Burkina Faso ou après une analyse des niveaux d’employabilité agricole des catégories d’agriculteurs, concluent que les entreprises agricoles ont la capacité d’offrir des emplois agricoles aux jeunes en situation de chômage. En effet, les activités connexes à l’agriculture comme le commerce et l’artisanat n’augure pas de meilleures perspectives car ces corps de métiers non agricoles évoluent dans un environnement peu favorable, voire défavorable, à leur développement. Il suffit seulement que les traitements entre employeurs et employés soient bien clarifiés. Il est plus facile pour les jeunes de se faire octroyer une petite superficie de parcelle par location, prêt, dont etc… pour produire que de se faire un capital pour développer un commerce.

Par ailleurs, ils expliquent aussi que c’est de ces arguments bien vérifiés que se servent les citadins et autres étrangers pour s’approprier les terres à des prix très réduits dans les zones rurales car pour les familles paysannes, au sens d’entreprises, les jeunes pourront obtenir un meilleur travail agricole que celui « à la daba » pour de meilleures conditions de vie. Ainsi, la modernité agricole (utilisation de nouveaux outils et techniques de production, diminution de la pénibilité du travail, augmentation des revenus agricoles par actif) apparaît comme un des facteurs déterminants de l’attractivité de l’emploi dans les nouvelles fermes (V. J. Mama et al 2017, p 25).

Ces résultats confirment également ceux de T. D. GETAHUM et M. G. FETENE (2020, p.39) qui examinant les conditions d’emploi des jeunes dans les zones rurales d’Éthiopie et les performances des initiatives de création d’emploi pour les jeunes en milieu rural, ont constaté que : des 85 % de femmes et 97 % d’hommes bénéficiaires qui ont créé leur entreprise dans plusieurs secteurs, celles intervenant dans le secteur agricole, ont eu un bon impact en termes d’emploi. Ils s’accordent également à ceux de F. Fort et al. (2016, p.35) qui considèrent que les entreprises agricoles tout en créant de l’emploi stimulent la dynamique économique et la croissance. C’est le cas au Burkina-Faso où, selon le rapport de la Chambre du Commerce et de l’Industrie (CCIBF), le tissu économique du pays est majoritairement constitué de PME avec une moyenne de 3500 à 4000 entreprises créées par an cette décennie. En France on dénombre 554 000 entreprises créées en 2017 soit une hausse de 6 %, la plus forte depuis six ans (C. LEGER-JARNIOU, 2008, p.8 ; BPIFRANCE, 2017). La preuve est que depuis l’identification de l’impact non négligeable des entreprises agricoles, et des acteurs économiques opérant dans l’informel sur l’économie burkinabé, les pouvoirs publics ont mis en œuvre plusieurs mécanismes permettant d’accroitre la productivité des entreprises déjà créées puis de faciliter la formalisation des autres. Dans certains pays comme le Kenya et le Rwanda l’accent est mis sur l’adoption de loi sur les marchés publics qui prévoient de consacrer un certain pourcentage des dépenses publiques à des achats de biens et services proposés par des entreprises dirigées par des jeunes et des femmes (A. MAUS et S. SAMMUT, 2017, p 15 ; K. MESSEGHEM et al 2020, p 5). Dans cette perspective, de nombreux efforts sont fait au Bénin mais ils restent toujours insuffisants parce que les reformes entreprises ont considéré les entreprises comme un groupe homogène.

Conclusion

A l’issue de cette recherche dont l’objectif est d’analyser les quantités et types de main d’œuvre utilisés par les entreprises agricoles crées par les jeunes dans le Département de l’Atlantique, il ressort que : les entreprises crées ont pour activité la transformation des produits agricoles, la production maraîchère et céréalière, la production halieutique et l’élevage. La majorité de ces entreprises est détenue à 80,83 % par les hommes avec des niveaux d’instructions très variés. Elles exploitent pour la production, de faibles superficies avec des outils aratoires qui limitent leurs capacités.  Malgré ces insuffisances, elles utilisent en moyenne 2 à 5 personnes pour leur fonctionnement suivant deux types de main d’œuvre selon le genre. Il s’agit de la main d’œuvre permanente et celle occasionnelle. Si l’Etat malgré la désorganisation du secteur veut toujours investir pour la promotion des entreprises agricoles à travers les multiples initiatives de projet et reformes, c’est parce qu’en dehors de toute théorie, le secteur agricole est vraiment capable de résorber la situation de chômage des jeunes.

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Auteurs

1Laboratoire d’Etudes des Dynamiques Urbaines et Régionales (IGATE/UAC), mamcoudous@yahoo.com

2Faculté des Sciences Economiques et de Gestion (FASEG/UAC), felchabiaou@gmail.com

3Laboratoire des Sciences du Sol de la Faculté des Sciences Agronomiques de l’Université d’Abomey-Calavi

4Institut National des Recherches Agricoles du Bénin (INRAB)

5Institut National des Recherches Agricoles du Bénin (INRAB), mamvincent@coraf.org

6Institut de Géographie et Aménagement du Territoire, Laboratoire d’Etudes des Dynamiques Urbaines et Régionales (IGATE/LEDURE/UAC), tousvigni@yahoo.fr

7Institut de Géographie et Aménagement du Territoire/Laboratoire de Géographie Rurale et d’Expertise Agricole Université d’Abomey-Calavi (IGATE/LaGREA/UAC)

 

Catégorie de publications

Date de parution
31 déc 2020