L’impact de la commercialisation des produits vivriers sur le développement de la ville de Bonon

Résumé

Bonon fait partie des villes ivoiriennes réputées dans la vente des produits vivriers. Ce commerce participe du dynamisme économique de la ville. Cependant, le manque de points de vente appropriés emmène les commerçants à occuper le trottoir de la voie principale A6 et les rues adjacentes, en les salissant, dégradant ainsi l’image moderniste de la ville. De ce fait, la commercialisation des produits vivriers est une préoccupation majeure à Bonon. La présente étude vise à évaluer l’impact de la commercialisation des produits vivriers sur le développement de la ville de Bonon.

La méthode de collecte des données repose sur la recherche documentaire, les entretiens avec les gestionnaires de la ville (Maire, Directeur départemental de la construction et de l’urbanisme), l’enquête par questionnaire et l’observation directe.

Outre les revenus qu’elle procure aux acteurs de la filière (cultivateurs, commerçants,  transporteurs et transformateurs), la commercialisation des produits vivriers contribue à la création d’emplois et aux recettes municipales. Les mauvaises conditions de conservation entrainent un niveau de perte élevé des produits vivriers périssables. Insuffisamment collectés, les déchets enlaidissent le paysage urbain.

Abstract

Bonon, is one of the Ivorian towns renowned for the sale of food product. This trade contributes to the economic dynamism of the city. However, the lack of points of sale leads traders to occupy the sidewalk of the A 6 main road and the streets, dirtying them, thus degrading the modernist image of the city. Therefore, the marketing of food products is a major concern in Bonon. This study aims to assess the impact of the marketing of food products on the development of the town of Bonon.

The data collection method is based on documentary research, interviews with city managers (Mayor, Departmental Director of Construction and Town Planning), questionnaire survey and field observation.

In addition to the income it provides to actors in the sector (farmers, traders, transporters and processors), the marketing of food products contributes to job creation and municipal revenues. Poor storage conditions result in a high level of loss of perishable food products. Insufficiently collected, waste makes the urban landscape ugly.

Introduction

La commercialisation des produits vivriers permet de réaliser le transfert des produits vivriers, du lieu de production au lieu de consommation. Elle fait intervenir une série d’activités déployées autour du produit, de sa production à son acquisition par un consommateur. Ces activités interconnectées impliquent la planification de la production, la culture et la récolte, le tri, le conditionnement, le transport, le stockage, la distribution et la vente.

La commercialisation des produits vivriers est un maillon essentiel du développement économique de la Côte d’Ivoire. Elle participe à la création d’emplois et à l’amélioration des conditions de vie des populations, celle des acteurs (cultivateurs, transporteurs, commerçants, transformateurs) en premier. Les villes situées dans les zones de fortes productions agricoles sont réputées dans la commercialisation des produits vivriers. Le dynamisme socio-économique de la ville de Bonon relève de cela.

A Bonon, le manque de points de vente appropriés emmène les vendeurs à occuper le trottoir  de la voie principale A6 et les rues. Les flux d’approvisionnement, les stationnements désordonnés des véhicules et des motos à trois roues servant à transporter la marchandise et les opérations de déchargement occasionnent des problèmes de circulation et d’encombrement, notamment sur la voie principale A 6, autour des sites de déchargement et sur les voies qui longent les points de vente situés dans les quartiers Brozra, Fréfrédou Sud et Séhizra. Outre l’absence d’équipements de stockage, il est constaté des mauvaises conditions de conservation des produits vivriers commercialisés. D’où le niveau de perte élevé des produits périssables. Insuffisamment collectés, les déchets et les ordures enlaidissent le paysage urbain.

De ces constats, découle la question suivante : quel est l’impact de la commercialisation des produits vivriers sur le développement de Bonon ?

La présente étude vise à évaluer l’impact socio-économique et spatio-environnemental de la commercialisation des produits vivriers sur le développement de la ville de Bonon.

2. Méthodologie

2.1. Le cadre géographique de l’étude

Située au Centre-ouest de la Côte d’Ivoire, dans le département de Bouaflé, aux latitudes  6°55’09’’ Nord et 6°02’49’’ Ouest, la ville de Bonon est distante de 85 km de la capitale politique Yamoussoukro et de 324 km d’Abidjan, la capitale économique du pays. La Sous-préfecture dont Bonon est le chef-lieu est limitée au Nord-Ouest par la Sous-préfecture de Bédiala, au Nord-Est par la Sous-préfecture de Bouaflé, à l’Ouest par la Sous-préfecture de Gonaté et au Sud-Ouest par la Sous-préfecture de Gadouan. La ville couvre une superficie de 520 km² avec une population de 112620 d’habitants en 2014 (RGPH, 2014).

Située à la lisière de la forêt classée de TOS et du parc national de la Marahoué, Bonon se trouve dans une zone forestière favorable à la production agricole. Le climat et la pluviométrie s’y prêtent également. De ce  fait, le département de Bonon a accueilli d’importantes populations étrangères à la région ; lesquelles n’ont pas hésité à mettre en valeur les vastes portions de terre acquises. Les cultures d’exportation (cacao, café) et les cultures vivrières (banane plantain, aubergine, tomates, etc.) sont produites en quantité importantes dans la Sous-préfecture de Bonon. Le dynamisme économique de la ville de Bonon, chef-lieu de la Sous-préfecture du même nom, relève de cela.

L’approvisionnement de la ville de Bonon en produits vivriers pour la vente locale,  l’acheminement vers Abidjan, vers d’autres localités du pays et vers les  pays voisins (Burkina Faso, Guinée Conakry, Mali,) se fait à partir de la gare de Brozra, du marché central situé à Séhizra et du marché de Fréfrédou Sud. Les flux d’approvisionnement, les stationnements désordonnés des véhicules et des tricycles servant à transporter la marchandise, et les opérations de déchargement et de chargement occasionnent des problèmes de circulation et d’encombrement sur la voie principale A 6, autour des sites de déchargement et sur les voies qui longent les points de vente. Du fait de l’intensité de la commercialisation sur les sites de déchargement et sur les points de vente, les résidus et autres déchets y abondent. D’où le choix de la gare de Brozra, du marché central et du marché de Fréfrédou Sud dans le cadre de la présente étude (figure 1).

Fig9_1.png

1.2. La méthode de collecte des données

La collecte des données repose sur la recherche documentaire, les entretiens, l’enquête par questionnaire et l’observation directe. La recherche documentaire a permis de faire la  synthèse de la littérature consacrée à l’occupation du sol urbain, à la commercialisation des produits agricoles et au développement urbain. Les écrits  consultés ont permis d’apprécier l’impact de la commercialisation des produits vivriers sur le développement de la ville de Bonon.

La recherche documentaire a été enrichie par des entretiens avec le chef du service technique de la Maire, le Directeur départemental de la construction et de l’urbanisme, le président de la Coopérative Agricole des Frères Unis de Bonon (CAFUB) et le président du syndicat des transporteurs. Les entretiens avec le chef du service technique de la Mairie d’une part, et le Directeur départemental de la construction et de l’urbanisme d’autre part, ont permis d’apprécier la dynamique d’occupation de l’espace urbain par les points de commerce. Avec le Président de la coopérative agricole CAFUB, il a été question du mode d’occupation des points de vente, de la conservation des produits vivriers commercialisés et de la collecte des ordures.

L’enquête par questionnaire a été menée auprès des commerçants et auprès des transporteurs, notamment les conducteurs de taxis motos, de tricycles et de véhicules de transport de marchandises pour connaitre leur profil socio-économique et démographique, le circuit de commercialisation et les difficultés qu’ils rencontrent. En l’absence de données sur le nombre d’acteurs, un questionnaire a été administré à 100 personnes choisies au hasard dont 40 vendeurs de produits vivriers (20 sur le marché de Fréfrédou Sud et 20 sur le marché de Séhizra), 20 conducteurs de taxis motos à deux roues, 20 conducteurs de tricycles et 20 conducteurs de véhicules de transport de marchandises en tenant compte des circuits de commercialisation empruntés et des points de déchargement.

Les observations de terrain traduites par la visite des points de vente de Brozra, Fréfrédou Sud et Séhizra ont permis de connaître les types de produits vivriers commercialisés, les zones d’approvisionnement, les moyens de transport utilisés et les points de vente au détail.

Les informations recueillies sont synthétisées dans des tableaux et figures.

2. Résultats et discussion

Les résultats sont présentés successivement à travers la commercialisation des produits vivriers à Bonon, l’impact socio-économique et spatio- environnemental de la commercialisation des produits vivriers sur le développement de la ville de Bonon.

2.1. La commercialisation des produits vivriers à Bonon

La commercialisation des produits vivriers permet de réaliser le transfert des produits vivriers, du lieu de production au lieu de consommation. A Bonon, les produits vivriers commercialisés sont divers et variés. Cette partie de l’étude est consacrée à la typologie des produits vivriers commercialisés, aux points de vente et aux circuits de commercialisation.

2.1.1. Typologie des produits vivriers commercialisés à Bonon

Dès son accession à l’indépendance, la Côte d’Ivoire a choisi  l’agriculture comme pilier de son développement économique. Le slogan du premier Président de la république, feu Felix Houphouët Boigny, selon lequel « la terre appartient à celui qui la met en valeur » a encouragé la course à la terre. Les premiers exploitants ont fait venir à leur suite leurs frères et autres originaires de leurs régions. Du fait de la végétation et du sol qui sont favorables à la production agricole, le département de Bonon a accueilli d’importantes populations étrangères à la région ; lesquelles n’ont pas hésité à mettre en valeur les vastes portions de terre acquises pour la culture des produits d’exportation (cacao, café) et des produits vivriers. Destinés à la consommation, les produits vivriers sont de plus en plus commercialisés.

2.1.1.1. Types de produits vivriers commercialisés à la gare de Brozra

Située au centre de la ville, près de la station de vente d’essence et de gasoil, la gare de Brozra est un point de déchargement et de stockage, à ciel ouvert, des produits vivriers en provenance de l’arrière-pays, notamment les campements et les villages environnants. Du fait de sa spécialité dans le commerce de la banane plantain, elle est aussi appelée « gare de banane ». C’est en ce lieu qu’est organisé le transfert en direction d’Abidjan, la capitale économique, des autres villes du pays (Daloa, Bouaflé, Yamoussoukro, etc.) et des pays voisins, notamment le Burkina Faso, la Guinée Conakry, le Mali.

Les photos 1, 2 et 3 présentent des points de déchargement, de stockage et de chargement de la banane plantain pour la vente à Abidjan et dans la sous-région.

Fig9_2.png

L’enquête menée auprès des transporteurs et des commerçants révèle que pendant les périodes de forte production vivrière (septembre à janvier), en moyenne, 100 tonnes de banane plantain sont convoyées par jour par les trois camions-remorque programmés pour le jour, en direction du Mali ou du Burkina Faso, en fonction des besoins de la clientèle.

2.1.1.2. Types de produits vivriers commercialisés sur les marchés de Séhizra et de Frefredou

La localisation des marchés de Séhizra et de Fréfrédou au centre de la ville et en bordure de la route principale A 6 facilite les échanges.

Sur le marché de Sehizra qui est le marché principal de la ville, une diversité de produits vivriers tels que les féculents (la banane plantain, l’igname, le manioc, le taro, etc.), les céréales (le riz, le mil, le sorgho, le maïs), les oléagineux (graine de palme, arachide, pistache, etc.), les légumes (tomate, piment, salade, aubergine, chou, concombre, courgette, gingembre), les fruits (orange, ananas, mangues), etc. y est vendue (photo 4).

Fig9_3.png

La photo 4 montre que, sur le marché de Séhizra, le commerce du vivrier est prioritairement l’affaire des femmes, grossistes, demi-grossistes et détaillantes. Elle montre également  l’hétérogénéité des produits vivriers qui y sont vendus et le dynamisme commercial de ce point de vente. En effet, le marché de Séhizra constitue un lieu d’approvisionnement pour les commerçants demi-grossistes et détaillants. Ce marché central est le lieu de vente, en gros et en détail, des produits vivriers provenant des campements et des villages environnants. Du fait de son dynamisme, le marché de Séhizra semble exigu. En attendant un éventuel recasement, les vendeurs qui viennent des campagnes pour le marché hebdomadaire commercent à même le sol, exposés à la pluie et aux rayons solaires.

Situé entre le quartier résidentiel Belleville et Sehizra, le marché de Frefredou se tient l’après-midi. Sur ce point de commerce, les vendeurs s’installent dans les rues d’accès au marché et sur le trottoir qui le borde. Le marché de Fréfrédou a la particularité de la vente, au détail, des produits vivriers destinés à la consommation directe dans les ménages : les ménages s’y approvisionnent pour la confection du repas du soir (photo 5).

Fig9_4.png

Le marché de Fréfrédou est animé principalement par les détaillants. Sur 20 vendeurs interrogés, 04, représentant 20% du total s’approvisionnent dans les campements et villages environnants contre 80% qui s’approvisionnent en ville, à la gare de Brozra et sur le marché de Séhizra où se trouvent des grossistes. Entre autres produits vivriers qui y sont vendus au détail, il y a la banane plantain, l’igname, le manioc, le taro, le riz, le mil, le sorgho, le maïs, les graines de palme, l’arachide, la pistache, la tomate, les piments, la salade, l’aubergine, les choux, les concombres, les courgettes, le gingembre, etc. La banane plantain, par exemple, y est vendue par tas de 3, 4 ou 6 en raison de 100 F, 200 F ou 300 F le tas (photo 5). Les principaux acheteurs sont les ménages environnants. Le marché de Fréfrédou profite aux consommateurs qui n’ont pas pu se rendre au marché de Séhizra dans la matinée.

Au total, les produits vivriers font l’objet d’une consommation de masse confirmant R. Patrice (1981, p. 69) : « Les produits vivriers : igname, banane plantain,  riz, maïs, manioc, arachide, mil, sorgho etc. font l’objet d'une consommation de masse ».

2.1.2. Les circuits de commercialisation des produits vivriers

Par circuit de commercialisation des produits vivriers, nous entendons l’ensemble des chemins ou canaux parcourus par les produits vivriers du lieu de production ou d’approvisionnement au consommateur. Il fait intervenir des intermédiaires bien souvent. On distingue le circuit direct et le circuit indirect confirmant R. Patrice (1981, p. 69) : « Du fait de l’approvisionnement difficile des populations en produits alimentaires, les sources d'approvisionnement et de vente se diversifient, et la longueur des circuits de collecte et de redistribution s’accroit ». La figure 3 présente les circuits de commercialisation des produits vivriers à Bonon.

Fig9_5.png

L’analyse de la figure 3 révèle trois circuits de commercialisation des produits vivriers à Bonon : le circuit direct, le circuit indirect court et le circuit indirect long.

Le circuit de commercialisation est qualifié de direct lorsque le transfert se fait directement entre le producteur et le consommateur. La vente directe présente l’avantage de n’impliquer aucun intermédiaire entre le producteur et le consommateur. Elle a lieu sur le lieu de production ou sur le marché local (marché de Séhizra ou de Fréfrédou) ou dans les ménages. La vente directe se fait soit par le producteur lui-même soit par un membre de la famille mandaté à cet effet (figures 3). De ce fait, le prix d’achat du produit est minimisé et le bénéfice conséquent.

Le circuit de commercialisation est indirect lorsqu’interviennent des intermédiaires. On distingue le circuit indirect court et le circuit indirect long.

Dans le circuit indirect court, le détaillant est le seul intermédiaire entre le producteur et le consommateur. Après l’achat au producteur, le commerçant-détaillant assure la vente au détail sur le marché local, précisément sur les marchés de Fréfrédou et de Séhizra et à la gare routière de la compagnie de transport interurbain UTB. 

Lorsqu’interviennent deux ou plusieurs intermédiaires entre le producteur et le consommateur final, on parle de circuit indirect long. Le circuit indirect long intègre plusieurs acteurs dont les grossistes, les demi-grossistes, les détaillants isolés, les coopératives d’achat en commun, les détaillants associés et les consommateurs. Intermédiaires entre les producteurs et les demi-grossistes, les grossistes collectent les produits vivriers avec les producteurs pour la vente en gros à Abidjan et dans la sous-région (Burkina Faso, Guinée Conakry, Mali) et en demi-gros à la gare de Brozra et sur le marché de Séhizra. Les demi-grossistes ravitaillent les commerçants-détaillants qui se chargent de la vente au détail sur les marchés de Fréfrédou et Séhizra, souvent  dans les ménages. Les coopératives d’achat en commun regroupent des commerçants qui s’associent pour louer des camions et autres véhicules de transport de marchandises ou des tricycles pour l’approvisionnement dans les campagnes ou la vente en gros à Abidjan et dans la sous-région. Le circuit indirect long comprend le circuit long traditionnel, le circuit long contractuel et le circuit long intégré (figure 4).

Fig9_6.png

Le circuit long traditionnel fait intervenir plusieurs intermédiaires entre le producteur et le consommateur à savoir les grossistes, les demi-grossistes et les détaillants. . Les commerçants-détaillants s’approvisionnent auprès des demi-grossistes pour la vente au détail sur les marchés de Fréfrédou et Séhizra. Dans le circuit long intégré, les grossistes, les demi-grossistes et les détaillants sont intégrés dans le même espace de vente. A Bonon, les espaces de vente communs sont  le marché central de Séhizra et le marché de Fréfrédou. Le circuit long contractuel regroupe quant à lui des commerçants qui s’associent pour commercialiser les produits vivriers. Outre la vente en gros à Abidjan et dans la sous-région, la coopérative d’achat dispose de détaillants associés à qui elle livre une partie du vivrier acheté dans les campagnes pour la vente au détail sur le marché local, facilitant ainsi l’écoulement des produits (planche 2).

Fig9_7.png

Le commerçant, grossiste ou détaillant, permet aux consommateurs de toute catégorie socio-professionnelle d’avoir accès au produit vivrier désiré.

2.2. L’impact socio-économique de la commercialisation des produits vivriers sur le développement de Bonon

2.2.1. Contribution à la création d’emploi

La commercialisation des produits vivriers à Bonon contribue à la création d’emplois directs et indirects. En effet, outre les commerçants, des transporteurs interviennent dans la filière (photos 8, 9, 10 et 11).

Fig9_8.png

En fonction de la distance, de l’état de la route et de la quantité de la marchandise à transporter, les commerçants utilisent les moyens de transport motorisés que sont les camions à grand gabarit, les motos à deux roues et les tricycles quand quelques producteurs préfèrent la marche avec portage sur la tête et à dos pour faire acheminer leurs productions sur le lieu de vente au détail.

Les Kiamastors (photo 8) transportent les produits vivriers des lieux de production aux lieux de vente (Brozra, Séhizra, Fréfrédou) pour le ravitaillement du marché local tandis que les remorques (photo 9) sont utilisées pour ravitailler Abidjan et la sous-région (le Burkina Faso, le Mali et la Guinée Conakry). Les camions Kiamastor transportent entre 5 tonnes et 10 tonnes de marchandises, et les  remorques au-delà de 10 tonnes.

Lorsque la voie d’accès au lieu de production est dans un état défectueux ou lorsque le lieu de production est inaccessible aux véhicules, les commerçants utilisent les motos à deux roues et les tricycles (photos 10 et 11) pour faire acheminer leurs marchandises aux lieux de vente ou sur un site facile d’accès aux gros porteurs qui prennent le relais.

Fig9_9.png

Dans les zones enclavées où il n’existe que des pistes, ce sont les motos à deux roues qui peuvent accéder aux lieux de production. L’irruption des motos taxis dans la filière relève de cela. A la différence des carmions à grand gabarit, la charge utile des motos taxis n’excède pas 300 kilogrammes de marchandises quand celle des tricycles n’excède pas 1000 kg ou une tonne.

L. WILHELM (1997, p. 8) explique que dans toutes les villes africaines, se sont développé des modes spécifiques de transport qui jouent un rôle fondamental dans la redistribution des produits alimentaires inter marché et dans l’approvisionnement de tout le secteur informel marchand. Ces modes de transport non mécanisés (charrettes et poussepousses) ou mécanisés (camions et taxis voitures) offrent un service adapté aux volumes traités et aux capacités financières réduites des différents intervenants, grossistes comme détaillants.

Evaluant l’impact du phénomène de taxi-moto sur l’organisation fonctionnelle des taxi-villes ou taxi voitures à Korhogo, ville du Nord de la Côte d’Ivoire, M. R. DINDJI et al. (2016, p. 191) arrivent à la conclusion que profitant de l’interdiction temporaire des taxi-villes dès le déclenchement de la crise politico-militaire du 19 septembre 2002, ces engins à deux roues ont su se faire une place dans le transport collectif à Korhogo, obligeant ainsi les taxis villes, auparavant seule offre de mobilité urbaine, à trouver des stratégies de « reconquête ».

C. KALIEU (2016, p. 348) révèle les avantages des mototaxis qui sont entre autres le gain de temps, les revenus générés par l’activité, l’accessibilité facile des zones enclavées.

Les conducteurs de camions, de tricycles et de motos taxis sont aidés au quotidien par des apprentis ou des contractuels payés à la tâche. En outre, l’utilisation des véhicules, des motos taxis et des tricycles pour le transport des produits vivriers des lieux de production aux lieux de vente fait intervenir des mécaniciens qui s’occupent de la réparation de ces moyens de transport, en cas de panne.

Le tableau 3 présente la répartition des acteurs intervenants dans la commercialisation des produits vivriers à Bonon.

Fig9_10.png

L’analyse du tableau révèle que la commercialisation des produits vivriers contribue à la création d’emploi, prioritairement pour les transporteurs. Sur 130 acteurs dénombrés sur l’ensemble des trois sites d’enquêtes (Brozra, Séhizra et Fréfrédou), les transporteurs représentent 60.77% du total dont 30% la part des conducteurs de camions, 18.46% la part des conducteurs de moto taxis et 12.31% celle des conducteurs de tricycles.

Les mécaniciens représentent 15.38% des acteurs recensés. En effet, pour rentabiliser leurs affaires, les mécaniciens et autres réparateurs d’engins de transport de marchandises préfèrent s’installer autour des points de vente où le trafic est intense et les sollicitations nombreuses. Les réparateurs de camions sont installés autour du site de déchargement et de chargement de vivriers de Brozra quand les réparateurs de motos sont en grand nombre à Fréfrédou.  

Les conducteurs de camions et  de tricycles se font aider au quotidien par des apprentis qui s’occupent du chargement et du déchargement. Un camion mis en circulation utilise 04 apprentis contre 01 apprenti par tricycle. Employés généralement pour le jour, les apprentis sont sollicités autant de fois que de besoin. Au nombre de 80 sur 174 apprentis dénombrés, les apprentis-mécaniciens représentent 45.97% du total contre 44.83% le taux d’apprentis dans le transport par camions et 09.20% dans le transport par tricycle. Les commerçants n’ont pas d’apprentis. Au moment du chargement ou du déchargement, ils se font aider par les personnes qui s’y trouvent contre paiement de montants forfaitaires équivalent au montant de la ration journalière, allant de 200 F à 1.000 F CFA par personne sollicitée, en fonction de la quantité de la marchandise à charger ou à décharger. Il en est de même des conducteurs de moto taxis. Si le commerçant-grossiste ou demi-grossiste peut se faire aider par 03 ou 04 personnes pour le jour, une seule personne suffit à aider le conducteur de moto taxi à charger ou décharger la marchandise (photo 9). Quand cela s’impose, le conducteur de la moto taxi intéresse la personne sollicitée à hauteur de 200 FCFA à 500 FCFA. 

Certes le transport de marchandises par camions, motos taxis et tricycles créé de l’emploi. Mais, le conducteur n’est pas embauché. De ce fait, les conducteurs des engins de transport de marchandises exercent dans la précarité. Ils peuvent être remplacés à tout moment. Lorsque le conducteur-titulaire est malade, le propriétaire confie l’engin à un autre conducteur, sans garanti de reprise après guérison. En cas de maladie ou d’accident de la circulation, le conducteur se soigne à ses frais. K.E. YAO (2017, p. 158) fait le même constat dans son étude sur le profil socio-démographique des animateurs du transport artisanal lagunaire par pinasses et par pirogues à Abidjan où il note l’inexistence de l’embauche dans le secteur.

2.2.3. L’accroissement des revenus des populations

La vente des produits vivriers est une source de revenus pour la population. Commerçants, transporteurs et réparateurs d’engins de transport de marchandises s’en tirent à bons comptes (tableau 4).

Fig9_11.png

L’analyse du tableau 4 révèle que la commercialisation des produits vivriers permet aux  grossistes et aux demi-grossistes de réaliser des bénéfices conséquents. Quel que soit le type de produit vivrier commercialisé, l’enquête menée auprès des commerçants révèle que pendant les périodes de fortes productions vivrières (août à janvier), le grossiste réalise en moyenne 100.000 FCFA (cent mille francs CFA) de bénéficie à l’issue de chaque vente contre 50.000 FCFA (cinquante mille francs CFA) pour le demi-grossiste à qui il livre la marchandise pour la vente aux détaillants. Sur la base de deux ventes par semaine, ce sont 200.000 FCFA de bénéfice que réalise le commerçant grossiste par semaine, soit 800.000 FCFA par mois, contre 400.000 FCFA par mois pour le demi-grossiste.

L’enquête de terrain révèle que les commerçants détaillants peuvent avoir un bénéfice journalier allant de 5.000 FCFA à 10.000 FCFA, en fonction de l’affluence de la clientèle, soit 150.000 FCFA à 300.000 F par mois pour ceux qui vendent tous les jours.

Le commerce du vivrier profite également aux transporteurs. En effet, les transporteurs mettent leurs engins (véhicules, motos, tricycles) en location ou les font conduire par des personnes qu’ils emploient à défaut de les conduire eux-mêmes. A l’issue du contrat ou après livraison, hormis le montant réservé pour l’achat du carburant (essence ou gasoil), les transporteurs réalisent  des bénéfices substantiels allant de 50.000 FCFA pour les camions à 20.000 FCFA pour les tricycles ou 10.000 FCFA pour les motos taxis.

Sur la base de deux chargements par semaine, les transporteurs qui conduisent eux-mêmes leurs camions mises en circulation réalisent un bénéfice moyen mensuel de 400.000 FCFA après déduction des frais de réparation de l’engin et autres charges annexes (achat du carburant, taxe forfaitaire de la Mairie).

Les motos taxis et les tricycles transportent quotidiennement les produits vivriers soit pour les rassembler sur les sites d’accès aux camions à grand gabarit soit pour les convoyer à la gare de Brozra ou sur les marchés de Fréfrédou et de Séhizra. Sur cette base, le bénéfice hebdomadaire du propriétaire conducteur de tricycle s’élève en moyenne à 140.000 FCFA, soit 560.000 FCFA en moyenne par mois, contre 280.000 FCFA par mois le bénéfice que réalise le propriétaire de moto taxi, déduction faite des charges annexes (frais de réparation de l’engin, achat du carburant, taxe forfaitaire de la Mairie, frais payés aux postes de police et de gendarmerie, etc.).

En effet, le sac de 100 kg chargé de banane plantain est transporté à 1000 F CFA. Le même sac chargé de pâte pressée servant à la confection du placali est transporté à 1500 F quand le sac de 50 kg est transporté à 500 F. Les taxi-moto peuvent transporter 4 à 5 sacs de 100 kg par chargement et les tricycles entre 10 et 15 sacs, soit respectivement 500 kg et 1.5 tonne par chargement. Par jour, les motos taxis parcourent 3 à 4 fois le trajet qui relie le lieu de production et les points de vente de Brozra, Fréfrédou et Séhizra quand deux voyages suffisent au tricycle pour transporter 2 à 3 tonnes de marchandises.

Les conducteurs de camions et de tricycles se font aider au quotidien par des apprentis ou des contractuels payés à la tâche, à raison de 5.000 FCFA le montant de l’intéressement journalier des apprentis des conducteurs de camions-remorques et 2.000 FCFA celui des apprentis des conducteurs de tricycles. En moyenne, ce sont 40.000 FCFA que le conducteur de camion reverse mensuellement à son apprenti lorsque celui-ci travaille en continu contre 56.000 FCFA le gain mensuel de l’apprenti contractuel du conducteur de tricycle. Ces journaliers perçoivent également des montants forfaitaires de la part des commerçants au titre de leurs  marchandises qu’ils chargent ou déchargent. Tout comme les commerçants, les conducteurs de motos taxis n’ont pas d’apprentis. Si les commerçants ont à leur disposition les apprentis contractuels des conducteurs, les conducteurs de moto à deux roues se font aider sur le site de chargement ou de déchargement par les propriétaires des marchandises ou des personnes disponibles.

L’analyse du tableau 4 révèle également que les mécaniciens réalisent des bénéfices journaliers non négligeables. Le bénéfice moyen journalier des réparateurs de camions et autres véhicules de transport de marchandises est de 15.000 FCFA, soit 420.000 FCFA par mois, contre 10.000 FCFA celui des réparateurs de motos ou 280.000 par mois. L’apprenti du réparateur de véhicule perçoit 1.000 FCA par jour, soit 30.000 par mois contre 500.000 FCFA par jour celui du réparateur de moto, hormis la ration journalière qui s’élève à 300 FCFA par apprenti.

Du fait de l’intensité du trafic par moto taxi et par tricycle, les points de vente de motos à deux roues et de tricycles se sont multipliés dans la ville. Les points de réparation de motos et de véhicules, les points de vente de pièces détachées et les services d’assurance motos et automobiles se sont également multipliés.

Au total, le commerce des produits vivriers procure des revenus à la population. Avec les bénéfices qu’ils réalisent, commerçants, conducteurs d’engins de transport et réparateurs peuvent faire face, en toute quiétude, à leurs besoins dont la scolarisation des enfants, la construction d’habitations personnelles, la prise en compte des soins de santé de la famille, répondre aux sollicitations, payer les cotisations au sein des associations d’originaires, etc. et épargner conséquemment en vue de l’autofinancement ou agrandir son chiffre d’affaires.               

2.2.3. Contribution aux recettes municipales

La commercialisation des produits vivriers contribue aux recettes municipales à travers le paiement de taxes à la Mairie (tableau 5).

Fig9_12.png

L’analyse du tableau révèle que les acteurs qui ont un point de vente ou de stationnement fixe paient des taxes forfaitaires journalières à la Mairie, allant de 100 F pour les motocyclistes à 200 F pour les grossistes, demi-grossistes, conducteurs de camions et mécaniciens. Les commerçants, grossistes et demi-grossistes, qui ont des magasins de stockage paient des patentes mensuelles allant de 3.000 FCFA à 5.000 FCFA en fonction de la superficie occupée. Par mois, c’est en moyenne 660.000 FCFA que les 130 acteurs dénombrés paient à la Mairie, soit 7.920.000 FCFA par an.

Les vendeurs détaillants contribuent également aux recettes municipales par le paiement de taxes forfaitaires à la Mairie. Chaque jour, les collecteurs de la Mairie leur distribuent des tickets contre paiement d’un montant forfaitaire de 100 F ou 200 F, en fonction de la quantité de marchandises exposée pour la vente et de la superficie occupée. Cependant, des commerçants, des conducteurs d’engins de transport de marchandises et des mécaniciens échappent aux collecteurs de la Mairie. Prétextant que ce n’est pas la Mairie qui leur a accordé l’autorisation de s’installer sur le site qu’ils occupent, ils préfèrent payer la taxe mensuelle qui leur est imposée par le propriétaire du magasin en face duquel ils sont installés ou le propriétaire du lot.  

2.2.4. Les points de vente : lieux de brassage, de rencontre et d’informations des populations

A Bonon, les points de vente des produits vivriers sont des lieux de brassage culturel, de rencontre et d’informations entre les autochtones Gouro, les allochtones et les allogènes. Le tableau 6 présente la répartition des acteurs par nationalité selon l’activité exercée. 

Fig9_13.png

L’analyse du tableau 6 révèle que les ivoiriens sont les acteurs majoritaires dans la commercialisation des produits vivriers à Bonon. Sur un total de 120 acteurs dénombrés, il y a 66 Ivoiriens représentant 50.77% du total. Suivent les Burkinabés (22.31%), les Maliens (20.77%), les Béninois (04.61%) et les Guinéens (01.54%).

En effet, en Côte d’Ivoire, le commerce du vivrier est le fait du peuple Gouro qui en a fait la promotion. Les marchés de vivriers d’Abidjan-Adjamé, Cocody-Riviera et bien d’autres portent leur marque. L’appellation « marché gouro » relève de cela. Or, les Gouros sont les peuples autochtones de Bonon. Combien à plus forte raison. On retrouve les ivoiriens en grand nombre également dans le transport motorisé à travers les motos taxis et les tricycles. Ces engins sont conduits par des jeunes déscolarisés, en attendant un lendemain meilleur. Les  Burkinabé et les Maliens qui s’y trouvent sont propriétaires des motos et des tricycles qu’ils conduisent. On les retrouve par contre en nombre important dans le transport de marchandises par camions, en direction du Burkina Faso, de la Guinée Conakry et du Mali.

Ivoiriens et peuples étrangers (Burkinabés, Béninois, Guinéens, Maliens, etc.) se rencontrent quotidiennement sur les points de vente pour commercer et échanger. De ces contacts réguliers, un réseau d’informations se créé. Ainsi, chaque acteur est renseigné à l’avance sur les zones de fortes productions du vivrier, le prix d’achat bord-champ et le prix de transport pratiqué. Les amitiés qui se tissent en ces lieux conduisent bien souvent à la fraternité qui impose assistance mutuelle en cas de joie (mariage, baptême) ou de malheur. 

2.2.5. Conducteurs et usagers exposés à des risques sécuritaires

La majorité des conducteurs de motos taxis et de tricycles ne dispose pas de permis de conduire ni d’autorisation pour exercer l’activité. Sur 40 conducteurs enquêtés dont 24 conducteurs de moto taxi et 16 conducteur de tricycle, seulement 9 ont un permis de conduire, soit  22.5% du total. Prétextant du coût élevé du permis de conduire, 77.5% des conducteurs ne disposent pas de ce document important qui les y autorise. Or, l’exercice du métier impose l’acquisition du permis de conduire de catégorie A. Les nombreux accidents dénombrés dans le secteur sont majoritairement dus à la non-maitrise du code de la route. C. KALIEU (2016, p. 348) énumère les difficultés et les risques sécuritaires liées à l’activité de ces mototaxis en affirmant que « les motos-taxis de ville exercent dans l’illégalité, sans permis, sans assurance, sans immatriculation et dans le mépris de la réglementation régissant cette activité. Les motos-taxis ne peuvent pas indemniser les victimes en cas d’accident, du fait de leur illégalité ». En général, les documents dont les conducteurs disposent sont les reçus d’achat et de dédouanement de la moto confirmant K. TANO (2018, p. 68) : « Les conducteurs n’ont pas les documents afférents (permis de conduire, visite technique, Côte d’Ivoire logistique, assurance moto) pour exercer pleinement leur activité hormis les papiers d’achat et de dédouanement de la moto ». 

De plus, le port de casque de protection est exigé mais, la quasi-totalité des conducteurs de motos taxis et de tricycles n’en portent pas. L’absence du permis de conduire et de casque de protection expose les conducteurs de motos taxis et de tricycles aux rackets. « Les forces de l’ordre nous rackettent trop. Par exemple, par jour, ce n’est pas moins de 2.000 FCFA que chaque conducteur de moto taxi ou de tricycle paie aux policiers ou aux gendarmes qui sont sur la ligne de desserte. Même si tous les documents sont au complet, d’autres chefs d’accusation, comme l’absence de rétroviseur par exemple, peut t’obliger à leur payer ce montant. Autant ne pas résister. En cas de refus de payer les 1 000 F CFA, le tricycle est amené à la fourrière où il faudra payer une amende de 10 000 F CFA », nous explique T.B., un conducteur de tricycle que nous avons interrogé à la gare de Séhizra.

Aussi, les conducteurs se livrent-ils à l’excès de vitesse, à des dépassements dangereux, sans oublier la surcharge afin de maximiser les gains. Les motos à deux roues ont une capacité de charge normale de 200 kg, mais à Bonon, elles peuvent transporter jusqu’à 500 kg de marchandises, au risque de leur vie (photo 9). 

Fig9_14.png

La surcharge expose le conducteur à des risques d’accident, avec ou sans excès de vitesse. Les accidents peuvent conduire bien souvent à de longs moments d’inactivité, et au pire des cas, à la paralysie ou à la mort. K. E. YAO (2017, p. 158) fait le même constat dans son étude sur le profil socio-démographique des animateurs du transport artisanal lagunaire par pinasses et par pirogues à Abidjan où les animateurs sont exposés à des risques sécuritaires.

2.3. L’impact spatio-environnemental de la commercialisation des produits vivriers sur le développement de Bonon

2.3.1. L’occupation désordonnée de l’espace urbain 

Les commerçants du vivrier, grossistes et détaillants, et les engins de transport de marchandises occupent l’espace urbain de façon désordonnée. Si les camions ont des lieux de stationnement fixes, il n’en est pas de même des motos taxis et des tricycles qui stationnent dans l’anarchie : sur les carrefours, en bordure de la voie principale A 6, devant les supermarchés et aux abords des marchés pour attendre d’éventuels clients (photos 12, 13 et 14).

Fig9_15.png

La présence remarquée des vendeurs ambulants sur les gares routières (photo 14) traduit leur impatience à réaliser des bénéfices à la va vite, au mépris de la santé des acheteurs. Pressés, les voyageurs ne se rendent compte, bien souvent, de la mauvaise  qualité des fruits qui leur sont vendus que longtemps après leur départ.

Fig9_16.png

L’installation des commerçants et des transporteurs du vivrier sur les trottoirs est une imprudence vu les risques d’accidents auxquels ils sont exposés. Malheureusement, à Bonon, les trottoirs  sont pris d’assaut par les commerçants, les mécaniciens, les conducteurs de motos taxis et de tricycles servant au transport des marchandises. Aussi, les engins de transport de marchandises sont-ils installés de façon désordonnée sur l’espace urbain (figure 2).

Fig9_17.png

Le tableau 7 présente la répartition des acteurs du vivrier selon les espaces occupés.

Fig9_18.png

Prétextant ne pas avoir de place sur le site du marché pour commercer, 60% des acteurs du vivrier s’établissent en bordure de route. Chaque vendredi, jour du marché hebdomadaire, les vendeuses venus des campements et villages environnants occupent le trottoir sous le regard complice de la police municipale et des « chasseurs de taxe » de la Maire. Elles  esquivent leurs marchandises pour permettre aux véhicules de circuler sur la voie principale. Or, la réglementation en vigueur en matière d’occupation de l’espace aux abords des voies est de deux mètres (2 m) à partir de la limite du trottoir (Service Technique Mairie, enquête 2019). A. KOUAME (2013, p. 149) explique que « les nombreuses activités commerciales qui se déroulent le long des artères et des trottoirs répondent à un souci de rentabilité ».

L. WILHELM (1997, p. 5-8) indique que la concentration des grossistes aux points de rupture de charge des grands axes routiers pénétrant dans la ville, aux abords et au sein  des marchés centraux, les flux d’approvisionnement et les stationnements de véhicules occasionnent des problèmes de circulation et d’encombrement de quartiers entiers.

Les trottoirs sont occupés par des étals, des hangars et des tables confirmant T. GOGBE et al. (2016, p. 105) qui indique que dans le souci de combler le vide, les populations s’adonnent à la pratique d’activités économiques informelles sur des espaces inappropriés. Les espaces publics disparaissent au profit des espaces marchands ou sont détournés de leur fonction initiale comme l’atteste N. F. BOUCHANINE (2002, p. 72) : « la disparition des espaces publics, leur privatisation, leur remplacement par des espaces marchands, touristiques ou de loisir, parfois dénoncés comme simulacres d'espaces publics ». 

L’installation désordonnée des commerçants et des engins de transport de marchandises sur l’espace urbain enlaidit l’image moderniste de la ville de Bonon.

2.3.2. Dégradation et enlaidissement du paysage urbain

La commercialisation des produits vivriers dégrade le paysage urbain de Bonon en l’enlaidissant. En effet, le vivrier (banane plantain, aubergines, fruits, etc.) non vendu est jeté ou entassé sur les points de vente. L’enquête menée auprès des commerçants et l’entretien avec le chef du service  technique de la Mairie révèlent l’inexistence de structure de collecte des ordures dans la ville. Aussi, le service  technique de la mairie ne dispose pas de site de déversement des déchets. Ce qui amène les commerçants à entasser les résidus sur les points de vente. Ces décharges à ciel ouvert qui sont des nids de mouches enlaidissent le paysage urbain.

L. WILHELM (1997, p. 5-8) explique que partout, les conditions de fonctionnements présentent des imperfections : absence ou insuffisance d’équipements de stockage, mauvaises conditions de conservation, manque de place pour le stationnement des véhicules. Il mentionne que les coûts qu’entraîne cette situation ne sont pas seulement environnementaux, mais principalement économiques. Pour tous les produits vivriers périssables, il en résulte un niveau de pertes élevé et de dégradation de l’environnement.

2.3.3. Commerçants, transporteurs et usagers exposés à des risques sanitaires

La pollution de l’environnement du fait des résidus qui pourrissent sur les points de vente expose la population à des risques sanitaires. Les déchets créent des problèmes environnementaux qui menacent la santé humaine et exposent la population à des maladies telles que le choléra, la fièvre typhoïde, le paludisme, les maladies respiratoire et cardiovasculaire confirmant A. D. ECHUI (2012, p. 74) : « les émissions des véhicules à moteurs constituent un risque pour la santé humaine en raison de la forte concentration de polluants nocifs dans l’air ».

J. C. BOCO (2015) fait remarquer que la pollution causée par ces engins affecte la santé publique au Benin. C’est pourquoi il invite les autorités administratives à prendre des mesures de sécurité pour le bien-être des populations : « Pour le gouvernement du Benin, réduire l’activité des Zemidjans ou encore imposer une technologie permettant d’émettre moins de gaz à effet de serre, c’est protéger la santé des populations » (J. C. BOCO, 2015, p. 77).

En effet, les gaz émis par les motos taxis représentent un réel danger pour la santé des populations : ces gaz sont responsables des maladies chroniques et des maladies respiratoires. Les véhicules, les tricycles et les motos-taxis utilisés pour transporter le vivrier polluent l’environnement urbain par les gaz d’échappement et les bruits qu’ils émettent. L’émission d’hydrocarbure et d’oxyde d’azote à travers la fumée qui se dégage entraine l’augmentation de la formation d’ozone stratosphérique. Les gaz d’échappement constituent des gaz à effet de serre qui sont à la base des variations climatiques observées à l’échelle de la planète et de nombreux problèmes de santé. Les gaz d’échappement contiennent des substances telles que l’azote, le dioxyde de carbone (CO2), l’hydrocarbure volatil (HC), le dioxyde de souffre (SO2) et le plomb (Pb) contenues dans les carburants et les lubrifiants utilisés pour faire fonctionner ces engins. Ces gaz agissent sur la santé de la population, les conducteurs et les usagers en premier, confirmant C. KALIEU (2016, p. 221) : « l’activité de moto taxi rend la santé des conducteurs vulnérable et précaire ». Les conducteurs de tricycles sont exposés directement à la pollution vu qu’ils exercent sans  cache-nez.

Aussi, les tricycles et les motos taxis soulèvent-ils la poussière vu qu’ils parcourent des voies non bitumées, généralement en terre argileuse. La situation est préoccupante pendant la saison sèche. L’inhalation de la poussière et des gaz d’échappement expose la population à des maladies respiratoires et cardiovasculaires.

Les moteurs de motos taxis et de tricycles émettent également des bruits assourdissants qui participent à la pollution sonore dans la ville. A long terme, ces bruits peuvent créer des troubles auditifs aux conducteurs qui sont les plus exposés.

Conclusion

La commercialisation des produits vivriers (féculents, céréales, oléagineux, légumes, fruits) se fait par la vente directe au consommateur ou à travers des intermédiaires. Les points de vente sont des lieux de brassage, de rencontre et d’informations des populations. Outre les revenus qu’elle procure aux acteurs de la filière (cultivateurs, transporteurs et commerçants), la commercialisation des produits vivriers contribue à la création d’emplois et aux recettes municipales. Cependant, les mauvaises conditions de conservation entrainent un niveau de perte élevé des produits vivriers périssables. Insuffisamment collectés, les déchets et les résidus de tout genre jetés par les commerçants enlaidissent le paysage urbain. Aussi, les véhicules, les tricycles et les motos-taxis utilisés pour transporter le vivrier polluent-ils l’environnement urbain par les gaz d’échappement et les bruits assourdissants qu’ils émettent.

Références bibliographiques

BOUCHANINE-Navez Françoise, 2002, « La fragmentation en question : des villes entre fragmentation spatiale et fragmentation sociale ? », Paris, L’Harmattan, 412 p.

BOCO Jean Clotaire, 2015, « Incitative de l’agence béninoise de l’environnement sur les taxis motos à Cotonou : analyse et possibilités d’une redéfinition de la communication pour le développement durable », Université de Québec à Montréal p. 619

DINDJI Médé Roger, Diabagaté Abou, Houenenou Kouadio Dénis, Brou Emile Koffi, 2016, « Émergence de Taxi-Motos et Recomposition Spatio-Economique à Korhogo : Les Taxi-Villes Entre Stratégies D’adaptation Et Désespoir », Europan Scientific Journal, December 2016, edition vol.12, No.35 ISSN: 1857 – 7881 (Print) e - ISSN 1857- 7431, p. 190-208.

ECHUI Aka Désiré, 2012, « Le transport urbain à Abidjan face aux défit du développement durable », Revue de Géographie Tropicale et d’Environnement, n°2, 2012, pp 63-78.

GOGBE Téré, DIHOUEGBEU Déagai Parfaite, TOURE Mamoutou, 2016, « Activités économiques et désordre urbain à Akeikoi », in Regardsuds, IGT, Abidjan, 35 p.

KALIEU Christian, 2016, « Surgissement, prolifération et intégration des motos taxis dans les villes camerounaises : les exemples de Douala et Bafoussam », Université de Bretagne Occidental, urbanisme-aménagement du territoire, sciences humaines et sociales p. 507

KOUAME Armand, 2013, Commerce informel et gestion de l’environnement à Yopougon, Thèse de Doctorat, Abidjan, Université Felix Houphouët Boigny, IGT, 339 p.

Richard Patrice : Octobre (1981), « La commercialisation devant le problème vivrier en côte d'ivoire : éléments d’analyse et de réflexion à partir des produits du nord », Abidjan,  ORSTOM, petit – bassam, 335 p (p. 69).

TANO Kouamé, 2018, « Les taxis-motos et les tricycles, vecteurs d’innovation dans le transport dans les localités rurales de la Sous-préfecture de Grégbeu (Centre-Ouest de la Côte d’Ivoire) », Revue ivoirienne des sciences historiques, n°004 Décembre 2018, ISSN 2520-9310

YAO Kouassi Ernest, 2017, « Le profil socio-démographique des animateurs du transport lagunaire par pinasses et par pirogues à Abidjan (Côte d’Ivoire) », Revue Ivoirienne des Sciences Historiques, N°2, décembre 2017, ISSN 2520-931, pp.145-162.

WILHELM Laurence, 1997, « L’approvisionnement et la distribution alimentaires des villes de l’Afrique francophone », Revue et Collection « Aliments dans les villes », Service de la commercialisation et des financements ruraux (AGSM), pp. 5-8.

 

 

 

Auteur

1Maître-Assistant (CAMES), Université Jean Lorougnon Guédé de Daloa, Laboratoire Ville, Société et Territoire (Côte d’Ivoire), ernestkoissy@gmail.com

Catégorie de publications

Date de parution
31 déc 2020