Analyse de la dynamique spatio-temporelle de l’occupation du sol en zone forestière est ivoirien : cas de la région du Moronou

Résumé

Cultures essentielles, ayant fait pendant longtemps la renommée du Moronou, le binôme café-cacao a radicalement transformé le paysage de la région. Le Moronou aujourd’hui, est composé d’un ensemble de sous-espaces qui s’emboitent et se définissent aussi bien par leur nature socio-économique que par leurs dimensions écologiques. La transformation du paysage du Moronou est le résultat de l’expansion de la culture du café et du cacao. La création des plantations de café et du cacao offre un paysage agraire dont l’analyse révèle un intérêt certain pour le Moronou. Qu’en est-il de la dynamique spatio-temporelle de l’occupation du sol dans cette région?

Notre démarche méthodologique a consisté à faire des enquêtes de terrain et à collecter des données statistiques et cartographiques. La disponibilité des données d’enquêtes, cartographiques et les images satellites a été nécessaire pour la réalisation de cette étude. Avec les données obtenues nous avons procédé à des traitements cartographiques et statistiques.

Les résultats montrent l’état de l’occupation du sol de la région du Moronou en 1988, 2002 et 2016. La dynamique spatio-temporelle indique que le paysage du Moronou a connu beaucoup de transformations de 1988 à 2016, avec une régression de l’espace naturel au profit de l’espace humanisé. On assiste aussi à une dégradation de la végétation, à la dégradation des sols, mais surtout au vieillissement des plantations.

Abstract

Essential crops, having made the reputation of Moronou for a long time, the coffee cocoa combination has radically transformed the landscape of the region. Moronou today is composed of a set of sub-spaces that fit together and are defined by their socio-economic nature as well as their ecological dimensions. The transformation of the Moronou landscape is the result of the expansion of coffee and cocoa cultivation. The creation of coffee and cocoa plantations offers an agrarian landscape whose analysis reveals a certain interest. What about the spatial-temporal dynamics of land use in this region?

Our methodological approach consisted in conducting field surveys and collecting statistical and cartographic data. The availability of survey, cartographic and satellite imagery data was required for this study. With the data obtained we have carried out cartographic and statistical treatmnts. The results show the state of land use in the Moronou region in 1988, 2002 and 2016. The spatiotemporal dynamics indicate the landscape of Moronou has undergone many transformations from 1988 to 2016, with a regression of natural space in favor of humanized space. Vegetation degradation, soil degradation and aging of plantations are also occurring.

Introduction

De nombreux problèmes environnementaux contrarient et menacent le développement des régions forestières comme celle de Moronou. Ces problèmes sont entre autres, la déforestation, les feux de brousse, la dégradation du sol. Parmi tous ces problèmes, la transformation quasi-totale du couvert forestier constitue la principale atteinte au milieu naturel de ces espaces depuis des décennies (Z. KOLI BI 2009; F. K. N’GUESSAN, 2020 ; D. KOFFI et al, 2016). Cette transformation spatio-temporelle du milieu naturel évolue à un rythme rapide (R. K. KOBENAN et F. N’GUESSAN, 2021, p. 263). Pour ces auteurs les espaces humanisés ont évolué et se sont accrus au dépend des espaces naturels. Dans le Moronou, la transformation du paysage est le résultat de l’expansion de la culture du café et du cacao. Cet état d’évolution de l’espace dans ladite région pose le problème de la dégradation de l’environnement et la perte de la biodiversité. Quelle est la dynamique spatio-temporelle de l’occupation du sol dans le Moronou 1988 à 2016 ?

Nous nous intéressons dans cette recherche à montrer la dynamique spatio-temporelle des milieux naturels face au développement de la culture du café et du cacao dans la région du Moronou. De façon spécifique, il s’agit d’abord d’analyser les types d’occupation du sol, ensuite d’en décrire la dynamique, enfin déterminer l’influence des activités agricoles (cultures du café et du cacao) sur les milieux naturels dans la région du Moronou.

1- Présentation de l’espace d’étude

La région du Moronou est composée des départements de Bongouanou, M’Batto et Arrah. Situés entre les méridiens 3° 40’ et 4° 43’ de longitude Ouest et entre les parallèles 6° 5’ et 6° 7 de latitudes Nord, ces trois départements sont composés de onze sous-préfectures, cinq communes et 118 villages. Ils couvrent une superficie de 6670 km2, soit 2 % du territoire national. La région du Moronou est limitée au Nord par les départements de Bocanda et Daoukro, à l'Est par le département d’Abengourou, au Sud par les départements de Tiassalé, Agboville et Adzopé, et à l'Ouest par les départements de Dimbrokro et Toumodi (figure 1).

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2- Données et méthodes

Trois séries de données ont été utilisées pour mettre en œuvre la présente étude. Il s’agit d’images satellitaires, de données cartographiques et de données de terrain. Les images ont été acquises à des dates différentes allant de 1988 (image TM), 2002 (image ETM+) à 2016 (image OLI). Notre zone d’étude (région de Moronou), se trouve à cheval entre les scènes 196/55 et 196/56. Ces images ont été téléchargées gratuitement sur le site http://glovis.usgs.gov/.

Les données cartographiques sont relatives aux cartes de localisation de l’espace d’étude. Elles ont été obtenues auprès du Bureau National d’Etudes et de Développement (BNETD)/Centre d’Information Géographique et du Numérique (CIGN). L’observation directe et les entretiens nous ont fournis les données nécessaires pour la réalisation de cette étude. Ensuite, nous avons procédé à des traitements cartographiques et statistiques. Ces traitements cartographiques nous ont permis de réaliser les différentes cartes d’occupation du sol en 1988, 2002 et 2016 de la région du Moronou. Les enquêtes de terrain se sont avérées nécessaires, afin de compléter les données fondamentales qui ne sont pas toujours disponibles dans la revue de littérature. Plusieurs techniques d’enquête ont été utilisées dans la collecte d’information sur le terrain. La couverture de toute l’étendue du territoire de l’étude est une épreuve de longue durée qui engage des moyens financiers, matériels et humains considérables. C’est pourquoi un choix de vingt-cinq (25) localités d’enquête a été opéré, en tenant compte des facteurs d’ordre socio-économique et physique, démographique. Ces localités sont reparties de la manière suivante: neuf (09) localités pour Bongouanou chef-lieu de la région, six (06) pour Arrah, et enfin dix (10) pour M’Batto. Les questions posées ont permis d’avoir des renseignements auprès de 799 personnes enquêtées. Les informations obtenues ont porté sur la dynamique spatio-temporelle de l’occupation du sol et l’impact dans la région du Moronou.

La démarche méthodologique adoptée est basée sur une approche cartographique, analytique et diachronique qui se fonde sur l’utilisation de la télédétection et des systèmes d’information géographique. Singulièrement, elle s’est appuyée sur des traitements cartographiques et statistiques. Le traitement et l’analyse des images satellites ont servi à la production des cartes d’occupation du sol et à la caractérisation de la dynamique de l’occupation du sol.

En effet, la première étape est le prétraitement d’images. Le prétraitement a permis une amélioration du contraste des images satellites pour en faciliter le traitement. Le prétraitement d’images se résume en un ensemble d’opérations, qui a pour objectif d’augmenter la lisibilité des données. Il facilite leur interprétation en vue d’une meilleure extraction de l’information (K. E. KONAN, 2008). Dans cette étude le prétraitement a consisté d’abord à faire une calibration radiométrique en utilisant l’algorithme «radiométric calibration », ensuite une correction atmosphérique par « DarkSubtraction » à l’aide du logiciel ENVI 5.1. Une composition colorée RGB des bandes (4, 5 et 3), suivie d’un rehaussement par « Equalization » a permis de discriminer les types d’occupation du sol. Après quoi, on est passé à l’étape du traitement des données. Le traitement des données a débuté par une délimitation de la zone d’étude suivant les limites de la région du Moronou. Une fois délimitée, la zone d’étude a été extraite de la scène par masque à partir du logiciel ARCGIS 10.2. Le procédé d’extraction est le suivant: Arctoolbox / outil spatial analyst / extraction / extraction par masque. Le traitement des images a eu pour but de transformer les images satellites en cartes d’occupation du sol. Pour la définition de la nomenclature des objets à cartographier, il s’est agi de présenter les thèmes qui ont fait l’objet d’une cartographie de l’occupation du sol en 1988; 2002 et 2016. On a défini sept classes que sont: forêt dense, forêt dégradée, savane, cultures et jachères, champs,  localités ; sols nus, plan d’eau. Ces différents thèmes identifiés en 1988 ; 2002 et 2016 ont respectivement été extraits des images satellites de 1988; 2002 et 2016, pour en faire des cartes d’occupation du sol. Après cette étape, une évaluation et validation de la classification ont été effectuées. Après la phase d’homogénéisation, les images classifiées ont été vectorisées (sous le logiciel ENVI) donnant lieu à trois cartes d’occupation du sol (1988; 2002 et 2016) en mode vecteur. Ces dernières ont été intégrées dans un système d’information géographique pour gestion et analyse. C’est ainsi qu’on a intégré les données cartographiées dans une base de données SIG. Cette base de données a été intégrée dans un environnement SIG en l’occurrence dans le logiciel ArcGIS. Plusieurs opérations statistiques, d’analyses et de synthèses de données cartographiques ont été effectuées dans la base. Les opérations statistiques sont de deux types. La première opération a consisté à déterminer à travers les tables attributaires, les superficies des types d’occupation du sol en 1988, 2002 et 2016. La deuxième opération a consisté à déterminer les taux d’évolution de chaque type d’occupation du sol entre 1988 et 2002 et de 2002 à 2016. A ce sujet, les opérations de synthèses cartographiques ont été effectuées. Les synthèses cartographiques ont pour but de synthétiser l’information spatiale. Elles ont consisté à combiner ou à croiser deux ou plusieurs données cartographiques pour en faire une seule. Ainsi, les opérations de synthèses cartographiques suivantes ont été effectuées :

- Croisement de la carte d’occupation du sol de 1988 à celle de 2002,

- Croisement de la carte d’occupation du sol de 2002 à celle de 2016,

 - Croisement de la carte d’occupation du sol de 1988 à celle de 2016. Ces opérations ont permis de détecter dans le temps et dans l’espace, les transformations spatiales opérées dans l’espace d’étude entre 1988 et 2016 (F. K. N’GUESSAN 2020).

3. Résultats

3. 1 Analyse de l’occupation du sol dans la région du Moronou

3.2-1 Analyse de l’occupation du sol en 1988

L’ensemble de la superficie analysée est de 556 857 hectares (tableau 1). Les types d’occupation du sol sont constitués de forêts denses 18%, de forêts dégradées 4%, de cultures-jachères 13%, de savanes 1%, de champs 59% de sols nus 5% et de plan d’eau 0%.

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3.1-2 Analyse de l’occupation du sol en 2002

En 2002, les éléments constitutifs de la zone d’étude se composent des champs : 285 958 hectares, soit 51%, forêts dégradées : 10 915 hectares, soit 2%, forêts denses : 93 332 hectares, soit 17%, cultures et jachères : 129 397, soit 23%, plan d’eau: 1036, soit 0%, savanes : 5 026, soit 1% et les sols nus : 31 193 hectares, soit 6% (tableau 2).

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Les champs sont plus répandus et occupent 51% des superficies totales. Les cultures et les jachères sont le deuxième élément représentatif de la région en 2002. Elles couvrent 23% de la superficie totales. Les forêts denses s’étendent sur une superficie de 93332 hectares, soit 17% de la superficie totale. Les forêts dégradées quant à elles, ont une superficie de 10915 hectares, soit seulement 2% de la superficie. La savane est la plus faible des espaces naturels avec seulement 5026 hectares (tableau 2).

3.1-3 Analyse de l’occupation du sol en 2016

On constate qu’en 2016, un seul élément est dominant. Il s’agit des cultures et jachères qui couvrent 458 062 hectares, soit 82% des statistiques d’occupation du sol de la région (tableau 3).

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Les champs viennent en deuxième position et couvrent 11% de la superficie totale. Les forêts denses sont ramenées au stade de reliques forestières car, elles ne représentent que 3% de la végétation du Moronou en 2016. Quelques lambeaux de forêts dégradées couvrent seulement 1% de la superficie (tableau 3).

De façon spécifique, il y a différentes phases d’évolution des types de l’occupation du sol en 2016. On observe une augmentation des superficies des cultures et jachères. Elles s’étendent sur une superficie de 458 062 ha soit 30% de la superficie totale. Les champs  occupent 64 012 ha, soit 11% de la zone d’étude et connaissent une régression. La forêt dense couvre 16855 ha pour un taux de 3%. De 1988 à 2016, cette formation végétale a connu une diminution. La savane couvre une superficie de 2537 ha, soit un taux de 1%.

3.2- Dynamique de l’occupation du sol  dans la région du Moronou

3.2-1 Dynamique de l’occupation du sol dans la région du Moronou de 1988 à 2002

L’analyse de la figure 2 nous situe sur les mutations de l’occupation du sol dans la région du Moronou de 1988 à 2002.

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Sur cette période, il s’est opéré des transformations du couvert végétal dans la région du Moronou. En plus, la pratique de l’agriculture dans cette zone a fortement ébranlé la stabilité de la végétation. Zone de forêt dense à l’origine, le territoire du Moronou est aujourd’hui dominé par les cultures, les champs et les jachères. En 1988, la forêt dense s’étendait sur une superficie de 103 148 ha et couvrait 18% du territoire, en 2002, elle ne s’étend que sur 93 332 ha soit 17% du territoire. S’étendant de manière compacte sur presque toute l’étendue du Nord-ouest et en lambeau sur le Nord-est, le Centre et le Centre-est du territoire en 1988, cette végétation a presque été totalement transformée en 2002 au Nord-ouest de la région. On la retrouve moins compact au Centre-nord, au Nord-est au Centre-est et au Sud-est. Même si cette baisse n’est pas assez notable, elle est quand même significative en 14 ans. Si la forêt dense a diminué de seulement 1%, il n’en est pas de même pour les cultures-jachères qui sont passés de 13% du territoire en 1988 à 23% en 2002, soit une augmentation de 10%. Les forêts dégradées qui occupaient 22 623 hectares pour un taux de 4%, sont passées à 10 915 hectares pour un taux de 2%, soit une baisse de 2%. Les savanes par contre connaissent un accroissement de superficie. En effet, de 1701 hectares en 1988 pour un taux de 1%, les savanes occupent en 2002 une superficie de 5026 hectares, soit un taux de 1%. Les plans d’eau sont passés de 790 hectares à 1 036 hectares. On pourrait expliquer cette situation par le fait que beaucoup de barrages de type traditionnel ont vu le jour pour l’alimentation en eau de certaines localités. Couverte autrefois par la végétation de forêt dense au Nord-ouest et par des champs au Centre-ouest en 1988, le Nord-ouest du territoire a été remplacé par les cultures-jachères en 2002. Il convient aussi de noter que le Sud-ouest qui en 1988 renfermait des cultures-jachères, est désormais couvert par des champs en 2002.

Si le Nord-ouest a connu une réduction de son couvert végétal, le Nord-est, le Centre et le Sud-est sont restés stables au niveau de leurs affectations (figure 2).

3.2-2 Dynamique de l’occupation du sol dans la région du Moronou de 1988 à 2016

De 1988 à 2016, la couverture végétale de la région du Moronou a connu une transformation. De véritables mutations se sont opérées en 28 ans dans la région du Moronou. En effet, une analyse globale montre qu’en 28 ans tout le territoire de la région est passé de l’espace naturel à l’espace humanisé. Le territoire a été complètement colonisé par les cultures-jachères qui couvrent une superficie de 458 062 ha, soit 82% de la région (tableau 3). Quelques lambeaux de forêts dégradées sont visibles au Sud-ouest, au Sud-est, au Nord-est et enfin au Centre de la région. Cette forêt dégradée couvre seulement 6 805 ha, soit 1% de la superficie totale, alors qu’elles étaient de 4% en 1988. La forêt dense qui s’étendait sur 103 148 ha en 1988 soit 18%, ne couvre plus que 16 855 ha, soit 3% en 2016 (tableau 1). Cette situation révèle que la région du Moronou a pour principale activité l’agriculture. En effet, le Moronou de par sa situation géographique et sa couverture végétale (appartient dans sa majeure partie au domaine forestier) a connu une véritable expansion agricole (café-cacao) ce qui lui a valu le nom de « Boucle de cacao » en raison de l’importance de la production cacaoyère.

Les sols nus connaissent aussi une régression. D’une superficie de 26 794 hectares (4%) en 1988 (tableau 1), les sols nus représentent en 2016 seulement que 2% de la superficie soit une diminution de 2% (figure 3).

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3.2-3 Dynamique de l’occupation du sol dans la région du Moronou de 2002 à 2016

Une observation de la figue 4 montre que tout le Nord-ouest de la région ainsi qu’un lambeau de terre au Nord-est sont restés presque stables de 2002 à 2016. Les mutations intervenues s’étendent depuis le Nord-est jusqu’au Sud en passant par le Centre de la région du Moronou.

Les cultures-jachères s’étendent en bloc compact depuis le Nord-est jusqu’au Sud en passant par le Centre. Ce type de végétation qui s’étendait sur une superficie de 129 397 hectares en 2002, soit 17% du territoire régional ont pris une proportion très importante en 2016 et occupent 458 062 hectares, soit une augmentation de 328 665 hectares. Ce qui représente une proportion de 59% d’augmentation. Les forêts denses qui couvraient encore 17% de la superficie de la région en 2002 ne représentent plus que 3% de la superficie du Moronou. Cette forêt dense a fait place aux cultures-jachères en 2016. Toutes les activités tournent autour des cultures et des jachères. En 2002, 51% des surfaces étaient occupées par les champs. En dehors des cultures et jachères, les autres éléments d’occupation du sol en 2016 occupent d’infimes superficies. Par ordre de croissance, les deux éléments majeurs sont les cultures-jachères et les champs (figure 4).

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3.3 Les effets des activités agricoles dans la région du Moronou

3.3-1 Dégradation de la végétation

Le constat qui se dégage sur la végétation à la lecture du tableau est sans équivoque : la tendance est à la dégradation accrue (91 %) de la végétation (tableau 4). La végétation de Moronou connaît une dégradation. En effet, le défrichement quasi-total du couvert forestier constitue la principale atteinte au milieu naturel de la région.

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La région a subi et subit encore aujourd’hui une véritable destruction de son riche patrimoine forestier due à une agriculture extensive et à une surexploitation anarchique des exploitants forestiers. Selon les enquêtés, les causes de la dégradation de la végétation (forêts) dans le Moronou sont multiples, au nombre desquelles on peut citer : l’agriculture, les feux de brousse et l’exploitation du bois (photo 1).

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L’agriculture et l’exploitation du bois sont les principales causes de la dégradation de la végétation dans le Moronou.

L’impact agricole se traduit par l’appauvrissement des terres, et donc la baisse significative des productions agricoles, compromettant ainsi la sécurité alimentaire et l’économie de la région. Les agriculteurs sont donc obligés de pratiquer une agriculture extensive pluviale, détruisant chaque année les forêts à la recherche de nouvelles terres productives. On note aussi la survenue des feux de brousse qui causent de nombreux dégâts endeuillant parfois des familles.

3.3-2 La dégradation des sols

La dégradation des sols dans le Moronou est due à de nombreux facteurs, dont les phénomènes climatiques extrêmes, en particulier la sécheresse et les activités humaines (agriculture). Ces facteurs dégradent les sols ou nuisent à leur qualité. Cette situation a une incidence négative sur la production agroalimentaire, les moyens de subsistance et la production d’autres biens et services écosystémiques.

La dégradation des sols s’est accélérée sous l’effet des pressions croissantes et combinées de la production agricole dans le Moronou (surproduction, reconversion forestière), de la déforestation et des phénomènes climatiques extrêmes tels que les sécheresses (la grande sécheresse des années 1980). Au niveau social, la dégradation des sols due à la sécheresse occasionne le déplacement des populations. Ces migrations engendrent des conflits entre les populations autochtones et les planteurs venus d’autres régions, l’infiltration dans les forêts classées de l’état, etc.

3.3-3 Le vieillissement des plantations

Le vieillissement des plantations entraîne une diminution des rendements observable dans le département de Bongouanou non pas tant à cause de l’épuisement des sols, mais surtout à cause de la mortalité naturelle des arbustes et du parasitisme qui affaiblit ceux qui survivent. Les plantations de plus de 30 ans sont clairsemées et présentent des trous de lumière. Elles sont favorables à la pullulation des capsides et autres pestes, au développement des épiphytes et des parasites, à l’installation d’une couverture adventiste. Si les graminées n’ont pu s’installer, c’est le plus souvent parce que des arbres se sont multipliés naturellement, ont percé la frondaison des cacaoyers et forment un ombrage dense au-dessus de la plantation. Cet ombrage nuit parce que les cacaoyers produisent peu quand ils sont trop abrités.

En outre, les arbres accentuent le déficit hydrique du sol en saison sèche au détriment des cacaoyers, tout comme les adventices. Ce tableau aurait été sans doute moins sombre si le rajeunissement du verger avait été progressivement assuré. Cette situation déjà critique se trouve en outre aggravée par des parasitoses et pathologies diverses dont l’ampleur dépasse très souvent le cadre d’un simple entretien phytosanitaire.          4. Discussion

La cartographie réalisée à partir des données de plusieurs sources et de multi-dates a permis d’enrichir la connaissance sur l’état de l’occupation du sol et de l’impact des activités anthropiques de la région du Moronou de 1988 à 2016. Aussi, l’agriculture constitue-t-elle la principale source de revenu des populations et occupe plus de 90% de la population active de cette région. De ce fait, l’agriculture est la première source de dégradation du paysage car les surfaces cultivées s'étendent et les formations végétales naturelles diminuent.

Ainsi, cette approche méthodologique a-t-elle déjà fait l’objet de plusieurs applications et dont les résultats ont permis la cartographie de l’évolution de divers types de paysages et de l’impact environnemental des activités agricoles.

4.1 L’état de l’occupation du sol dans le Moronou

L’observation des cartes d’occupation du sol de 1988, 2002 et 2016 indique une région divisée en deux grands types d’espace : l’espace naturel et l’espace humanisé. L’espace naturel se retrouve dans la partie nord de la région. L’espace humanisé se rencontre au sud. Ces deux grands types d’espaces donnent lieu à des couloirs de concentrations des différents éléments de l’occupation du sol.  En 1988, les forêts et les savanes occupaient 127 472 ha soit 23%. En 2016, ces formations végétales sont passées à 26 197 ha soit 5% de taux de couverture.

S. D. ANGORA et al, (2020, p.59) notent que l’état de l’occupation du sol est constitué par les espaces naturels et les espaces humanisés dans le finage de Bembéla dans le nord-est ivoirien. Ainsi, en 1999, les espaces humanisés occupent une superficie de 3 852 hectares, soit 79% du finage tandis que les espaces naturels représentent 21% soit 1 049 hectares. Ils constatent que cette situation traduit le degré d’utilisation du sol dans ledit finage.

D. KOFFI et al, (2017, p. 218) font le même constat. Ils indiquent que les formations forestières qui occupaient 13,2 % en 1958 sont passées à 0,3 % en 2015, soit une diminution de 97,4 % et que les savanes sont passées, durant la période 1958-2015, de 113 690,9 ha à 85 380,9 ha. Ce qui équivaut à une baisse de 24,9 %.

A. S. MAMADOU (2009, p.11), soutient que la matrice des changements générée par le croisement des cartes d’occupation du sol de 1990 et de 2002 de la région du Bassin Versant Centre (BVC) du Ferlo et montre une évolution au niveau des différentes unités d’occupation du sol.

4.2 La dynamique et mutations spatiales intervenues dans le Moronou

L’analyse de l’évolution de l’occupation du sol de 1988 à 2002 situe sur les mutations intervenues dans la région du Moronou de la même période. En effet, de 1988 à 2002, il s’est opéré des transformations du couvert végétal dans la région du Moronou. En plus, la pratique de l’agriculture dans cette zone à fortement ébranlée la stabilité de la végétation. Zone de forêt dense à l’origine, le territoire du Moronou est aujourd’hui dominé par les cultures, les champs et les jachères. C’est dans cette logique que K. J. M. ATTA (2009, p.191 et p.330) s’est employé à quantifier les différentes mutations spatiales (phénomènes de déforestation, de reforestation, de stabilité et autres dynamiques) opérées à l’échelle des forêts classées de Béki et de Bossématié dans l’Est ivoirien et les taux de déforestation annuels et globaux induits. Ainsi, pour la forêt classée de Béki, cette étude révèle des taux de déforestation globaux de 62,53% et de 3,33% annuel. Il souligne aussi qu’à Bossématié, les taux de déforestation sont respectivement d’environ 16% et 0,6%.

4.3 Les effets des activités agricoles dans la région du Moronou

Le constat qui se dégage sur la végétation est sans équivoque : la tendance est à la dégradation accrue (91 %) de la végétation (tableau 4). La végétation de Moronou connaît une dégradation. La dégradation des sols s’est accélérée sous l’effet des pressions croissantes et combinées de la production agricole dans le Moronou (surproduction, reconversion forestière). A cela s’ajoute le vieillissement des plantations qui entraîne donc une diminution des rendements observable dans la région du Moronou.

K. R. KOBENAN et F. K. N’GUESSAN (2021, p. 261) abondent dans le même sens. Ils soutiennent que l’agriculture constitue la principale source de revenu des populations et occupe plus de 90% de la population active de Nassian. De ce fait, l’agriculture est la première source de dégradation du paysage car les surfaces cultivées s'étendent et les formations végétales naturelles diminuent. F. K. N’GUESSAN (2020 p.190) observe, que les activités anthropiques ont des effets négatifs sur l’environnement, dans la sous-préfecture de Bondoukou, dans l’est ivoirien. Pour lui l’impact des activités agricoles sur le milieu naturel sont la pollution et l’existence de conflits entre agriculteurs et éleveurs à la recherche de ressources naturelles.

Conclusion

Cette étude fait ressortir la dynamique spatio-temporelle de l’occupation du sol dans la région du Moronou. Il s’est agi d’abord d’analyser l’occupation du sol, ensuite de décrire l’évolution des différents types d’occupation du sol dans le temps et dans l’espace, enfin de déterminer  les effets des activités agricoles sur la région. Le traitement des images satellites a permis d’obtenir les cartes d’occupation du sol en 1988, en 2002 et en 2016 et de faire des analyses.

De 1988 à 2016, l’état de l’occupation du sol révèle qu’il y a l’espace naturel (forêt dense, forêt dégradée, savane, plan d’eau...) et l’espace humanisé (champs, cultures et jachères, sols nus...). L’espace naturel se retrouve dans la partie nord de la région. L’espace humanisé se rencontre au sud. Ces deux grands types d’espaces donnent lieu à des couloirs de concentrations des différents éléments de l’occupation du sol.

La dynamique montre que le paysage du Moronou a connu beaucoup de transformations de 1988 à 2016. Les transformations que connaissent les différentes affectations du sol ont été très importantes et diverses en 28 ans. L’espace naturel a régressé au profit de l’espace humanisé.

L’influence des activités agricoles est caractérisée par trois réalités : la dégradation de la végétation, la dégradation des sols et le vieillissement des plantations dans la région du Moronou. Dans cette situation il est judicieux d’analyser de façon cartographique et statistique l’impact social du déclin du binôme café-cacao sur la région du Moronou.

Références bibliographiques

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Auteurs

1Doctorant en Science et Gestion de l’Environnement, Université Nagui Abrogoua / Institut de Géographie Tropicale (IGT), Université Félix Houphouët-Boigny de Cocody, sale_ane@yahoo.fr

2Professeur Titulaire, UFR Science et Gestion de l’Environnement, Université Nangui Abrogoua., goulaba2002@yahoo.fr

3Directeur de recherche, Institut de Géographie Tropicale (IGT), Université Félix Houphouët-Boigny de Cocody, poitoucharente2@yahoo.fr

 

Catégorie de publications

Date de parution
30 juin 2021