La croissance de plus en plus rapide de la population dans les villes en Afrique subsaharienne conduit à la multiplication et à la diversification des activités de tout genre donnant lieu à une consommation à outrance avec pour conséquence la production des déchets dont la gestion est un véritable défi. C’est ainsi que la ville d’Atakpamé au Togo depuis les années 1990 est confrontée à une gestion chaotique des déchets solides et excrétas. Cela constitue un véritable problème pour les autorités municipales. Cette étude vise à contribuer à une meilleure gestion des déchets solides et des excrétas dans la ville d’Atakpamé en vue d’une vie descente des populations, la sauvegarde de l’environnement et un meilleur éclat de ce cadre de vie.
La méthodologie utilisée pour cette étude s’articule autour de l’observation du paysage urbain, des recherches documentaires dans des bibliothèques à Atakpamé et à Lomé. Des enquêtes de terrain ont été menées auprès de 200 ménages dans quatre quartiers ciblés. Un dépouillement a été fait et les informations recueillies ont été analysées.
Les résultats montrent que la quantité des déchets produits à Atakpamé est fonction de la croissance démographique. Ces déchets sont jetés dans la nature à l’air libre, dans les rues, le long des cours d’eau, dans des endroits marécageux, soit enfouis dans le sol ou incinérés. La gestion des déchets pose un réel problème en termes de collecte et d’acheminement vers la décharge finale. L’absence de latrines dans les maisons amène les populations à déféquer dans la nature. La situation est préoccupante en saison pluvieuse. Cela n’est pas sans conséquence sur la santé de la population et sur l’environnement. Pour une meilleure gestion de ces déchets, des propositions sont faites allant dans le sens d’une gestion efficiente de ces déchets à travers la sensibilisation des populations, le compostage et la construction des latrines publiques.
The increasingly rapid growth of the population in cities in sub-Saharan Africa is leading to the multiplication and diversification of all kinds of activities giving rise to excessive consumption resulting in the production of waste, the management of which is a real challenge. . This is how the town of Atakpamé in Togo since the 1990s has been faced with chaotic management of solid waste and excreta. This is a real problem for municipal authorities. This study aims to contribute to better management of solid waste and excreta in Atakpamé with a view to a descent life of the populations, the safeguard of the environment and a better radiance of this living environment.
The methodology used for this study revolves around the observation of the urban landscape, documentary research in libraries in Atakpamé and Lomé. Field surveys were carried out with 200 households in four targeted neighborhoods. A count was made and the information collected was analyzed.
The results show that the amount of waste produced in Atakpamé is a function of population growth. These wastes are dumped in the open air, in the streets, along waterways, in marshy places, either buried in the ground or incinerated. Waste management poses a real problem in terms of collection and delivery to the final landfill. The lack of latrines in the houses leads people to defecate in the wild. The situation is worrying in the rainy season. This is not without consequences for the health of the population and for the environment. For better management of this waste, proposals are being made in the direction of efficient management of this waste through public awareness, composting and the construction of public latrines.
Introduction
Depuis les années 1960 la planète Terre est soumise à des défis environnementaux dus à la croissance de la population, au développement des activités économiques et à l’urbanisation. L’un des problèmes majeurs des villes en Afrique subsaharienne demeure la gestion des déchets solides et liquides. Ces déchets augmentent de plus en plus avec l’accroissement exponentiel de la population. La problématique de l’augmentation sans cesse croissante des déchets solides et leur gestion chaotique dans les centres urbains a suscité l'intérêt des Etats africains qui dès lors, placent cette préoccupation au cœur des débats (B. S. DANSOU, 2018, p.11). Selon l’Organisation de Coopération et de Développement Economique (OCDE) (2006) cité par R. GBINLO (2010, p. 2), la gestion des déchets ménagers dans les pays en développement figure parmi les principaux défis environnementaux. La gestion des déchets urbains est l’une des questions environnementales les plus préoccupantes pour les pays en développement (N. BIGOU-LARE et al, 2015, p.219). La majorité des villes d’Afrique au sud du Sahara connaissent une forte croissance démographique et spatiale qui conduit à la complexification de la gestion des déchets solides ménagers (E. NGNIKAM et E. TANAWA, 2006, p. 11). Cette gestion n’est pas chose aisée en Afrique (E. EYEBIYI, 2011, p. 153). En effet, « l’histoire de l’évolution des déchets trouve son origine dans l’évolution des modes de vie et des comportements des populations vis- à-vis des ordures, des institutions et des lois qui régissent les systèmes d’élimination de ces déchets » (F. ADAMOU, 2018, p. 20). Ainsi, urbanisation, augmentation des besoins alimentaires et déchets ménagers vont de pair dans les pays en développement et en particulier dans les villes de l’Afrique subsaharienne. Cela a des incidences négatives sur la qualité de l'environnement et sur la santé publique.
Dans les années 1980 l’emballage des produits achetés se faisait essentiellement dans des feuilles d’arbres, dans de vieux papiers de presse ou encore dans les feuilles de vieux cahiers abandonnés. Ces emballages se dégradaient rapidement. Aujourd’hui, l’emballage des produits achetés est fait dans des sachets plastiques pour la plupart irrécupérables et non biodégradables. Ces sachets jonchent les rues, bouchent les caniveaux et créent un malaise environnemental. La gestion durable des déchets est devenue un sujet important depuis une quinzaine d'années (R. GBINLO, 2006, p.5). Cette problématique n’épargne pas les villes togolaises. Elles sont également victimes de l’insalubrité et de la mauvaise gestion des déchets solides (Y. TIANKPA, 2016, p. 34).
En effet, la ville d’Atakpamé présente un développement urbain tentaculaire avec une topographie assez accidentée qui fait que des quartiers entiers sont exclus des services de base tels que l’approvisionnement en eau potable, l’assainissement et la collecte des ordures ménagères. C’est un paysage urbain marqué par des amoncellements de détritus et souvent un cadre de vie insalubre surtout en saison pluvieuse. Dans presque tous les quartiers à Atakpamé la population devient de plus en plus nombreuse avec une production de plus en plus importante des déchets dont la gestion se fait par enfouissement, incinération, jet dans la nature. Cette gestion des déchets est peu efficace et n’est pas sans conséquences négative sur la santé de la population et sur l’environnement. L’observation de cette ville des plateaux donne une cartographie sombre des dépotoirs sauvages. Des déchets solides jonchent certaines rues de la ville. On les retrouve également très souvent dans les coins des parcelles, dans des caniveaux, dans les endroits non habités et sur la place du marché.
Tout comme la gestion des déchets solides, la gestion des excrétas est un problème non négligeable. Les populations défèquent dans la nature notamment le long des cours d’eau, le long des clôtures administratives, sur des dépotoirs. Les alentours des maisons construites le long de certains cours d’eau sont également salis par des matières fécales de la population. De tout ce qui précède la gestion chaotique des déchets solides et des excrétas à Atakpamé est un véritable problème en terme d’insalubrité mais aussi de nuisance. Cette mauvaise gestion a une incidence négative sur la santé humaine et sur l’environnement avec la pollution des eaux, du sol, de l’air avec des odeurs nauséabondes qui fusent de partout. Face à cette situation, il devient impérieux de mettre en place des stratégies en vue d’une gestion plus efficiente des déchets solides pour une vie décente des populations. Pour ce faire, il importe de savoir :
- Comment ces déchets et excréta sont produits et gérés dans la ville d’Atakpamé?
- Quelles sont les conséquences qui découlent de cette gestion chaotique sur la santé des populations et sur l’environnement ?
- Comment rentabiliser ces déchets et excrétas ?
Ce travail de recherche vise à contribuer à une gestion efficiente des ordures et des excrétas dans la ville d’Atakpamé en vue d’une vie descente des populations, la sauvegarde de l’environnement et un meilleur éclat de ce cadre de vie. Pour atteindre cet objectif, une méthodologie de recherche bien appropriée s’impose.
1 Méthodologie de la recherche
L’Approche méthodologique utilisée est axée sur l’observation directe de la ville d’Atakpamé, la collecte des données et informations, leur traitement et l’analyse des résultats.
La recherche dans les centres de documentation d’Atakpamé notamment à la Direction Régionale de la Statistique et de la comptabilité Nationale-Plateaux (DRSCN-PL), la Direction Régionale du Plan et de l'Aménagement - Plateaux, la Direction Régionale de la Cartographie - Plateaux, la préfecture de l'Ogou et la municipalité d'Atakpamé. La bibliothèque du Laboratoire de Recherche sur la Dynamique des Milieux et des Sociétés (LARDYMES), la bibliothèque Felix Kouchoro de la Faculté des Sciences de l’homme et de la Société et la bibliothèque centrale de l’Université de Lomé ont été d’une grande utilité dans la recherche documentaire pour ce travail. Les recherches sur le net ont été d’un grand intérêt. Toutes ces recherches ont permis d’obtenir des informations sur la croissance de la ville, la gestion urbaine des déchets solides et les problèmes environnementaux qui peuvent découler de cette gestion. En dehors de ces données documentaires, des observations directes du paysage de la ville ont été faites suivi des enquêtes sur le terrain.
Sur le terrain des enquêtes ont été menées au moyen d’un guide d’entretiens avec le directeur des services techniques de la mairie d’Atakpamé et le personnel soignant du Centre hospitalier régional (CHR) Atakpamé. L’utilisation d’un questionnaire était indispensable pour les populations des quartiers Djama et Doufio pour le centre-ville, Agbonou et Sada pour la périphérie en vue de mieux cerner la gestion des déchets solides aussi bien du centre que de la périphérie. Au total 200 ménages répartis dans ces quatre quartiers ont été enquêtés. Dans chaque quartier 50 ménages ont été choisis de façon aléatoire.
Pour bien mener ce travail de recherche, les enquêtes ont porté sur la production des ordures et leur gestion, les causes de la création des dépotoirs sauvages, la gestion des ordures et les conséquences des dépotoirs sauvages sur la santé de la population et sur l’environnement. La gestion des excrétas était aussi à l’ordre du jour.
Les données recueillies sur le terrain ont été traitées à base du logiciel Word pour le traitement de texte, le logiciel S.P.S.S. (Statistical Package for Social Sciences) pour le dépouillement. Le logiciel Excel a servi dans la réalisation des graphiques et Arc View et QGIS dans la confection de carte.
2. Résultats et analyses
Les résultats de cette étude sont inhérents au mode de gestion des déchets solides et des excrétas, aux conséquences des dépotoirs sauvages sur la santé de la population et sur l’environnement dans une ville à pente. En effet, la ville d’Atakpamé (Figure 1) est située à 161 km de la côte togolaise.
Les recherches documentaires et les travaux de terrain ont permis de comprendre que de nombreux facteurs sont à l’origine de la production et de la mauvaise gestion des déchets dans les milieux urbains, parmi lesquels la croissance démographique et spatiale des villes, les activités socioéconomiques, l’urbanité et l’incivisme de la population.
2.1. Fondements de la croissance de la ville d’Atakpamé
Les fondements naturels et économiques ont été à la base du peuplement d’Atakpamé. La ville située dans la Région des Plateaux, la région la plus pluvieuse du pays (Figure 2) avec une végétation constituée de forêts et un sol riche.
Ces atouts naturels sont à l’origine de la concentration des activités économiques et de la croissance démographique et spatiale de la ville et de la région entière. Ces différents atouts ont attiré des vagues successives des populations aussi bien togolaises qu’étrangères qui y allaient s’y établir pour mener des activités économiques, notamment pour cultiver ou pour faire du commerce. Ce qui explique aujourd’hui l’importance de la communauté kotokoli, une ethnie qui se dévoue beaucoup au commerce à Djama, un quartier du grand marché de la ville. Les Kabyès et les Nawdéba de la Région de la Kara réputés pour l’agriculture se sont installés dans des fermes de la région aux sols riches pour pratiquer leurs activités. Tout ceci fait de la ville d’Atakpamé le pôle économique de la région avec une croissance de plus en plus importante de la population (figure 3) et une extension spatiale rapide.
Cette population mène diverses activités, consomme et produit des déchets dont la gestion est un véritable problème.
2.2 Production et gestion des déchets dans la ville d’Atakpamé
2.2.1 Production des déchets à Atakpamé
La production des déchets solides dans la ville d’Atakpamé est due au développement économique, aux modes de consommation et à l’urbanité. Elle est aussi liée au niveau de vie de plus en plus urbain et à l’extension spatiale anarchique de la ville. Le centre-ville d’Atakpamé avec la concentration des activités entraîne la concentration de la population avec une consommation à outrance et une production conséquente des déchets solides. Sur 200 ménages enquêtés seules les femmes de 5 ménages soit 10 % des enquêtés vont au marché soit avec une corbeille ou un sac ; le reste des enquêtés soit 90 % y vont les mains vides. De plus en plus les femmes vont au marché sans aucun sac et reviennent avec beaucoup de colis dans des sacs en plastique et dans des emballages en papier ou carton, ce qui n’existait pas dans les années 1980. Les repas à emporter s’achetaient dans des bols, aujourd’hui tout est acheté dans des sachets en plastique, même la bouillie, du thé.
Les déchets qui font couler l’encre et la salive à Atakpamé sont essentiellement des déchets solides et liquides. La présente étude est exclusivement consacrée à la production et à la gestion des déchets solides produits par la population et qui constituent un véritable problème de santé et de pollution avec l’observation des dépotoirs sauvages dans de nombreux quartiers. Il y a les déchets ménagers et les déchets produits sur les places publiques notamment dans les marchés, dans les services administratifs et dans les rues.
2.2.2 Gestion des déchets
Dans les différents quartiers ciblés pour l’enquête de terrain, la gestion des déchets est chaotique. La population est de plus en plus importante, 76 000 habitants en 2016 selon l’Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques et Démographiques (INSEED) avec une production non négligeable de déchets. Ces déchets solides selon les travaux de terrain sont incinérées par 10% des ménages enquêtés, 7% procède par enfouissement dans le sol, le reste soit 48 % des enquêtés déversent leurs ordures dans la nature ou dans des cours d’eau, aux abords des rues ou des rails, 35 % étant abonnés à la collecte.
Les ordures sont composées de sable, de cendre, de charbon, morceaux de tissu, de cuir, de métaux, de papier, de carton, de feuilles, de paille, de verres, de restes de cuisine et surtout de plastiques dur et souples. Une partie de ces ordures est emportée par l’eau, le reste est piégé dans les cours d’eau ou sur les berges par des pierres, des lianes ou par des touffes d’herbes, imprimant à la ville un sal paysage (photo 1).
Les dépotoirs sauvages à l’image de celui-ci sur cette photo 1, il y en a plusieurs à Atakpamé surtout le long des cours d’eau, cas d’Iké, un cours d’eau de la ville. Les populations en jetant ces ordures le long des cours d’eau pensent s’en débarrasser et que les eaux les emporteraient très loin, ce qui n’est nullement le cas. Ces ordures demeurent à Atakpamé et posent de sérieux problèmes environnementaux et de santé.
Plusieurs causes expliquent la création des dépotoirs sauvages notamment le manque de dépotoirs intermédiaires dans certains quartiers, l’incivisme de certaines personnes. Il faut noter que le dépotoir final est à 5 km de la ville à Kamina, ce qui complique davantage l’évacuation de ces déchets. L’ignorance de la population par rapport à la gestion saine des ordures et l’absence de collecte des ordures auprès de quelques ménages accentue cette gestion chaotique des déchets. En effet, les dépotoirs intermédiaires qui existent sont de petite taille (photo 2) et sont très souvent débordés, ce qui fait qu’il se crée souvent un dépotoir sauvage à côté de celui-ci.
La ville d’Atakpamé dispose de 7 dépotoirs intermédiaires inégalement répartis. Les quartiers centraux sont les plus nantis avec cinq points de transit des déchets contre seulement deux pour les quartiers péricentraux. Les quartiers périphériques n’en disposent même pas. L’insuffisance ou l’absence des dépotoirs intermédiaires contraint les ménages à se débarrasser des déchets à tout prix et partout.
2.2.3 Modes de collecte des déchets solides dans la ville d’Atakpamé
La collecte des déchets solides dans la ville d’Atakpamé est du ressort de la municipalité qui a construit à cet effet des dépotoirs intermédiaires pour accueillir les déchets produits par les ménages et les déchets produits sur les places publiques. Avec l'accroissement rapide de la population et l'extension de l’espace urbain la collecte des déchets devient de plus en plus difficile, car leur acheminement des dépotoirs intermédiaires vers la décharge finale nécessite des moyens financiers et logistiques importants. Le manque de moyens de la municipalité amène cette dernière à se faire appuyer par des entreprises privées et les ONG telle que l’Association des Jeunes pour la protection de l’environnement et de la Société (AJVES) et l’Organisation pour le Développement et l’incitation à l’Auto-emploi (ODIAE) œuvrant dans la filière déchet dans la ville. La municipalité évacue les déchets à l’aide d’un tracteur et des remorques mais les entreprises le font à l’aide de tricycles et les ONG à l’aide de camion poubelle (photo 3) dans des conditions sécuritaires avérées, ce qui n’est pas le cas pour les tricycles qui répandent des odeurs nauséabondes le long de leur passage.
En effet, cette collecte des déchets se fait des maisons vers la décharge finale à Kamina situé à 5 km de la ville. Les enquêtes ont révélé un taux d’abonnement par les ménages est faible, 35 % (figure 4).
Cette figure montre un taux de non abonnés de 65 % pour cette ville très importante de la Région des Plateaux. Les raisons évoquées sont diverses et variées. Des 65 % des non abonnés, 23 % des enquêtés évoquent le manque de moyens financiers, 31 % se plaignent de l’absence de structure de collecte dans leur quartiers, 18 % parlent de manque d’information, mais pour les 28 % restant c’est de l’incivisme (Figure 5).
D’après la figure 5, 31 % des ménages parlent d’absence de structure de collecte des déchets dans leur secteur. Cela est dû à l’aspect assez accidenté de certains quartiers de la ville et surtout de l’état des infrastructures en dégradation avancé. Cela rend la circulation difficile, c’est le cas de Djama, Doufio, Doulassamé. Seuls les quartiers péricentraux où la topographie est assez plane avec des infrastructures routières praticables bénéficient de ces services.
2.2.4 Mode de gestion des excrétas dans les quartiers d’étude à Atakpamé
Tout comme les déchets solides, il y a un autre phénomène polluant, le mode de gestion des excrétas. Dans les anciens quartiers comme Djama et Doufio les lieux d’aisance sont la nature notamment les alentours des maisons, des services administratifs, sur des dépotoirs sauvages, aux abords des cours d’eau. Il arrive que des individus fassent des colis d’excrétas dans des sachets plastiques et de les jeter sur des dépotoirs sauvages. Ce mode de gestion des excrétas exécuté par 56 % des ménages enquêtés pollue l’air par des odeurs nauséabondes, pose de réels problèmes de salubrité, d’hygiène et de santé dans une ville de pente, où ce que les uns rejettent en amont est recueilli par les autres en avale. L’absence notoire des latrines dans les maisons surtout des anciens quartiers (photo 4) explique suffisamment le phénomène.
Cette photo présente une vieille maison à Djama, un des anciens quartiers de la ville qui n’a pas de latrine. Les habitants sont obligés de se réveiller tôt le matin quand il fait encore sombre pour aller faire leur besoin dans la brousse qui devient de plus en plus rare ou sur des dépotoirs sauvages. Pour les enfants cela ne pose aucun problème, car ils peuvent à tout moment se soulager partout où bon leur semble. Tout comme cette maison il en existe plusieurs dans les anciens quartiers de la ville notamment à Zongo, Afiékpota, Doufio où les maisons sont construites de façon anarchique sans sanitaires pour la plupart. La brousse dans une ville en pleine croissance se raréfie et il va falloir que les comportements changent. Les excrétas, les urines, les crachats se font partout, posant un problème de santé publique. Des individus se cachent pour déféquer ou uriner le long de certains murs administratifs, autour des maisons, boutiques. Cela amène les propriétaires des lieux et la mairie à prendre des mesures en placardant des inscriptions en caractère bien lisible sur les murs (photo 5) en vue d’interpeller les consciences sur l’insalubrité grandissante de la ville.
Ce mode de gestion des matières fécales a des conséquences négatives sur la santé de la population dans une ville où la population à 75 % consomme l’eau de puits (E. Atchole 2017, p. 46). Le reste des ménages enquêtés soit 44% font leurs besoins dans des latrines, peu importe la caractéristique. Il y en a qui sont modernes avec chasse eau, il y en a qui sont traditionnelles. Dans ces anciens quartiers il est rare de trouver des maisons avec WC et douche internes. Dans les meilleurs des cas elles sont externes.
En somme, les ordures dans la ville d’Atakpamé sont mal gérées et posent de sérieux problèmes de santé et d’environnement.
2.3 Effets néfastes de la mauvaise gestion des déchets à Atakpamé
La gestion chaotique des déchets dans la ville d’Atakpamé n’est pas sans conséquences négative sur la santé de la population et sur l’environnement.
2.3.1 Impact des déchets sur la santé de la population
En effet, le jet des ordures dans la nature, dans les cours d’eau et sur les berges des cours d’eau, leur enfouissement et même leur incinération pose des problèmes de santé humaine et d’environnement. Le jet des déchets dans la nature entraîne le pullulement des insectes et surtout des mouches, des cafards et des moustiques, agents vecteurs du paludisme et des maladies diarrhéiques. L’observation de la ville d’Atakpamé a permis d’identifier sur des dépotoirs des mouches de différentes espèces notamment la petite mouche domestique, la mouche des fruits, la mouche bleue de la viande et des organismes en putréfaction. Le dépotoir est le lieu de prédilection de ces mouches qui peuvent s’envoler vers d’autres endroits. Elles peuvent à tout moment se poser sur des repas en y laissant des bactéries nuisibles à la santé de l’homme.
Il n’y a pas que des mouches sur les dépotoirs, il y a également le pullulement des moustiques, agents vecteurs des maladies. D'après M. Diabate (2010, p. 77), l'O.M.S reconnaît que le moustique est le plus dangereux de tous les insectes qui transmettent des maladies. Il transmet le paludisme, la dengue, la fièvre typhoïde, la fièvre jaune qui ensemble sont responsable de plusieurs millions de décès des populations. Les moustiques se produisent près des habitations dans les rizières, dans les eaux polluées, dans de petites mares, dans des boites vides de conserves, dans des cannettes vides de boisson et dans de vieux pneus d'automobile qu’on retrouve sur des dépotoirs. L’observation du milieu d’étude a permis de faire ce malheureux constat qui conduit des populations vers des centres de santé de la place. Des entretiens avec des agents de santé du CHR Atakpamé ont révélé de nombreux cas de paludisme, de fièvre typhoïde et des maladies diarrhéiques chaque semaine. Au-delà des problèmes de santé, les déchets mal gérés ont des impacts sur l’environnement.
2.3.2 Effets des déchets sur l’environnement
La création des dépotoirs sauvages dans la ville d’Atakpamé avec des ordures dont une partie non négligeable n’est pas biodégradable, l’incinération des ordures et leur enfouissement pose un véritable problème à l’environnement. La production des ordures et leur mauvaise gestion impacte dangereusement l’environnement urbain. Dans la ville d’Atakpamé, les dépotoirs sauvages créés dans certains quartiers, additionné aux excrétas des populations pollue l’air, le sol et les eaux. Les emballages plastiques qui constituent une part assez importante des déchets selon les travaux de terrain sont une véritable équation à résoudre. L’observation de la ville présente un paysage chaotique avec le pullulement des objets plastiques, étant donné qu’aujourd’hui tout s’achète dans le sachet plastique. Le phénomène d’urbanisation a amené les populations à changer d’attitudes dans leur mode de consommation avec une production de plus en plus élevée des déchets. Ces déchets incinérés, enfouis dans le sol ou jetés dans la nature, dans les cours d’eau avec leur constituants non biodégradables et autres constituants toxiques porte atteinte à la santé humaine et entraînent la pollution de l’environnement notamment le sol, l’eau et la nappe phréatique. Il importe de mieux gérer les déchets pour minimiser les risques sanitaires et environnementaux.
3 Discussion
L’un des problèmes majeurs qui se pose aux villes africaines est la gestion des ordures de tout genre. Cette thématique a fait l’objet de nombreuses publications dégageant une unanimité autour de la mauvaise gestion des ordures dans les villes en développement et une incidence négative sur la santé de la population et sur l’environnement. Selon le rapport du 20 septembre 2018 de la Banque Mondiale, en 2016, l’Afrique subsaharienne a produit 174 millions de tonnes de déchets, soit 0,46 kilogramme par habitant et par jour. Certes ce ratio est faible, mais qu’en sera-t-il à l’avenir pour une région qui connaît une croissance exponentielle de sa population de sa population ? Si déjà la gestion de cette faible production de déchets par habitant pose problème, on s’imagine ce que les années prochaines seront, un véritable problème environnemental.
En effet, à Atakpamé, des travaux montrent que les déchets sont jetés dans la nature notamment le long des cours d’eau et d’autres endroits inédits. Cette situation n’est pas propre aux villes togolaises. Cette réalité est partagée par T. Vigninou et al (2012, p. 742) pour qui 70 % des ordures que la population de Malanville produit sont jetés dans la rue, soit enfuis dans le sol ou utilisés comme remblais dans des zones marécageuses.
3.1 La mauvaise gestion des déchets dans les villes africaines
La thématique de la gestion des déchets est un véritable problème qui interpelle plus d’un, notamment les chercheurs, les experts, les politiques et les techniciens municipaux. De nombreux auteurs sont unanimes quant à la mauvaise gestion des déchets dans les villes africaines. Selon E. Ngnikam et al, (2006, p.11), la complexification de la gestion des déchets solides dans la majorité des villes en Afrique subsaharienne est due à la forte croissance démographique et spatiale de ces dernières. Cette idée est partagée par T. Vigninou et al (2013, p.204), pour qui ce facteur de la croissance démographique est fondamental pour la production abondante des déchets. Abondant dans le même sens B. Djameci, (2014, p. 4) confirme que les quantités de déchets produits varient d’une ville à l’autre dans les pays en développement, en fonction de plusieurs facteurs, dont l’essentiel reste la croissance démographique. Au-delà du facteur de la croissance démographique, A.G. Onibokun et al (2001, p. 9) trouvent que l’accumulation rapide des déchets est due au taux élevé d'urbanisation dans les pays africains. Pour ces auteurs les changements sociaux et économiques qu'ont subis la plupart des pays africains depuis les années 1960 ont également entraîné une hausse de la production de déchets par personne. Il suffit pour ces derniers de traverser n'importe quelle ville africaine pour constater les manifestations de ce problème notamment amoncellements de déchets, de détritus le long des routes, ruisseaux bloqués, sites d'enfouissement menaçant la santé dans les secteurs résidentiels et l’environnement. La dénonciation de cette gestion chaotique des déchets dans les villes en Afrique subsaharienne est partagée par nombre d’auteurs, notamment R. Gbinlo (2010, p.3), pour qui la gestion des déchets dans de nombreux pays en développement se fonde le plus souvent sur le principe du « jeter - collecter – déposer à la décharge. Pour cet auteur, cette gestion des déchets constitue un problème, un casse-tête aussi bien pour les pouvoirs publics locaux que pour les populations elles-mêmes au niveau des centres urbains. Cette idée est partagée par M. Durant (2012, p.6) pour qui l’objectif des autorités publiques ou locales est d’évacuer les ordures hors de la ville pour lutter contre les risques sanitaires. Abondant dans le même sens que M. Durant et R. Gbinlo, S. A. Wari (2012, p. 2) soutient que la gestion des déchets ménagers solides restent un grand défi pour les municipalités africaines en général et pour celles du Tchad en particulier. La gestion des déchets dans les villes africaines a des incidences négatives sur la santé humaine et sur l’environnement.
3.2 Incidence des déchets sur la santé humaine et sur l’environnement
La mauvaise gestion des déchets dans une ville ou dans un milieu rural nuit gravement à la santé de l’homme et à l’environnement. Des auteurs ont abordé la thématique et ont unanimement montré que les déchets mal gérés ont une incidence négative sur la santé et pollue l’environnement. Ainsi, pour F. Loukil (2018, p. 3), les déchets non collectés aggravent à court ou long terme les risques sanitaires, la pollution des sols et des ressources halieutiques. Il en est de même pour I. Sy et al (2011, p. 1), qui à travers leurs travaux montrent que le déficit des services de gestion des déchets urbains génère des paysages qui deviennent des lieux d’interactions multiples et variées entre santé et environnement. Cette idée est approuvée par M. Bagalwa et al (2013, p. 32) qui révèlent dans leur étude que les parasites observés dans les déchets sont à la base de nombreux cas de maladies diarrhéiques enregistrées dans les centres de santé de Katana en République démocratique du Congo (RDC). Il s’agit des maladies comme l’ascaridiose, la shigelose, l’amibiase et le choléra.
Conclusion
La gestion des déchets dans les villes en Afrique au sud du Sahara est un véritable défi aussi bien pour les pouvoirs publics que pour les autorités locales. Cette étude a montré que dans ces villes la gestion des déchets est chaotique et cela a un impact négatif sur la santé humaine et sur l’environnement. Dans l’ensemble des villes africaines la production des déchets est proportionnelle à l’accroissement de la population et à l’extension de l’espace urbain. Cette production des déchets est aussi due au changement de comportements de la population urbaine en matière de consommation.
Dans la ville d’Atakpamé l’accroissement de la population doublée de l’extension de la ville conduit de plus en plus à l’augmentation de la production des déchets dans la ville. Les différentes activités exercées entraînent une production quotidienne des déchets solides et la rareté des latrines dans la ville entraine la production des excrétas dans la nature dont la gestion est loin d’être maîtrisée. La ville dispose des dépotoirs intermédiaires de petite taille qui se remplissent vite mais au-delà il existe des dépotoirs intermédiaires qui ne sont pas plaines mais des populations créent des dépotoirs sauvages le long des cours d’eau et dans les rues. Il y en a qui incinèrent ces déchets et d’autres encore les enfouissent plutôt dans le sol. Ces différentes façons de gérer les ordures posent des problèmes sanitaires à court et long terme.
Il est donc impérieux de procéder à une gestion efficiente de ces déchets. Cela passe nécessairement par une bonne sensibilisation des populations sur la gestion actuelle qui est peu efficace et qui a des impacts sur la santé de l’homme et sur l’environnement. Il est important d’appeler ces dernières à faire des efforts de collecte vers les dépotoirs intermédiaires pour un meilleur traitement avant de conduire le reste vers une décharge finale. Cela suppose que la municipalité a un rôle important à jouer dans la construction des dépotoirs intermédiaires à des tailles raisonnable par rapport à la taille de la population des quartiers, mettre en place des techniciens en vue du traitement de ces déchets afin de les rentabiliser. Tout ce travail demande des fonds et la municipalité ne saurait supporter à elle seule cette charge. C’est le lieu de faire un plaidoyer auprès des ONG acquises à cette cause afin qu’elles puissent contribuer à une gestion efficiente des déchets à Atakpamé. On pourrait en faire du compost pour fertiliser les sols pour une agriculture bio. S’agissant des excrétas, la construction des latrines publiques s’avère nécessaire suivie d’une sensibilisation efficace de la population qui est déjà habituée à faire ses besoins dans la nature.
Références bibliographiques
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Auteur
1Ecole normale supérieure (ENS) d’Atakpamé (Togo), edouardatchole@gmail.com