Le Grand Abidjan connait une forte croissance de sa population. De 3 125 428 habitants en 1998 (RGPH, 1998), les abidjanais ont été évalués à 4 707 000 en 2014 soit un taux de croissance de 50,12% en 17 ans (RGPH, 2014). Cette masse démographique à moitié urbaine (INS-RGPH, 2014) crée une pression sur l’espace urbain périphérique par une production urbaine faite par les acteurs privés. L’évolution urbanistique de la ville d’Abidjan se caractérise par des axes majeurs de croissance urbaine. L’axe sud-est Abidjan-Bassam s’est imposé comme un axe d’importance majeure dans la croissance urbaine d’Abidjan, de par sa fonction de voie touristique et internationale. Cette forte croissance se caractérise par l’adjonction des projets de lotissements successifs réalisés en majorité par les acteurs privés que sont les Sociétés Civiles Immobilières (SCI), reléguant l’Etat au second plan. Cette situation favorise l’étalement urbain créant, ainsi un désordre et une déstructuration du terroir. D’où la question de savoir quelle est la place des acteurs privés dans la fabrique de l’espace urbain sur l’axe de croissance Abidjan-Bassam ? L’objectif de cette étude est de comprendre la place des acteurs privés dans la fabrique de l’espace urbain sur l’axe Abidjan-Bassam. De façon spécifique, il s’agit, dans un premier temps d’analyser les caractéristiques de l’urbanisation sur ce axe ; ensuite dans un second temps, de décrire les projets de lotissements ; et enfin, d’analyser le rôle des acteurs privés dans la réalisation des projets de lotissement. Cette étude repose sur trois piliers essentiels. La recherche documentaire, l’observation in situ, et des entretiens individuels auprès des acteurs privés que sont les Sociétés Civiles immobilières et de la population. Le front d’urbanisation Abidjan-Bassam se caractérise par l’adjonction des projets de lotissements successifs dotés des infrastructures et équipements, qui profilent par leurs modernités. L’avènement des acteurs privés (les SCI) à partir de 1980 dans la production de la ville, en complément des entreprises d’Etat déjà fragilisées par la crise socio-économique, vont jouer un rôle majeur dans la fabrique de la ville, en particulier sur l’axe de croissance Abidjan-Bassam.
Greater Abidjan is experiencing strong population growth. From 3,125,428 inhabitants in 1998 (RGPH, 1998), Abidjanis were evaluated at 4,707,000 in 2014, i.e. a growth rate of 50.12% in 17 years (RGPH, 2014). This half-urban demographic mass (INS-RGPH, 2014) creates pressure on the peripheral urban space through urban production carried out by private actors. The urban development of the city of Abidjan is characterized by major axes of urban growth. The south-eastern Abidjan-Bassam axis has established itself as an axis of major importance in the urban growth of Abidjan, through its function as a tourist and international route. This strong growth is characterized by the addition of successive subdivision projects carried out mainly by private actors such as the Civil Real Estate Companies (SCI), relegating the State to the background. This situation favors urban sprawl, thus creating disorder and disintegration of the land. Hence the question of what is the place of private actors in the making of urban space on the Abidjan-Bassam growth axis? The objective of this study is to understand the place of private actors in the making of urban space for growth in Abidjan-Bassam. Specifically, it is a question, first of all, of analyzing the characteristics of urbanization on this axis; then secondly, to describe the subdivision projects; and finally, to analyze the role of private actors in the realization of subdivision projects. This study is based on two essential pillars. Documentary research, in situ observation, and individual interviews with private actors such as real estate civil societies and the population. The Abidjan-Bassam urbanization front is characterized by the addition of successive subdivision projects equipped with infrastructure and equipment, which stand out for their modernity. The advent of private actors (SCIs) from 1980 in the production of the city, in addition to state enterprises already weakened by the socio-economic crisis, will play a major role in the making of the city, by particularly on the Abidjan-Bassam growth axis.
Introduction
La ville contemporaine se transforme à partir de modalités de "fabrication" impliquant, à différents niveaux et échelles d’organisation, des "collectifs" variés : élus, services de la ville, techniciens, acteurs privés (O. DEMBELE, 1999, p. 25), Cette fabrication est aujourd’hui fortement guidée et réactivée par la circulation et l’accumulation du capital (S. SASSEN, 2016, p. 211). En effet, lors des dernières décennies, ce processus a intégré de nouvelles dynamiques, compte tenu notamment de l’articulation entre le capital financier et le secteur immobilier. En Côte d’Ivoire, nous assistons à une augmentation du nombre de grands projets, dont l’envergure repose sur la mise en avant de nouveaux produits architecturaux, ainsi que sur de nouvelles régulations entre les acteurs publics et privés, à partir de logiques dominées par le marché (O. DEMBELE, 1999, p. 30) et par un secteur immobilier de plus en plus financiarisé. À Abidjan, ville du sud de la Côte d’Ivoire, les modes de production urbaine sont symptomatiques de ces rapports de forces entre acteurs et de ce que (A. YAPI-DIAHOU, 1990, p.55) désigne par le terme de "crise urbaine ". Les pouvoirs publics en charge de la production de la ville, à travers les règlements d’urbanisme, paraissent peiner à s’imposer comme acteurs prépondérants de l’aménagement urbain. Aussi, les grandes entreprises de construction et de promotion immobilière semblent être en position de force pour négocier avec les pouvoirs publics, voire pour changer les règles du jeu, et cela, depuis 1980. Les transformations qui se sont opérées sur le front d’urbanisation Abidjan-Bassam au cours des trente dernières années rendent compte à la fois des changements de stratégie des acteurs publics dans l’aménagement urbain et d’un renforcement du poids des acteurs privés dans ce système urbain "entrepreneurial" (A. A. KOUAKOU, 2008, p. 38). Le Grand Abidjan connait une croissance galopante. De 3 125 428 habitants en 1998, les abidjanais sont été évalués à 4 707 000 en 2014 soit un taux de variation de 50,12% en 17 ans (INS-RGPH, 2014). Cette masse démographique à moitié urbaine (INS-RGPH, 2014) crée une pression sur l’espace urbain périphérique par une production urbaine faite par les acteurs privés. Le Grand Abidjan comprend en plus des dix communes, intègre dorénavant la grande couronne qui s’étend au-delà des limites communales du district de Jacqueville et Dabou au sud-ouest, Anyama à Nord-est, Bingerville à l’est et Bassam au sud-est. Ces axes sont devenus des axes majeurs de croissance et de développement métropolitain (SDUGA, 2014). L’évolution urbanistique de la ville d’Abidjan se caractérise par des axes majeurs de croissance urbaine. L’axe nord sud-est Abidjan-Bassam s’est imposé comme un axe d’importance majeure dans la croissance urbaine d’Abidjan, de par sa fonction de voie touristique et internationale. Cette forte croissance se caractérise par l’adjonction des projets de lotissements successifs réalisés en majorité par les acteurs privés, que sont les Sociétés Civiles Immobilières (SCI), reléguant l’Etat au second plan. Cette situation favorise l’étalement urbain créant, ainsi un désordre et une déstructuration du terroir. D’où la question de savoir quelle est la place des acteurs privés dans la fabrique de l’espace urbain sur l’axe de croissance Abidjan-Bassam ? L’objectif de cette étude est de comprendre la place des acteurs privés dans la fabrique de l’espace urbain sur l’axe de croissance Abidjan-Bassam. De façon spécifique, il s’agit, dans un premier temps d’analyser les caractéristiques de l’urbanisation sur ce axe ; ensuite dans un second temps, de décrire les projets de lotissements ; et enfin, d’analyser le rôle des acteurs privés dans la réalisation des projets de lotissement.
1. Matériel et Méthode
1.1. Présentation de la zone d’étude
Longue de 50 kilomètres, l’axe Abidjan-Bassam (figure 1) constitue notre zone d’étude. Il commence par la commune de Port-Bouët qui est l’une des 10 communes de la ville d’Abidjan. Port-Bouët porte le nom du commandant BOUET Willomez, qui en 1937 fut chargé par le roi de France de conclure des traités de commerce et de protection avec les chefs côtiers. De 1965 à 1970, cette commune n’était qu’un hameau rural occupé par les populations autochtones Ebriés et Alladjan. C’était aussi une cité dortoir pour les ouvriers étrangers ayant participés aux travaux de construction du wharf et à l’ouverture du canal de Vridi. L’expansion des zones habitables de cette commune s’est faite progressivement donnant naissance à plusieurs quartiers dont derrière wharf, Adjouffou, Jean-folli, Vridicanal, Vridi Zimbaboué , Toviato, Binogosso et Gonzague ville. Cette concentration de population s’est accentuée sur le long de l’axe Abidjan-Bassam.
1.2. Techniques de collecte de données
Notre analyse s’appuie sur une double dimension socio spatiale du rapport entre architecture et société. En effet, l’architecture s’intéresse à l’espace physique et aux conditions spatiales dans lesquelles les rapports sociaux, politiques et économiques se manifestent ; aussi les rapports entre les acteurs engagés dans la production de telles formes spatiales sont-ils fortement liés au contenu social de la ville. Cette double approche nous aide à restituer les transformations urbaines et les logiques d’acteurs mises en œuvre dans ce processus. Pour la réalisation de notre étude, nous avons eu recours à deux techniques de recherches d’information : la recherche documentaire et l’enquête de terrain. Concernant la recherche documentaire, les données ont été collectées dans les bibliothèques de l’Institut de Géographie Tropicale, de l’Institut National de la Statistique, de l’Institut de Recherche et de Développement. Pour la détermination de la taille de l’échantillon, nous avons eu recours à la technique d’échantillonnage non aléatoire par la méthode de quotas. Ainsi, selon la technique du choix raisonné, nous avons choisi cinq (05) Sociétés Civiles Immobilières sur un total de vingt (20) sur des critères d’effectivité des projets réalisés. Il s’agit de la SICOGI, ROSIERS, SIPIM, SIDI et 3CB. Au niveau des habitants, nous avons retenu quatre (04) personnes par quartier selon les critères de résidence, sociodémographiques et d’âge : Un primo-résident, car ayant une bonne connaissance de l’histoire de la cité, un nouvel arrivant en raison du motif du choix résidentiel, le président du Syndic pour comprendre l’organisation de la cité, la chefferie villageoise pour connaitre les modalités de cessation des parcelles.
Figure 2 ; Répartition des personnes enquêtées par quartier (lotissement)
Source : Nos enquêtes 2020
2. Résultats et Discussion
2.1. Une urbanisation caractérisée par l’adjonction de lotissements successifs.
En Afrique de l’Ouest, les villes grandissent par l’adjonction des lotissements successifs (J. CHENAL, 2013, p. 25). L’urbanisation a toujours été à l’origine d’innovation économique, culturelle et sociale. Elle se caractérise par une mutation démographique, économique et sociale, et participe au processus de changements et de transformation des modes de l’utilisation de l’espace, des modes de production économique et des modes de consommation (Y. CHALAS, 2006, p110.). Ce processus est souvent assimilé à la modernisation. La croissance urbaine à Abidjan a engendré des déséquilibres internes par la transformation physionomique et organisationnelle de la ville (O DEMBELE, 1998, p.30). L’axe Abidjan-Bassam compte plus de 45 quartiers, mais le processus d’urbanisation/modernisation se fait sur les quartiers suivants : Cité Cocoterais Anani-amamou, Akissi-delta, Cité rosier cocoterais. Comment se caractérisent ces lotissements ?
2.1.1. Le projet de lotissement de « La cité Cocoteraie »
La cité Cocoteraie a une superficie de 76 ha. Le projet de lotissement a été approuvé le 21 décembre 2005 par le Ministre de la Construction, du Logement et de l’Urbanisme. Il compte 1290 lots. Cette cité était une forêt du domaine de l’Etat. Elle a été déclassée en 1955. La cité Cocoteraie est limitée au nord par le quartier éléphant, au sud par l’océan atlantique et le boulevard, à l’est par le quartier Biro et à l’ouest pas le commissariat de Gonzague ville.
2.1.2. Le projet de lotissement de « Atlantique 2 »
Réalisé par la SIPIM, la cité Atlantique 2 est un programme conçu pour offrir des logements fonctionnels qui répondent parfaitement aux attentes des résidents. Il est l’un des projets qui respecte les règles d’urbanisme. Le lotissement offre des villas 04 pièces de surface 97m2, mais aussi des appartements de 02 ,03 et 04 pièces dont la surface varie de 50 à 80m2.
2.1.3. Le projet de lotissement de « Les Rosiers »
Les cités ROSIER cocoteraie, constituent les logements sociaux dont la première réalisation date de 2005. Chaque cité comporte 250 logements par programme. Les constructions sont évolutives, et les modèles s’adaptent en fonction des catégories socio-professionnelles et du temps.
2.2. Des projets de lotissement caractérisés par la modernité
Les projets de lotissement observés sur l’axe Abidjan-Bassam se caractérisent par plusieurs traits dont : le mode d’habitat, la population, les activités économiques, les infrastructures et les équipements.
2.2.1. Typologie de l’habitat et du cadre de vie
Sur l’axe Abidjan-Bassam, l’observation faite nous a permis d’identifier plusieurs types d’habitats dont trois ont essentiellement retenus notre attention. Pour le premier type, il s’agit de l’habitat de haut standing à l’allure d’immeuble qu’on observe à la cité ROSIER Cocoteraie (photos 1 et 2).
Ces maisons sont des duplex de trois pièces et plus. Ainsi construits sur la supervision de l’Etat et des experts immobiliers, ce secteur regroupe plusieurs cités aux normes modernes avec un meilleur aménagement (présence de canalisation en général VRD…) et une bonne planification. L’environnement est sain et il fait bon vivre comme le confirme bien président du Syndic « ici à au quartier, nous avons tout ce qu’il faut, pas loin de la mer, on est tranquille ici ».
Au niveau de l’habitat, il est de type socio-économique, caractérisé par des villas basses. Les maisons ont une forme architecturale identique ou chaque acquéreur à la possibilité de modifier selon son goût.
2.2.2. Des projets caractérisés par la réalisation des infrastructures et équipements.
Le déficit en matière d’infrastructures est l’un des facteurs clés qui empêchent l’Afrique de réaliser son plein potentiel de croissance économique, son pouvoir concurrentiel sur les marchés mondiaux et l’atteinte de ses objectifs de développement, notamment la réduction de la pauvreté (M. SANE, 2017, p.55). Ces projets de lotissement sont dotés d’infrastructures et d’équipements (Tableau 1).
2.2.3. Un front d’urbanisation caractérisé par la mixité de la population et des activités économiques.
L’enquête de terrain a révélé une diversité d’activités et de populations. Il s’agit de la population autochtone constituée d’Ebrié et d’Alladjan et celle composée des ressortissants de la CEDEAO (Burkinabé, Béninois, Togolais, Malien…). Les étrangers exercent majoritairement dans le secteur primaire et secondaire (60% et 80%) contre 30% et 20% pour les nationaux (figure 3).
L’activité agro-pastorale (l’élevage des poulets, canards, lapins) est pratiquée en grande partie par les étrangers. Même si les autochtones restent encore les propriétaires terriens, les activités de main d’ouvre sont en grande partie exercées par les étrangers.
2.3. Les acteurs privés dans la production de l’espace urbain
Le secteur de l’immobilier en Côte d’Ivoire était une affaire de l’Etat. Cependant, depuis la crise économique qu’a connue la Côte d’Ivoire dans les années 1980, et sous la pression des Institutions de Breton Wood, l’Etat va se retirer du secteur de l’immobilier au profit des Sociétés de Construction immobilière privées. Le quartier de SICOGI à Yopougon est un bon exemple de quartier dit d’habitat économique produit par les Sociétés Civiles Immobilières de l’Etat de 1960 à 1980 afin de permettre aux classes moyennes l’accès à un habitat moderne (D. COURET, 1997, p.440). Cependant la crise économique des années 1980 va entrainer le ralentissement des activités des Sociétés d’Etat, favorisant l’émergence des Sociétés Civiles Immobiliers (SCI) privées.
La mise en place de la nouvelle politique de l'habitat, après l'indépendance, a été bien décrite par A. KOFFI (2007, p. 120). Au début des années 1960, l'État redéfinit une politique de logement. Elle comportait trois leviers principaux : une structure de promotion et de gestion de logements, une structure, des mécanismes de financement, une structure d'études et d'équipements des terrains. Pour réaliser les objectifs qu'il s'était assignés, l'État a élaboré des politiques de soutiens technique et financier et mis sur pied des structures d'intervention. La première forme d'aide à l'habitat économique est la gratuité totale des voies et réseaux divers, primaires et secondaires. Cette aide se concrétisait par la mise à la disposition des sociétés immobilières publiques ou semi-publiques, qui s'engageaient dans la construction de logements économiques, de terrains viabilisés à titre gracieux. La deuxième forme d'aide financière a consisté à la mise à la disposition de l'Office de Soutien de l'Habitat Économique (OSHE) d'un fonds de démarrage. Le troisième type de soutien est l'exonération fiscale accordée par l'État pour toutes les importations de matériaux de construction destinés à la construction de logements sociaux. Enfin, les principales sociétés immobilières bénéficiaient de l'aval de l'État pour les prêts sur le marché international.
2.3.1. Des sociétés d’Etat à l’avènement des Société Civiles Immobilières (SCI)
La SICOGI (Société Ivoirienne de Construction et de Gestion Immobilière) est créé en 1964, à la suite de la fusion des deux plus vieilles sociétés de promotion immobilière (SIHCI et UCCI). La SICOGI est une société de promotion et de gestion immobilière d'économie mixte. Elle devient très vite un des principaux outils de la réalisation de la politique de l'habitat social de l’Etat. La ville d’Abidjan représente plus de 1/3 de la population Ivoirienne (INS-RGPH, 2014,1), dans le cadre de l’aménagement de son territoire, l’Etat ivoirien dans l’objectif de rattraper son retard en matière de production de logements, incite les sociétés civiles immobilières à l’instar de la SICOGI et de la SOGEFIHA à construire des logements. Frappée par la crise économique de 1980, les sociétés privées prendront la relève à partir de 1984, contribuant ainsi à l’extension de la ville d’Abidjan, principalement sur l’axe ABIDJAN-BASSAM (A. KOFFI 2007, p. 200).
Après l’indépendance en 1960, la production des logements en Côte d’Ivoire, particulièrement à Abidjan a été confiée à deux grandes sociétés (SICOGI et SOGEFIA) qui avaient pour rôle de construire des maisons et les mettre à la disposition de l’Etat. Mais ces sociétés vont connaitre des difficultés par leur mauvaise gestion et le non-respect des clauses de contrat. Ce qui va susciter la naissance des promoteurs privés que sont les SCI. (Société Civile Immobilière) et des particuliers.
La privatisation de la production de logement est en soit une révolution dans le système de financement et de production de la ville (O. DEMBELE (1999, p. 32). Même si l’Etat s’est désengagé du secteur de la production d’habitat, il garde cependant un droit de regard dans la gestion de l’espace urbain, car les entreprises privées de promotion immobilière restent liées à l’Etat qui définit leurs activités et contrôle les choix urbanistiques des différentes opérations immobilières (O. DEMBELE,1999, p. 33).
La production du cadre bâti à Yopougon est quasiment le fait de plusieurs promoteurs immobiliers, de quelques particuliers et de sociétés privées (A. YAPI-DIAHOU, 1998, p. 1). Le secteur des promoteurs de l’immobilier privé semble le plus productif en matière de logement à Abidjan. En effet, plusieurs programmes de logement sont réalisés par les sociétés et participent à la densification et à l’aménagement de l’espace dans la commune d’Abidjan (A. A. KOUAKOU (2008, p. 30).
2.3.2. Présentation des SCI sur le front d’urbanisation Abidjan-Bassam
2.3.2.1. Les ROSIERS
Crée le 1er Mars 1995 à Abidjan, la société les ROSIERS possède son siège à Marcory Zone 4. Elle est spécialisée dans les projets d’aménagement et d’immobiliers. Elle a réalisé 10 programmes de construction sur une superficie de 200 hectares.
2.3.2.2. SIPIM
Crée en 1990, la Société Ivoirienne de Promotion Immobilière (SIPM) est devenue l’un des leaders incontournables de l’habitant individuel en Côte d’Ivoire. Son Siège est situé sur le boulevard Clozel en plein cœur du Plateau. Constitué essentiellement de professionnel du bâtiment, elle a décidé d’appuyer l’Etat. Son initiative d’aménagement sur l’axe Abidjan-Bassam réside dans la construction de la résidence Atlantide2 située sur la banlieue de Port-Bouët (photo 3).
2.3.2.4. 3CB
Crée en 1995, le siège de la société 3CB se trouve au quartier Sanonon Angré 8e Tranche. Elle occupe 12hectares sur les tronçons Abidjan-Bassam. En plus, des sociétés citées ils existent d’autres sociétés qui participent à l’aménagement du domaine public sur le traçon Abidjan-Bassam : GCD (Ghandour Construction et Développement) auprès desquelles nous n’avons pu obtenir des informations.
2.3.3. Rôle des SCI dans le processus d’aménagement du domaine public sur l’axe Abidjan-Bassam
Les SCI qui sont des sociétés privées, ont été créées en 1984 et ont pour fonction de faciliter la gestion des patrimoines immobiliers et d’en préparer la transmission aux particuliers. C’est-à dire quelles construisent des logements qu’elles vont vendent directement aux populations et non les mettre en location. La première opération fut la construction de plusieurs villas individuelles et de maisons en bande dans l’agglomération située à Cocody Angré dans le nord d’Abidjan et va étendre son champ dans toutes les localités de la Côte d’Ivoire. De plus, ils interviennent dans la viabilisation et la structuration du domaine public en respectant le plan d’urbaniste directeur imposé par l’Etat.
La privatisation de la production de logement est en soit une révolution dans le système de financement et de production de la ville (O. DEMBELE (1999, p.32). Même si l’Etat s’est désengagé du secteur de la production d’habitat, il garde cependant un droit de regard dans la gestion de l’espace urbain, car les entreprises privées de promotion immobilière restent liées à l’Etat qui définit leurs activités et contrôle les choix urbanistiques des différentes opérations immobilières (O. DEMBELE, 1999, p. 33). Avant toute construction, les programmes exigés par l’Etat aux SCI doivent comporter au moins 100 logements, dans le plan de lotissement, il faut qu’il y ait un espace de jeux, une école hôpital, marché etc.…) espace vert qui représente 5% des espaces en construction. L’Etat impose également le VRD (voie et réseaux d’eau, électricités, téléphone, assainissement établi selon le Plan Directeur d’Urbanisme (PUD) dans le cas des villes moyennes et le Schéma Directeur d’Urbanisme du Grand Abidjan sans le cas d’Abidjan. C’est un document qui évalue les potentialités du site et indique les zones non constructibles. Il constitue un cadre institutionnel et juridique dont l’objectif est de fixer les règles, afin d’éviter que s’installe le désordre sur le cadre de vie et entraver des intérêts publics.
2.3.4. Modes d’acquisitions et d’occupations de l’espace des différents acteurs
Les acteurs fonciers en Côte d’Ivoire sont l’Etat, la municipalité et les propriétaires coutumiers. Normalement toutes les terres appartiennent à l’Etat. Pour acquérir une parcelle, le promoteur rentre en négociation avec les propriétaires terriens. Au cours de la négociation. L’Etat a le pouvoir d’exproprier en dédommageant le propriétaire. L’acquisition de terrain en Côte d'Ivoire passe par deux arrêtés à savoir l'Arrêté de Concession Définitive (ACD), elle est l'acte par lequel l'administration entent consolide le droit de propriété. Il est délivré par le Ministre de la Construction, du Logement et de l’Urbanisme. La procédure de délivrance vient d’être déconcentrée en 2021. La demande s’effectue dorénavant les différentes Directions du Ministère.
Conclusion
L’axe Abidjan-Bassam s’est imposé comme un axe de croissance d’importance majeur dans le développement urbain d’Abidjan. La croissance urbaine s’est faite par l’adjonction de lotissements successifs comme c’est d’ailleurs dans bon nombre d’Afrique de l’Ouest. Depuis l’indépendance, l’Etat a toujours été un acteur majeur dans le développement. A partir de 1980, Plusieurs acteurs privés participent à l’aménagement du domaine public sur l’axe Abidjan-Grand-Bassam. Leur présence se matérialise par l’adjonction des projets de lotissements qui participe à l’étalement spatial de la ville d’Abidjan. Ces projets se caractérisent par une diversité d’équipements et d’infrastructures qui contribuent à améliorer le cadre de vie des populations.
Références bibliographiques
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YAPI Diahou Alphonse, 1990, « L'Etat et les municipalités en Côte d'Ivoire : un jeu de cache-cache », In Le droit et ses pratiques, pp 51-59.
Auteur
1Enseignant-Chercheur, Université Félix Houphouët-Boigny Cocody-Abidjan, (Côte d’Ivoire), traore.pornaidriss@yahoo.fr