Caractéristiques du relief et répartition de l’habitat dans la ville de Bouaké

Résumé

La morphologie du relief est un facteur important dans l’aménagement des villes et surtout dans la localisation de l’habitat. L’objectif de cette étude est d’analyser les rapports entre l’habitat et les caractéristiques morphologiques du site de Bouaké. La méthodologie s’appuie sur les observations directes de terrain et l’analyse des images satellitaires. Suivant une inclinaison orientée nord-ouest/sud-est, le site de Bouaké est dominé par des surfaces horizontales et subhorizontales à pentes et à dénivelés faibles. Ces surfaces occupent plus de 95% de l’espace urbain (Enquête, 2019). Toutefois, quoique faiblement représentés, il existe des secteurs à pentes fortes. La répartition de l’habitat montre une occupation indifférenciée de l’espace. Le bâti occupe toutes les positions topographiques y compris les pentes fortes et les bas-fonds inondables considérés comme des secteurs à risques.

Abstract

The morphology of the relief is an important factor in the development of cities and especially in the housing. The objective of this study is to analyze the relationship between habit and landforms in the city of Bouaké. The methodology is based on direct observation and the interpretation of satellite images. Following a north-west/south-east slope, the Bouaké site is dominated by horizontal and sub-horizontal surfaces with slight slopes and elevation. These surfaces occupy more than 95% of the urban space (investigation, 2019). However, although poorly represented, there are sectors with steep slopes. The distribution of the habitat shows an undifferentiated occupation of space. Buildings occupy all topographic positions including steep slopes and floodrsplains considered to be risky sectors.

Introduction

Le relief est le réceptacle des activités humaines, des infrastructures et de l’habitat. Il constitue de ce fait un facteur important dans la logique de leur implantation à la surface de la terre. Dans le cas particulier de l’habitat, qu’il soit rural ou urbain, certaines formes de terrains ne lui sont pas adaptées. Les pentes fortes par exemple peuvent favoriser une érosion forte pouvant entrainer des écroulements ou des glissements de terrain ; les bas-fonds sont exposés aux inondations, etc. Dans les pays en développement, il a été constaté que ces contraintes de localisation ne sont pas souvent prises en compte lorsqu’il s’agit d’implantation de l’habitat. Les aménageurs de l’espace urbain considèrent le plus souvent les données physiques de terrain comme secondaires par rapport aux moyens techniques à mettre en œuvre pour réaliser leurs projets (KAKEZA et MUBANGA, 1997) et l’urbanisation spontanée s’étend jusque dans les zones dangereuses à savoir les fonds de ravines ou encore les pentes les plus abruptes.

Selon ONU-HABITAT (2012), les dégâts des séismes en Haïti sont amplifiés par les malfaçons de construction sur les pentes fortes. Les observations de PRIEM (2009) et de MBAYE et al. (2004) ont montré que les inondations à Dakar et à Saint-Louis sont dues à l’occupation des dépressions. La ville de Saint-Louis est située dans le lit majeur du fleuve Sénégal (MBAYE et LAGANIER, 2004). En République Démocratique du Congo, les fortes pentes du versant gauche de la rivière Lwini sont occupées par l’habitat au niveau de la ville de Kikwit (KAKEZA et MUBANGA, 1997). Le constat est similaire au Cameroun où certains quartiers de la ville de Yaoundé sont construits dans des secteurs classés non aedificandi telles que les pentes fortes rocailleuses (TCHOTSOUA, 2007). En Côte-d’Ivoire, KAMAN (2013) a observé une occupation des flancs de collines et zones inondables par une frange de la population au sein du district d’Abidjan. Ces constats montrent que pour l’implantation de l’habitat, l’homme se soucie peu de la configuration topographique des sites urbains en Afrique. La ville de Bouaké n’échappe pas à cette réalité.

Ville-carrefour liée à sa situation au centre du pays, Bouaké est également une ville ferroviaire et industrielle avec l’implantation des établissements Gonfreville en 1921 suivis de Filtisac, Trituraf et Sitab. Tous ces facteurs ont impulsé une forte immigration qui a eu pour corollaire une croissance rapide de sa population qui est passée de 84 846 habitants en 1965 à 536184 habitants en 2014 (RGPH, 1965, 2014). Avec l’arrivée des migrants, l’extension du bâtit s’est nourrie de l’occupation incontrôlée et anarchique de l’espace. Dès lors, quelles sont les modalités topographiques d’implantation de l’habitat dans la ville de Bouaké ? Cette étude a pour objectif d’analyser les rapports entre les formes de relief et la répartition de l’habitat dans la ville de Bouaké.

1. La zone d’étude

Située à 7°69’ de latitude nord et à 5°03’ de longitude ouest, la ville de Bouaké couvre une superficie d’environ 13000 ha. Elle est limitée au nord par la ville de Katiola, au sud par celle de Djébonoua, à l’ouest par les villes de Béoumi et Sakassou, et à l’est par la ville de Brobo (figure 1). La ville de Bouaké jouit d’un climat subéquatorial de transition dit « baouléen » caractérisé par quatre saisons. La pluviosité moyenne y est de 1200 mm/an. La température moyenne de la ville oscille autour de 26°C et varie peu durant l’année. Par ailleurs, la direction des rayons solaires s’écarte peu de la verticale. Bouaké est au centre d’une diffluence fluviale coïncidant avec le sommet du dôme granitique entre le Bandama et le Nzi. La ville se développe sur un plateau disséqué par un réseau hydrographique secondaire assez lâche. Ce plateau est partagé entre trois sous bassins versants tributaires du fleuve Bandama : au nord le bassin versant de la Loka, celui du Kan au sud et à l’est le bassin versant du Soungourou. On y observe de nombreux marigots à écoulement périodique. Les rubans marécageux de la Loka et du Kan morcellent l’espace de la ville. Selon ATTA (1978), Bouaké possède des sols de type ferrugineux (favorables au cuirassement) et des sols de type ferralitique.

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2. Données et méthode

2.1. Données

Les données utilisées dans cette étude sont des cartes, des photographies aériennes, des points d’altitude et des données de terrain. Il s’agit, d’une part, de la carte topographique de Bouaké à 1/50000 et, d’autre part, de la carte de la ville de Bouaké. Cette dernière est issue du rapport du schéma directeur d’urbanisme de la ville (SDU 2030, phase 1). Les points (avec des coordonnées X, Y et Z) ont été téléchargés sur le site www.zonum.com. Ils ont servi à l’élaboration du modèle numérique de terrain et de la carte des pentes de la ville de Bouaké. Par ailleurs, des observations ont permis de localiser l’habitat et de collecter des données morphométriques à l’aide d’un GPS portatif.

2.2. Méthode

2.2.1. La carte des types d’habitats

La carte qui présente les types d’habitats de la ville de Bouaké a été élaborée à partir des cartes du Schéma Directeur d’Urbanisme (SDU) de la ville de Bouaké. Celle-ci a été géoréférencée puis numérisée à l’aide du logiciel Arc gis 10.2. Ce logiciel comporte des fonctionnalités qui permettent d’obtenir de façon automatique les superficies, notamment à l’aide de l’outil « measure ».

2.2.2. Etude du relief

L’étude du relief revêt plusieurs aspects. Il s’agit de l’élaboration d’une carte des facettes topographiques, d’un modèle numérique de terrain (MNT), de la carte des pentes et enfin de la réalisation de levés qui ont permis de saisir toutes les aspérités du terrain à une échelle plus fine. La cartographie des facettes topographiques s’est appuyée sur l’interprétation visuelle des photographies aériennes à l’aide d’un stéréoscope de poche. Le dessin des contours retient comme critère les ruptures et les inflexions pentes qui sont par ailleurs biens visibles sur les photos à 1/50000ème. Trois types de facettes ont fait l’objet d’une restitution cartographique : les sommets, les versants et les bas-fonds.

Le modèle numérique de terrain et la carte des pentes ont été obtenu à partir des points d’altitude téléchargés sur le site www.zonum.com. Dans un premier temps, ces points ont étés appelés sur le logiciel Arcgis 10.2 et transformés en fichiers vecteurs. A l’aide de l’outil « create TIN », un « TIN » a été généré. Ce fichier, converti en raster a permis d’élaborer la carte des pentes et de réaliser le modèle numérique de terrain du site. Le levé topographique a été fait suivant des unités spatiales d’échantillonnage : les toposéquences, unités spatiales linéaires comprises entre le sommet d’un interfluve et son bas-fond le plus proche. Ainsi, avons-nous relevé à chaque inflexion de pente, des points GPS et fait des observations au niveau du sol et de l’habitat. Les mesures données par le GPS (sur la longitude, la latitude et l’élévation du point) ont été notées sur des fiches de terrain. Les dénivelées, les pentes et les distances ont été obtenues par calcul. Importées sur le logiciel Arc gis 10.2., les données GPS ont permis de réaliser des profils topographiques et de calculer les pentes de chaque portion de versant ou facette topographique.

Pente (%) = dénivelée (m) / distance (m)

Les dénivelées sont données par les logiciels. Les pentes en degré ont été obtenues par une simple règle de trois, sachant qu’une pente de 100 % fait 45°.

Pente (degré) = pente (%) * 45/100

2.3. Analyse du risque urbain

La carte des risques urbains a été élaborée à l’aide du logiciel Arc gis 10.2. Elle résulte de la superposition de plusieurs couches d’informations dont celles des facettes topographiques et celles de la typologie des habitats et de l’hydrographie. Nous avons commencé par rastériser toutes ces couches et attribuer à chacune d’elles des coefficients variant entre 1 et 4 pour chaque facteur considéré. Ces coefficients varient selon le degré d’importance que nous accordons à chaque couche d’informations. Plus la densité est forte, plus le coefficient est élevé. Pour ce qui est des couches de la typologie des habitats, les coefficients sont attribués selon que les quartiers sont viabilisés ou pas. Les coefficients des couches de facettes topographiques ont été attribués, quant à eux, suivant le niveau de risque que l’on y rencontre. Ensuite, à l’aide de l’outil « raster calculator », nous avons multiplié les différentes couches d’information affectées de leurs coefficients.

De l’analyse minutieuse du milieu, nous avons recueilli un certain nombre de données et procédé à leur traitement cartographique. Cette banque de données a été organisée dans un système de gestion de base de données à référence spatiale. Cela a permis de catégoriser les menaces qui pèsent sur l’habitat, spatialiser l’occupation du sol et les risques morpho-hydrologiques, hiérarchiser les menaces encourues et identifier les zones marginales de l’habitat à Bouaké.

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3. Résultats

3.1. Nomenclature de l’habitat de la ville de Bouaké

L’habitat est assez diversifié dans la ville de Bouaké. Il en existe huit types d’habitats (figure 4) dont les extensions sont présentées dans le tableau 2.

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La ville est dominée par trois types d’habitats : la couronne périphérique, caractérisée par un habitat mixte où s’entremêlent le précaire et le moyen standing est le plus important avec plus de 40% d’occupation de l’espace. Le moyen standing couvre 2052,04 hectares, soit 24,36% de l’espace. Le bas standing est le troisième type le plus étendu avec 1028,89 ha, soit 12,21% d’occupation. Les autres types d’habitats sont faiblement représentés. Avec respectivement 8,61% et 6,93% d’occupation, le noyau ancien et le haut standing constituent les types les plus étendus de cette tranche. Les villages traditionnels et les quartiers précaires apparaissent comme de petites enclaves de très faibles ampleurs disséminées dans le tissu urbain. Ils ne représentent que 3,61% et 3,25% respectivement. Concernant les promotions immobilières, il en existe très peu dans le tissu urbain puisqu’elles n’apparaissent que dans seulement 0,68% des cas, ce qui correspond à 57,45 hectares.

3.2. Les caractéristiques du relief de la ville de Bouaké

3.2.1. Les facettes topographiques

Trois types de facettes topographiques ont été cartographiés : les sommets, les versants et les bas-fonds. Leurs superficies sont consignées dans le tableau 3.

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Il ressort de l’analyse de ce tableau que l’essentiel de l’espace est réparti entre les facettes de versants, les métaèdres, et les facettes de sommets, les supraèdres. Les premiers sont nettement plus étendus avec 5499 ha, soit 43,96% de l’espace. Les seconds occupent 5238 ha, soit 41,87% du relief. Les bas-fonds ou infraèdres, nettement moins représentés, n’occupent que 1772 ha, soit, 14,16%.

3.2.2. Caractéristiques de la surface topographique

Situé entre les dépressions du Bandama blanc à l’Ouest et du N’zi à l’Est, le site de la ville de Bouaké est un vaste interfluve qualifié de « horst » granitique parce que dominant son environnement par des altitudes nettement plus élevées. Les altitudes du site de la ville de Bouaké sont comprises entre 239 m et 408 m (figure 2).

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Le MNT, en mode panchromatique (figure 2), montre une gradation de teinte variant du blanc au noir, ce qui correspond respectivement aux plus faibles et aux plus fortes valeurs d’altitude. D’une manière générale, les plus hautes altitudes, là où dominent les teintes noires, se localisent à l’Ouest. Vers l’Est, on observe un éclaircissement de la couleur qui passe progressivement de gris-claire à blanche. Ce passage progressif matérialise une évolution régressive des altitudes. Dans le détail, on observe que des sillons gris-foncés alternent avec de nombreux sillons clairs à blancs. Cette structure correspond en réalité à de longs interfluves laniérés par des dépressions plus ou moins importantes.

Le transect Nord-Sud et Est-Ouest est révélateurs de cet aspect vallonné du site. D’une longueur totale de 11,7 kilomètres, ce profil Nord-sud prend en écharpe les quartiers Dar-es-salam et Air-France en passant successivement par Kamounoukro, Koko, Commerce et Nimbo. Entre les deux extrêmes, Dar-es-Salam à 354 mètre au nord et Air-France à 331 m au sud, la dénivellation est de 23 m. Le point culminant se situe au quartier Commerce à 369 m d’altitude, surplombant le secteur nord (Dar-es-salam Kamounoukro, Koko) et le secteur sud (Nimbo et Air-France) respectivement par des dénivellations de 15 m et de 38 m. Le profil topographique montre un espace faiblement disséqué par des rivières par ailleurs peu profondes d’orientation Nord-est/Sud-Ouest. Il en résulte un modelé à allure moutonnée sur toute l’étendue du tracé (figure 3).

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3.2.3. Analyse des pentes

Les pentes varient entre 0 et 10% (tableau 4).

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La classification établit fait ressortir cinq catégories de surfaces : les surfaces horizontales à sub-horizontales (0-2%), les pentes très faibles (2-4%), les pentes faibles (4-6%), les pentes moyennes (6-8%) et les pentes fortes (8-10%). L’extension spatiale de chaque classe fait ressortir la prédominance des surfaces horizontales et sub-horizontales (48,95%) et des espaces à très faibles pentes (47,50%). Ces deux premières catégories s’étendent sur plus de 12 000 hectares, soit 95,45% du périmètre urbain. Géographiquement, elles couvrent tout le site, mais l’ouest est dominé par les surfaces horizontales (figure 4).

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Le reste du site est caractérisé par des reliefs à faibles pentes qui s’étendent sur 423,68 hectares sur les 508 hectares restants. Les pentes moyennes, avec seulement 18,60 hectares, sont d’étendue très limitée. On les trouve préférentiellement concentrées vers l’Est et le sud. Enfin, les pentes fortes sont très rares sur le site de la ville. Avec seulement 1,12 hectare, soit 0,0089% de l’espace, elles sont disséminées vers le sud, l’extrême Ouest et l’Est. Ces statistiques montrent que le site urbain de Bouaké a une topographie plane à très faiblement accidentée. En de rares endroits, comme dans le sud, l’extrême Ouest et l’Est, quelques versants abrupts se signalent et rompent cette monotonie plane du relief.

3.3. Caractéristiques morphométriques et implantation de l’habitat urbain

Dans l’objectif de mettre en évidence les rapports entre la topographie et l’implantation de l’habitat, quatre séquences ont été mises en place dans différents quartiers correspondant à des types d’habitats différents : haut, moyen et bas standing.

3.3.1. La séquence topographique du quartier Municipal

Situé à l’ouest de la ville, le quartier Municipal se caractérise par un habitat de type « haut standing », en général des villas basses modernes et autres habitations à loyer modéré (HLM).

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La séquence décrite dans ce quartier est développée sur 965 m. Elle s’incline faiblement sur une pente moyenne de 2%. Si le haut de versant présente une pente beaucoup plus faible, la section inférieure a une inclinaison beaucoup plus prononcée (4% au moyen versant et de 5% bas de versant). A l’exception du bas-fond encombré de colluvions, la cuirasse affleure à tous les niveaux de la topographie. Au niveau de l’habitat, aucune section du versant n’a été épargnée par les constructions.

3.3.2. La séquence topographique du quartier Ahougnansou

Ahougnansou est l’un des plus anciens quartiers de la ville de Bouaké. Voisin immédiat du quartier Municipal, il est caractérisé par un habitat de type « moyen standing ». La séquence décrite a une longueur totale de 584 m pour une dénivelée de 23 m. Sa pente moyenne est de 3,94%, soit 1,8° d’angle. Mais le haut de versant a une pente plus prononcée avec 6,34% d’inclinaison. La dynamique superficielle est marquée par un ensablement important de bas de versant qui n’a cependant pas découragé l’implantation d’un habitat de bas et moyen standing. Le haut de versant se caractérise par des marques d’érosion qui transgressent sur le sommet où la cuirasse affleure en de nombreux endroits. Sur ces deux facettes, l’habitat est particulièrement dense contrairement au bas de pente.

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L’analyse du tableau révèle que l’érosion est active sur cette séquence (p2 à p5). Celle-ci se perçoit par la présence d’éléments tels que les ravinements, les rigoles d’érosion, les affleurements de cuirasses et de roches granitiques. Aussi, la faible quantité d’éléments grossiers arrachés plus haut entre les points 1 et 2 combinée à leur forte présence au niveau de l’espace compris entre les points 4 et 5 sont-elles témoins d’une érosion d’ampleur moyenne. En outre, la présence de maisons sur sol hydromorphe (p1 à p2) les soumet à un risque d’inondation, celles des autres espaces (p2 à p5) étant sous l’influence de l’érosion.

3.3.3. La toposéquence du quartier N’gattakro

N’gattakro fait partie des quartiers les plus denses du point de vue de l’espace bâti. La séquence qui y est réalisée est assez longue puisqu’elle se développe sur plus de 900 m (figure 7). Elle se caractérise par un dénivelé de 33 m et une pente moyenne de 3,5%. Le sommet et le bas de versant ont des pentes plus faibles, mais le haut de versant présente une inclinaison nettement plus forte de 7%.

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Sur la séquence de N’gattakro, l’habitat occupe tous les niveaux topographiques. Dans le bas-fond ensablé, on note la présence de maisons basses de type moyen standing. Au niveau du bas-versant la présence de cuirasses affleurantes et des rigoles sont révélatrices d’une érosion intense qui affecte également le moyen et le haut de versant. En dépit des risques induits toutes ces facettes sont occupées par un bâti assez dense de moyen standing. Sur le sommet monclinal, les faits d’érosion sont perceptibles partout : rigoles d’érosion, cuirasses affleurantes. Ici également, le bâti est dominé par le moyen standing complanté de quelques maisons de bas et haut standing.

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3.3.4. La toposéquence du quartier Banco

La séquence du Banco est la plus courte de toutes les séquences étudiées. Elle a une longueur totale de 50 mètres pour une dénivellation totale de 18 m. au versant supérieur, sur un dénivelé de 13 m, la pente est très forte avec une inclinaison de plus de 23%. Pour autant, l’habitat n’y est pas absent. D’ailleurs, on s’aperçoit que la densité des constructions de type précaire et de bas standing y est très forte. Le versant inférieur, lui, a des pentes plus faibles variant entre 10% et 1%. A ce niveau topographique, l’habitat, de même type que précédemment y est également très serré et les ruelles de circulation sont très étroites. Dans le bas-fond ensablé, on n’observe aucune habitation, ce qui constitue un fait particulier qui ne nous a jamais été donné de voir sur les autres transects décrits.

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3.4. Les risques hydro-géomorphologiques du site de la ville de Bouaké

La détermination des risques hydro-géomorphologiques s’appuie sur l’analyse de la combinaison des pentes, les facettes topographiques, le réseau hydrographique et le type d’habitat.

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L’observation du tableau 9 montre que ce sont les bas-fonds, les versants à pente forte, les ordres hydrographiques supérieurs et l’habitat précaire qui présentent les plus forts indices de risques hydro-morphologiques. Ces considérations pondérées ont permis la réalisation de la figure 9.

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Sur cette figure, les plages blanches correspondent aux secteurs à priori sans risque. Les espaces à risques sont tramés dans l’ordre croissant du vert (risques faibles) au rouge (risques forts) en passant le jaune et l’orange (risque moyen). L’observation de cette carte permet de se rendre compte que les secteurs sans risques dominent largement dans la ville Bouaké. Les secteurs à risques forts sont très rares. On les rencontre surtout dans l’est de la carte. Les espaces à risques moyens sont plus diversifiés que les précédents. Enfin les risques faibles se répartissent dans le sillage des secteurs à risques moyens auxquels ils sont contigus.

4. Discussion

Cette étude, qui s’est faite à partir de l’exploitation de la carte topographique et des images satellitaires, a montré que le relief de la ville de Bouaké est dominé par les formes planes ou subaplanies. Les résultats issus de la carte des pentes montrent que celle-ci sont comprises entre 0 et 10%. Ces valeurs s’intègrent dans la classe des pentes faibles (R. Brunet, 1963 ; O. Sedan et al, 1999). Cette situation peut apparaître comme un facteur favorable à l’implantation de l’habitat, et par ricochet, à l’expansion de la ville dans la mesure où la stabilité des terrains est peu ou prou affectée. On peut donc inférer que la ville de Bouaké présente très peu de risques face à certaines calamités naturelles tels que les éboulements et les glissements qui constituent un danger permanent dans bon nombre de villes africaines, mais aussi ivoiriennes telles que Man ou encore Abidjan. Sur le site de la ville de Bouaké, l’analyse a montré que les versants abrupts (pente supérieure à 10%) qui sont le lieu de déclenchement de ces phénomènes sont très rares et la douceur des pentes limite, non seulement le déclenchement de ces aléas, mais aussi la vulnérabilité des personnes et des biens. Toutefois, la quasi-horizontalitalité de plus de 80% des surfaces de la ville peut induire un aléa important : l’inondation par stagnation. Celle-ci peut advenir à tout instant lorsque la circulation des eaux pluviales est gênée, soit par déficit d’aménagement de l’espace, soit par une trop forte densité du bâti, soit encore par un dysfonctionnement des ouvrages de canalisations. L’aléa inondation affecte surtout les vallées alluviales par débordement des lits mineurs de sorte que les eaux peuvent transgresser très loin sur les versants.

Dans la ville de Bouaké, les bas-fonds inondables représentent 14% de la surface topographique. Les observations et mesures directes sur le terrain montrent que ces secteurs, considérés comme des espaces à risques n’ont pas échappé à l’implantation du bâti. Excepté le bas-fond de la séquence du Banco, l’habitat couvre toutes les situations topographiques (sommet, versant et bas-fond) et ce, quelle que soit la valeur de la pente (forte, moyenne et faible) sur les autres sites d’observation. La ville de Bouaké ne serait pas un cas isolé. Selon J.C. Thouret, R. d’Ercol, 1999 ; F. Leone, 1996 ; F. Saha, 2013 ; Priem, 2009 et de Mbaye et al, 2004, il s’agit d’un fait général observable dans la plupart des grandes villes des pays en voie de développement. Le phénomène de l’exode rural qui alimente la démographie urbaine et la spéculation foncière qui en découle serait le facteur clé de l’occupation indifférenciée de l’espace urbain. Conclusion Le relief de Bouaké se singularise par la mollesse des formes bien que dominant son environnement immédiat par des altitudes plus élevées. La faiblesse des pentes et des dénivellations sont sans doute à l’origine d’une occupation uniforme de l’espace urbain. En effet, les populations ne trient pas les secteurs d’implantation de leur habitat. La mise en valeur des bas-fonds et l’horizontalité de la surface topographique expose l’habitat, les personnes et les infrastructures à des inondations susceptibles de causer de graves dommages dans la ville.

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Auteurs

1Maître-assistant, Université Alassane Ouattara de Bouaké, UFR-CMS, Laboratoire de Géographie Physique (LGP), nambeguesoro@yahoo.fr

2Doctorant, Université Alassane Ouattara de Bouaké, UFR-CMS, Laboratoire de Géographie Physique (LGP), koneatchimanalain@gmail.com

 

 

Catégorie de publications

Date de parution
31 déc 2019