Modes de gestion des ordures ménagères et des eaux usées et santé de la population dans la ville de Gagnoa (Centre-ouest de la Côte d’Ivoire).

Résumé

La ville de Gagnoa dont la population a quadruplé en quarante-cinq ans avec une population qui est passée de 42362 habitants en 1975 (RGP, 1975) à 186745 habitants en 2020 (INS, estimation 2020) connaît une dynamique démographique qui suscite des problèmes environnementaux comme la prolifération des ordures ménagères. L’explosion démographique amène les populations à occuper les zones inondables et marécageuses dépourvues de systèmes d’assainissement adéquats pour évacuer les eaux usées et pluviales. 55,83% des ménages évacuent difficilement leurs ordures ménagères (Touré, 2018). Cette situation engendre des problèmes environnementaux dont la dégradation du cadre de vie qui influence directement l’état de santé de la population. Cette étude permet d’évaluer le niveau de dégradation de l’environnement et le lien avec la santé de la population. L’étude révèle que les populations de la ville souffrent de plusieurs pathologies dont le paludisme (72,33%), les maladies respiratoires (9,34%), la diarrhée (8%), la fièvre typhoïde (6%), le choléra (0,5%) dues à la dégradation de leur environnement comme l’attestent 72,83% des ménages. Une meilleure gestion de l’environnement permettra sans doute de garantir une bonne santé de la population.

Abstract

The city of Gagnoa, whose population has quadrupled in forty-five years with a population which increased from 42,362 inhabitants in 1975 (RGP, 1975) to 186,745 inhabitants in 2020 (INS, estimation 2020), is experiencing a demographic dynamic which gives rise to environmental problems such as the proliferation of household waste. The population explosion is causing populations to occupy flood and swampy areas lacking adequate sanitation systems to evacuate wastewater and rainwater. 55.83% of households find it difficult to dispose of their household waste (Touré, 2018). This situation creates environmental problems, including the deterioration of the living environment which directly influences the state of health of the population. This study makes it possible to assess the level of environmental degradation and the link with the health of the population. The study reveals that the populations of the city suffer from several pathologies including malaria (72.33%), respiratory diseases (9.34%), diarrhea (8%), typhoid fever (6%), cholera (0.5%) due to the degradation of their environment as attested by 72.83% of households. Better management of the environment will no doubt guarantee good health for the population.

Introduction

 « L’urbanisation dans les pays en voie de développement est préoccupante, car 150 000 personnes s’ajoutent à la population urbaine quotidiennement, attirées par la promesse d’une meilleure qualité de vie » (P. CHEVALIER, P. GOSSELIN 2003, p. 9). C’est dans les régions les plus pauvres de la planète que la croissance est maximale, soit entre 5 et 7% par an (P. CHEVALIER, P. GOSSELIN, 2003, p.9). Cette urbanisation engendre une dynamique particulière quant à la dégradation de l’environnement, le changement climatique dont les effets prévisibles sur la santé sont réels (P. CHEVALIER, P. GOSSELIN, 2003, p. 10). On note, en Afrique, la persistance de problèmes environnementaux, surtout au niveau de la gestion des déchets solides et liquides. Dans certaines villes, seulement 10% des ordures sont collectées (P. CHEVALIER, P. GOSSELIN, 2003, p. 31). Cela entraîne des problèmes majeurs de santé publique ; 62 000 cas de choléra et 171 000 cas de dysenterie ont été attribués aux déchets urbains en 1994 (P. CHEVALIER, P. GOSSELIN, 2003, p. 31). « Les risques sanitaires sont liés à l’insalubrité résultant des conditions d’habitat précaire et de la mauvaise gestion des déchets urbains » (S. TESSIER, 1991, cité par I. SY, 2006, p. 256). Malgré l’avènement de l’Agence de Gestion des Déchets de Côte d’Ivoire (ANAGED) le 25 Octobre 2017, structure en charge de la régulation de la filière des déchets de toutes natures, la Côte d’Ivoire continue de faire face à une dégradation de son environnement dont les effets s’observent à travers une détérioration du cadre de vie.  Gagnoa a vu sa population passer de 85563 habitants en 1988 (INS, 1988) à 107124 habitants en 1998 (INS, 1998). Sa population en 2014 est estimée à 160465 habitants (INS, 2014) soit une croissance de 59% en 16 ans. Les estimations de la population urbaine de Gagnoa avoisinent 186745 habitants en 2020. La forte croissance démographique s’accompagne d’un développement spatial anarchique qui échappe à tout contrôle des pouvoirs publics (E. NGNIKAM et al, 2007, p. 1). Cette croissance de la population entraîne plusieurs problèmes qui sont entre autres : les problèmes d’assainissement, les problèmes de gestion des ordures ménagères et de pollutions de toutes sortes. Le rapport du Ministère de la santé et de l’hygiène Publique (MSHP) indique que la morbidité chez les enfants de moins de 5 ans en 2016 en Côte d’Ivoire a été dominée par le paludisme (286,87%0), les infections respiratoires aigües (175,01%0), l’anémie, la diarrhée (88,51%0), la malnutrition et la coqueluche (MSHP, 2017). À Gagnoa, ces incidences sont plus importantes avec 321,40%0 pour le paludisme, 204,41%0 pour les infections respiratoires aigües (IRA) et 149,28%0 pour la diarrhée (MSHP, 2017).

L’incidence du paludisme dans la population générale en Côte d’Ivoire est 154,58%0 alors qu’à Gagnoa cette valeur est de 244,16%0. Au niveau des IRA, l’incidence nationale en Côte d’Ivoire en 2016 était de 55,66%0 mais à Gagnoa, cette valeur était en hausse et atteint 65,84%0. Quant à la diarrhée, l’incidence nationale dans la population générale était de 24,95%0 en 2016 et à Gagnoa, ce chiffre était en augmentation de 14,22 point soit 39,17%0 (MSHP, 2017).

En 2017, concernant le paludisme, le district sanitaire de Gagnoa connaît un taux d’incidence de l’ordre de 235,63%0 supérieur à l’incidence nationale (164,1%0) au sein de la population générale (MSHP, 2018). La région sanitaire du Gôh (248,8%0) occupe la 3ème place en termes de taux d’incidence du paludisme le plus élevé en Côte d’Ivoire dans la population générale après les régions sanitaires du Gbêkê (257,5%0) et du Hambol (251,8%0) (MSHP, 2018). Au cours de la même année, dans le district sanitaire de Gagnoa, les IRA connaissent un taux d’incidence de l’ordre de 55,8%0 dans la population générale et ce taux est encore une fois plus élevé que le taux national (55,3%0) (MSHP, 2018). Concernant la diarrhée, le taux d’incidence dans le district sanitaire de Gagnoa qui est de 110,6%0 au sein de la population âgée de moins de 5 ans est supérieur à l’incidence nationale (81,8%0). En effet, dans la population générale, le taux d’incidence de la diarrhée dans le district sanitaire de Gagnoa qui est de 32,8%0 est plus élevé que le taux national (22,4%0) et la région sanitaire du Gôh occupe la première place en termes de taux d’incidence de diarrhée dans la population générale dans toutes les régions sanitaires de Côte d’ivoire. Toutes ces statistiques attestent que Gagnoa est une zone de forte incidence de paludisme, d’infections respiratoires aigües et de diarrhée dans la population générale et même chez les enfants de moins de 5 ans. Cette situation qui est très alarmante pour la santé de la population mérite qu’on mène une étude scientifique afin de comprendre le rapport entre le mode de gestion des ordures ménagères, des eaux usées et l’état de santé de cette population. Le problème posé est que malgré les dispositions réglementaires relatives à l’amélioration du cadre de vie mises en place par l’État en 1996 à travers le code de l’environnement, associant les efforts des collectivités locales (41,55% du budget triennal 2014-2016 de la mairie de Gagnoa a été consacré à l’environnement et à la santé) pour une meilleure gestion de l’environnement dans la ville, la population de la ville de Gagnoa connaît des problèmes de santé lié à son cadre de vie. La question qui se dégage est de savoir : comment le mode de gestion des ordures ménagères et des eaux usées influence l’état de santé de la population dans la ville de Gagnoa ? Cet article vise à montrer que le problème de santé développé par la population est lié à son mode de gestion des ordures ménagères et des eaux usées.

1. Méthodologie

1.1. Zone d’étude

Le département de Gagnoa, d’une superficie de 4787 km2 (INS, 2014) est limité au nord par Issia et Saioua, au sud par Divo, à l’ouest par Soubré et à l’est par Yamoussoukro. La ville de Gagnoa est située en zone tropicale humide. Le régime pluviométrique est bimodal avec une première période humide qui va d’Avril à Juillet et une seconde de Septembre à Octobre. La grande saison sèche s’étend de novembre à mars alors que la petite saison sèche va du mois d’août à la mi-septembre. La population du département de Gagnoa est de 602 097 habitants, pour une superficie de 4787 Km2 soit une densité départementale de 125,8 hab/Km2 avec une taille moyenne par ménage de 6 personnes (INS, 2014). Le milieu physique de Gagnoa favorise la recrudescence de maladies comme le paludisme en saison des pluies avec les eaux mal évacuées qui constituent des gîtes pour les moustiques. Quant à la saison sèche, elle favorise les IRA aigües causées par la poussière inhalée par les populations. La figure 1 présente la localisation de la ville de Gagnoa.

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1.2 Méthode de collecte de données

La recherche documentaire et l’enquête de terrain ont été utilisées comme démarche méthodologique.  La recherche documentaire s’est axée sur l’urbanisation, le mode de gestion des ordures ménagères et des eaux usées, l’épidémiologie spatiale. Pour l’enquête de terrain, le choix de la taille de l’échantillon est basé sur le recensement de la population ivoirienne de 2014 fournit par l’INS. La ville de Gagnoa qui fait l’objet de notre étude comptait 31 710 ménages en 2014 (INS, 2014). Le nombre de ménage à enquêter dans la ville de Gagnoa a été obtenu à l’aide de la formule mathématique suivante d’Adil El Marhoum (1999) qui est :

n =  Z²(PQ)N/[e² (N –1) + Z²(PQ)]N = 31570 (Taille de la population mère) ; Z = 1,96 (Coefficient de marge (déterminé à partir du seuil de confiance de 95%)) ; e = 0,04 (Marge d’erreur tolérée) ; P = 0,5 (Proportion de ménages supposés avoir les caractères recherchés) et

Q = 1 – P. On obtient n=589 ménages que l’on arrondi à 600 ménages avec un taux de réponse de 98,16%. Le choix des ménages à enquêter s’est basé sur le type de construction.

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Le traitement statistique a permis d’élaborer une série de tableaux, de diagrammes circulaires, de courbes d’évolution, d’histogrammes qui ont été très utiles dans la description et l’explication des résultats obtenus. À cet effet, les logiciels comme Excel, Sphinx se sont avérés indispensables pour la réalisation de ces figures et tableaux. Les informations recueillies ont été traitées aussi manuellement. Le logiciel Word a servi à saisir les données. Pour la réalisation des cartes on a eu recours à l’outil informatique avec les logiciels Adobe Illustrator CS11, Arcview version 3.2 et Arcgis. Les faits observés et étudiés sont illustrés aussi par des photographies. Des tests statistiques sont utilisés notamment, le test de Khi2 de Karl Pearson et le modèle de régression. Pour le modèle de régression, lorsque le coefficient de détermination r² est :

- compris entre 0,8 et 1, on a une corrélation de très forte intensité de relations ;

- compris entre 0,6 et 0,7, on a une corrélation de forte intensité de relations ;

- compris entre 0,4 et 0,5, on a une corrélation de moyenne intensité de relations ;

- compris entre 0,2 et 0,3 on a une corrélation de faible intensité de relations ;

- compris entre 0 et 0,1 on a une absence de corrélation ou une corrélation de très faible intensité de relations.

2- Résultats

2.1. Un mode de gestion des ordures ménagères qui influence la santé des populations

2.1.1. La quantité de déchets produits

Gagnoa fait partie des grandes villes en Côte d’Ivoire vu que la population de la ville est comprise entre 100 000 habitants et 3 000 000 habitants. La population de la ville de Gagnoa était de 160 465 habitants en 2014 (RGPH, 2014). A Gagnoa, la production journalière des déchets par habitant et par jour qui est de 0,8 kg/hab (ANDE, 2001). Selon les estimations de l’ANDE, on note que la ville produit 128 372 kg de déchets par jour. Cependant, la production de déchets n’est pas homogène car il y a une inégalité de la distribution de la population. La figure 2 met en exergue la quantité de déchets produite dans les types de quartiers de la ville de Gagnoa.

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Selon l’enquête de terrain, la production des déchets par les ménages dans la ville est importante car 43,33% des enquêtés disent produire un seau de 25kg de déchets chaque trois jours contre 22% des ménages qui produisent plus d’un sachet bleu de déchets d’environ 6 kg chaque trois jours.

2.1.2 Le conditionnement des déchets

47,17% des ménages utilisent les seaux sans couvercle pour conditionner les ordures ménagères contre 17,50% des ménages qui ont recours au petit fût couvert quand 15,67% des ménages ont recours au sac pour recueillir les ordures ménagères. Quant au sachet, il est utilisé par 9,66% des ménages. Aussi, 10% des ménages interrogés laissent-ils les ordures à l’air libre c’est-à-dire sans aucun conditionnement comme le montre la figure 3.

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2.1.3. Les lieux de déversement des ordures ménagères

Plusieurs modes d’évacuation des ordures ménagères se présentent à nos enquêtés à savoir les bacs à ordures, les caniveaux, la rue à ciel ouvert 44,17% des ménages disent utiliser les bacs à ordures pour évacuer leurs déchets ménagers. Une fois mis dans ces bacs, la mairie se charge de ramasser les ordures qu’elle conduit à la décharge (photo 1).

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Pour les populations qui n’ont pas accès à ces bacs, d’autres modes d’évacuation s’offrent à elles comme déverser les ordures derrière les habitations. A à ce niveau, on note que 22,83% des ménages sont concernés. On a également 15,50% des ménages interrogés qui ont recours à la rue à ciel ouvert. Les caniveaux (5,50%) et les puits perdus (6,67%) sont aussi utilisés par les ménages pour évacuer les ordures ménagères. Les rivières, les bas-fonds sont aussi des lieux de déversements des déchets. La figure 4 met en évidence la répartition des ménages par type de quartiers selon les lieux de déversement des ordures ménagères.

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Dans les quartiers résidentiels, 60% des ménages utilisent les bacs à ordures. Aussi, 10% des ménages se débarrassent de leurs ordures derrière la maison, 8,33% dans la rivière Guéri et 6,67% dans les caniveaux. C’est au quartier Commerce que les ménages utilisent le plus les bacs à ordures (83,33%) suivi de Sogéfiha (75%). Mais les bacs à ordures sont moins utilisés à Saint-Georges (31,58%) et Delbo (28, 57%).En deuxième position pour le rejet des déchets ménagers l’arrière de la maison avec 24,20% des ménages. Cette pratique est plus développée à Dar-es-Salam (40,22%) et Cocoville (40%). Quant à la rue à ciel ouvert, 15,92% des ménages des quartiers économiques y ont recours pour rejeter leurs déchets ménagers.

Concernant la rivière Guéri, ce sont 2,76% des ménages des quartiers évolutifs qui ont recours à ce lieu pour y déverser leurs déchets. Le quartier Soleil est le lieu où les ménages déversent le plus les déchets (19,23%) dans la rivière Guéri. Ces photos présentent un dépôt sauvage d’ordures à côté de la rivière Guéri où un homme fait la lessive.

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Les caniveaux sont utilisés par 5,10% des ménages des quartiers évolutifs, mais surtout les ménages de Cocoville et de ceux de Barouhio respectivement à 20% et 16,67%. À Odiennékourani, le mode d’évacuation le plus utilisé est le bac à ordures (37,68%) suivi de la rue à ciel ouvert (24,64%) et derrière la maison (24,64%). 24% des ménages de ce quartier précaire éliminent leurs déchets dans les caniveaux contre 5,80% dans les puits perdus. Les ONG que sont Union des Agents de Ramassage des Ordures de Gagnoa (UAROG), International Youth Fellowship (IYF) et Reboisement, Santé pour tous et Sécurité des biens et des personnes (RSS) aident la mairie dans la pré-collecte des ordures ménagères avec les tricycles mis à leur disposition. La municipalité possède des bennes, une chargeuse et des tricycles qu’elle a reçus du ministère de la salubrité urbaine. Une fois les déchets sont collectés au niveau des postes de groupage, c’est la mairie qui se charge de les acheminer exclusivement grâce aux bennes et à la chargeuse vers la décharge de la ville qui s’étend sur 3 hectares, située à 7 km de la ville sur l’axe Gagnoa-Sinfra. À la décharge, les déchets subissent une décomposition naturelle et sont par la suite incinérés. Les déchets qui échappent à la précollecte des agents de la mairie et des ONG sont brûlés sur place par les ménages ou enfouis dans le sol. La photo 4 montre la collecte de déchets par le service technique de la Mairie.

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2.1.4. Les ordures ménagères : une menace pour la santé des populations

Les dépôts d’ordures ménagères représentent non seulement une pollution « esthétique » du cadre de vie, mais ils sont surtout une source de maladies diverses : paludisme, intoxications alimentaires, fièvre typhoïde, choléra, etc. L’enquête de terrain montre que dans la ville de Gagnoa, 68% des ménages attestent que leur habitation est située à côté d’une zone insalubre et 73,33% en sont irrités. Le brûlage des ordures ménagères entraîne des rejets de polluants organiques nocifs (particules respirables) à la santé des populations. L’enfouissement aussi peut polluer les eaux souterraines et l’homme se contamine en consommant quotidiennement l’eau provenant des nappes phréatiques. À Gagnoa, il existe plusieurs sites insalubres qui permettent de développer les différentes pathologies comme le montre la figure 5.

Dans la ville de Gagnoa, 43,33% des ménages disent produire un seau de 25 kg de déchets chaque trois jours et 17,17% affirment produire une bassine de déchets d’environ 70 kg sur la même période. Parfois, ces déchets restent sur place longtemps avant d’être ramassés. En effet, 22% des ménages déclarent que ces déchets mettent une semaine avant d’être évacués alors que pour 21,33% des ménages, ces déchets mettent plus d’une semaine avant ramassage. Pour 20,17% des ménages, ces ordures restent sur place pendant plus d’un mois avant d’être éliminés.

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2.2.1. Le mode d’évacuation des eaux usées ménagères

Pour déverser leurs eaux usées, les ménages ont recours aux caniveaux, à la rue, aux fosses septiques, à la rivière Guéri (tableau 2).

Le tableau met en évidence les pratiques des populations en ce qui concerne les rejets des eaux usées. Il ressort que les rues à ciel ouvert et les caniveaux demeurent les modes de rejet des eaux usées ménagères les plus répandus avec respectivement 42,50% et 38,67%.

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2.2.2. Le mode d’évacuation des eaux vannes

Pour les eaux vannes, les ménages utilisent soit la fosse septique, la rue à ciel ouvert. Le tableau 3 permet d’apprécier les modes d’évacuation en fonction des quartiers.

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Source : Enquête de terrain, 2018.

Selon les ménages enquêtés dans la ville de Gagnoa, les caniveaux restent plus utilisés pour 32,17% des ménages. Aussi 30,33% des ménages laissent couler leurs eaux vannes dans la rue à ciel ouvert contre 13,50% qui s’en débarrassent derrière leur maison. Les ménages ont recours aussi aux fosses septiques pour éliminer les eaux vannes (22,33%) contre 1,67% dans la rivière Guéri. La photo 5 montre des fosses septiques bien construites pour contenir les eaux vannes.

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Ces fosses septiques utilisées pour contenir ces eaux vannes sont en mauvais état et présentent de graves risques sur la santé.

2.2.3. Les maladies développées par les populations

Le mode de rejet des eaux usées de ménage peut affecter la santé des populations surtout quand le mode d’évacuation n’est pas adéquat. En effet, dans la ville de Gagnoa, 41,50% des ménages rejettent les eaux usées de ménage dans la rue à ciel ouvert et en même temps 72,33% des ménages disent souffrir régulièrement de paludisme. Le rejet des eaux usées de ménage dans la rue à ciel ouvert est plus accentué dans les quartiers économiques avec 45,44% des ménages notamment dans les quartiers comme Saint-Georges, Sokouradjan, Baoulébougou et Delbo.

À Saint-Georges, 68,42% des ménages évacuent leurs eaux usées de ménage dans la rue à ciel ouvert et dans ce quartier 84,21% des ménages disent souffrir de paludisme. Dans ce quartier les eaux usées sont déversées à ciel ouvert. À Sokouradjan, 63,54% des ménages rejettent ces eaux usées dans la rue à ciel ouvert et 69,79% des ménages déclarent se plaindre régulièrement du paludisme. À Baoulébougou, 61,82% des ménages éliminent leurs eaux usées de ménage dans la rue à ciel ouvert et 61,82% d’entre eux avouent souffrir souvent de paludisme.

À Delbo, 57,14% des ménages évacuent leurs eaux usées de ménage dans la rue à ciel ouvert et 85,71% des ménages déclarent souffrir de paludisme.

À Dioulabougou, 39,44% des ménages rejettent leurs eaux usées de ménage dans la rue à ciel ouvert et 80,28% des ménages avouent souffrir régulièrement de paludisme.

À travers ces statistiques, il convient de retenir que le mode de rejet des eaux usées de ménage est lié à des pathologies comme le paludisme. En effet, ces eaux usées servent de gîtes pour les moustiques, vecteurs du paludisme.

2.2.4. L’impact des eaux vannes sur la santé des populations

Le mode de rejet des eaux vannes peut affecter la santé des populations surtout quand le mode d’évacuation n’est pas adéquat. En effet, dans la ville de Gagnoa, 30,33% des ménages rejettent leurs eaux vannes dans la rue à ciel ouvert et 13,50% derrière la maison et en même temps 72,33% des ménages disent souffrir régulièrement de paludisme. Le rejet des eaux vannes dans la rue à ciel ouvert est plus accentué dans les quartiers économiques avec 30,78% des ménages et à Odiennékourani (40,58%). Le rejet est parfois effectué derrière la maison (16,35%) dans les quartiers économiques.

À Saint-Georges, 68,42% des ménages évacuent leurs eaux vannes dans la rue à ciel ouvert et dans ce quartier 84,21% des ménages disent souffrir de paludisme.

À Sokouradjan, 40,62% des ménages rejettent ces eaux usées dans la rue à ciel ouvert et 69,79% des ménages déclarent se plaindre régulièrement du paludisme.

À Dioulabougou, 43,66% des ménages rejettent leurs eaux vannes dans la rue à ciel ouvert et 80,28% des ménages avouent souffrir régulièrement de paludisme.

À Odiennékourani, 40,58% des ménages évacuent leurs eaux vannes dans la rue à ciel ouvert et 78,26% des ménages déclarent souffrir de paludisme.

À Cocoville, 40% des ménages évacuent leurs eaux vannes derrière la maison et 80% des ménages déclarent souffrir de paludisme.

À Babré, 26,09% des ménages évacuent leurs eaux vannes derrière la maison et 73,91% des ménages déclarent souffrir de paludisme.

À Baoulébougou, 25,46% des ménages éliminent leurs eaux vannes derrière la maison et 61,82% d’entre eux avouent souffrir souvent de paludisme. L’arrière de l’habitation est l’endroit approprié pour des ménages pour évacuer les eaux vannes comme le montre la photo 6.

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À travers mes statistiques, il ressort que le mode de rejet des eaux vannes est lié à des pathologies comme le paludisme. En effet, ces eaux vannes servent de gîtes pour les moustiques, vecteurs du paludisme.

2.3. Evaluation du niveau de dégradation des quartiers

Pour évaluer le niveau de dégradation dans les différents quartiers de Gagnoa, une série d’indicateurs a été retenue à laquelle des notes sont attribuées. Ainsi, les quartiers dont les notes sont inférieures à 10/20 sont considérés comme des quartiers de faible dégradation. Ceux dont la note est comprise entre 10 et 11,99/20 sont les quartiers de niveau de dégradation moyen et les quartiers avec les notes supérieures ou égales à 12/20 sont les quartiers de niveau de dégradation élevé. La figure 6 montre les différents niveaux d’insalubrité de la ville de Gagnoa.

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2.4. Lien entre le niveau de dégradation causé par le mode de gestion des ordures ménagères et des eaux usées et l’état de santé de la population.

 La mise en relation a nécessité l’utilisation de choix d’outil statistique notamment « r ». La figure 7 permet d’apprécier cette corrélation.

Dans cette corrélation linéaire, la variable explicative est le niveau de dégradation de l’environnement et la variable expliquée est le nombre de malades. À travers la figure 7, les deux variables évoluent dans le même sens, ce qui signifie que plus l’environnement est dégradé par les ordures ménagères et les eaux usées ménagères et vannes, plus le nombre de malades lié à l’environnement augmente. Les coefficients de détermination r2=0,833 et r2=0,985 sont compris entre 0,8 et 1, ce qui atteste qu’il existe un lien très fort (Christine Dufour, 2018) entre le niveau de dégradation de l’environnement les maladies environnementales. Par exemple, 66,67% des ménages habitant dans les quartiers résidentiels souffrent de paludisme contre 72,19% de ceux habitant les quartiers économiques.

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Pour les maladies diarrhéiques, 6,66% des ménages des quartiers résidentiels en souffrent contre 7,85% des ménages des quartiers économiques et 10,14% des ménages du quartier précaire.

Pour un nombre de degrés de liberté de 2, le r lu dans la table de Pearson est de 0,95 alors que le r calculé est de 263,55. Après comparaison, le r calculé est supérieur au r lu. Ce qui atteste que l’état de santé des populations est lié au niveau de dégradation de l’environnement grâce au tableau niveau de dégradation et état de santé des populations.

3- Discussion

La ville de Gagnoa est confrontée à un véritable problème de dégradation de son environnement. 47,17% des ménages utilisent des seaux sans couvercle pour conserver les déchets, puis les déversent dans les caniveaux, dans la rue à ciel ouvert, dans les fosses. Les résultats des travaux de M. COULIBALY et al. (2015, p.15) dans la ville de Daloa sont sensiblement pareils à ceux de la présente étude. En effet, les seaux constituent les principaux récipients utilisés pour recueillir les déchets ménagers utilisés par 41,8% des ménages interrogés pour recueillir les déchets ménagers. Les eaux usées ménagères sont éliminées dans la rue à ciel ouvert par 42,50% des ménages interrogés à Gagnoa. À Songon-Agban, 93% des ménages déversent leurs eaux de lessive et de vaisselle dans la rue ou dans la nature (S. K. OUATTARA et al., 2018, p. 409). Les ordures ménagères qui constituent des dépôts sauvages dans la ville de Gagnoa ont une double conséquence : esthétique pour 23% des ménages. Cette assertion est également confirmée par (K. N. T. ATTINDEKOUN, 2012, p.84). Cependant, le principal risque de l’accumulation des ordures, c’est la prolifération des microbes et parasites de toutes sortes, ainsi que des animaux qui vivent de ces reliefs[1] : salmonelles, mouches, moustiques, rats, souris. Autant de compagnons à l’origine de parasitoses diverses : paludisme, intoxications alimentaires, fièvre typhoïde, choléra mais aussi la peste (OMS, 1998). La prolifération des dépôts sauvages s’explique par le manque d’équipements de collecte des ordures ménagères. En effet, ce n’est que 44,17% des ménages qui déversent leurs ordures ménagères dans les bacs à ordures à Gagnoa. Pour l’OMS (1998), cité par M. COULIBALY (2015, p.18), les déchets domestiques organiques posent des problèmes sanitaires particulièrement graves, puisqu’en fermentant, ils créent des conditions favorables à la survie et à la multiplication des pathologies microbiens, surtout lorsque faute d’assainissement, des excréments humains y sont associés. À Gagnoa, les infrastructures d’assainissement sont presqu’inexistantes dans des quartiers comme Odiennékourani, Dar-es-salam, ce qui explique le recours des ménages à la rue pour l’élimination des eaux usées. Par ailleurs, l’absence de système d’assainissement et d’évacuation des eaux usées a un impact sur la qualité de l’environnement, sur le cadre de vie et sur la santé des populations (ONU-Habitat, 2012, p.24). Cette situation s’aggrave avec les inondations souvent récurrentes dans les quartiers défavorisés qui manquent de systèmes d’assainissement. La décomposition des ordures ménagères dans les différents quartiers de la ville, engendre une pollution de l’air avec un effet certain sur les IRA. La remontée en surface de matières fécales de latrines rudimentaires entraîne un risque de contamination des aliments et de l’eau de boisson (I. SY et al., 2004, p.13). Dans la ville de Gagnoa, les pathologies causées par la dégradation de l’environnement sont entre autres le paludisme (72,33%), les IRA (9,34%), la diarrhée (8%). Cette recrudescence des pathologies, trouve son explication dans les faits de santé des populations. Les résultats de l’étude de ONU-Habitat (2012, p. 24) montrent qu’une analyse de la morbidité indique que les maladies liées à l’environnement malsain tels que le paludisme, les infections respiratoires aigües et la diarrhée sont les plus fréquentes dans les communes d’Abidjan. À Gagnoa, l’étude révèle qu’entre 83,3% et 98,5% des maladies liées à l’environnement sont dues à la dégradation de l’environnement. À Daloa, 70,16% des maladies environnementales seraient attribuées à la dégradation de l’environnement (M. COULIBALY et al., 2018, p.23). À Gagnoa, dans les quartiers résidentiels, le taux de prévalence du paludisme est de 66,67%, celui de la diarrhée est de 6,66% pour un niveau de dégradation élevé de 18,33%. Dans les quartiers économiques, le taux de prévalence du paludisme est de 72,19%, celui de la diarrhée est de 7,85% pour un niveau de dégradation élevé de 21,02%. Dans le quartier précaire, le taux de prévalence du paludisme est de 78,26%, celui de la diarrhée est de 10,14% pour un niveau de dégradation de 24,64%. L’étude révèle à travers ces statistiques que le niveau de dégradation conditionné par la présence ou non de système d’assainissement, d’équipements de collecte des ordures ménagères dans les quartiers impacte la santé de la population.

Conclusion

Cette étude a permis d’établir un lien entre le mode de gestion des ordures ménagères et des eaux usées de ménages et la santé de la population dans la ville de Gagnoa. L’étude révèle que la ville de Gagnoa subit continuellement une dégradation de son environnement par les ordures ménagères et les eaux usées ménagères et vannes. Cette situation environnementale affecte la santé des populations. Le paludisme, les infections respiratoires aigües et la diarrhée touchent le plus les populations dans les quartiers économiques et précaires. En effet, l’implication des ONG dans la collecte des ordures ménagères avec des moyens à l’appui, la sensibilisation de la population à l’utilisation de fûts avec couvercle et à la construction des fosses septiques pour recueillir les eaux usées permettront sans nul doute la préservation de l’environnement, gage d’une santé durable.

 

Références bibliographiques

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COULIBALY Moussa, TUO Péga., AKE-AWOMON Djaliah Florence, 2018, « Ordures ménagères, eaux usées et santé de la population dans la ville de Daloa (Centre-ouest de la Côte d’Ivoire) », Revue Espace Territoires Sociétés et Santé (en ligne), Vol. 1, No. 1, Juin 2018, pp. 46- 65 / IGT, Université Félix Houphouët-Boigny d’Abidjan.

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OUATTARA Sotia Koné, KAMBIRE Bébé et YMBA Maïmouna, 2018, « Gestion des déchets liquides et vulnérabilité des populations aux maladies : cas de Songon-Agban », District d’Abidjan, Tropicultura, 36, 2, p. 407-416.

SALEM Gérard., 1998, La santé dans la ville. Géographie d’un petit espace dense : Pikine(Sénégal), Paris, Karthala-IRD, 368 p

SY Ibrahim, 2006, La gestion de la salubrité à Rufisque (Sénégal), enjeux sanitaires et pratiques urbaines, Thèse de Doctorat, Géographie, Université Louis Pasteur-Strasbourg, 525 p.

TESSIER. Stéphane, 1991, « Les maladies de l’enfant liées à l’eau en milieu urbain. », Colloque pluridisciplinaire Géographie-Médecine sur l’eau et la santé en Afrique tropicale, Limoges, octobre, PULIM, pp. 63-72.

 

 

 

Auteurs

1Doctorant, Institut de Géographie Tropicale (IGT), Université Félix Houphouët-Boigny,abdoulkarimtour88@yahoo.com

2Assistant, Institut de Géographie Tropicale (IGT), Université Félix Houphouët-Boigny,mathieuniamke23@gmail.com

3Professeur Titulaire, Institut de Géographie Tropicale (IGT), Université Félix Houphouët-Boigny,anohpaul@yahoo.fr

 

[1] Reste de nourriture des ordures

Catégorie de publications

Date de parution
30 juin 2020