L’État de Côte d’Ivoire connaît des problèmes liés à l’offre de service scolaire public. Pour résoudre ce problème, les autorités ivoiriennes ont, depuis l’indépendance, investi une bonne partie du budget du pays dans l’éducation. Toutefois, plusieurs obstacles persistent encore surtout dans les localités comme Sakassou. Cette étude se propose d’analyser les problèmes liés à l’offre de service scolaire public de base dans ladite localité ainsi que les stratégies de remédiation à cette situation. Ce travail repose sur des enquêtes de terrain effectuées à l’aide d’un questionnaire et de guide d’entretien enrichis par la compilation d’ouvrages relatifs à l’éducation en Afrique en général et en Côte d’Ivoire particulièrement. L’étude révèle que le déficit et la vétusté des équipements scolaires, le dysfonctionnement des COGES , le manque de formation des encadreurs et des enseignants ainsi que les difficultés d’acquisition et d’entretien des manuels scolaires sont les problèmes liés à l’offre en service scolaire public de base à Sakassou. Pour pallier ces obstacles, l’étude suggère une plus grande implication du ministère de l’éducation national, des collectivités territoriales et des cadres de la ville dans la construction et l’équipement des établissements scolaires, le besoin d’un COGES de plus en plus fonctionnel et l’adoption d’une politique de scolarisation de plus en plus adaptée au primaire.
The State of Côte d'Ivoire has problems with the provision of public school services. To solve this problem, the Ivorian authorities have, since independence, invested a large part of their budget in education. However, several obstacles still persist especially in localities like Sakassou. This study aims to analyze the problems related to the provision of basic public school service in that locality as well as strategies for remediation to this situation. This work is based on field surveys carried out using a questionnaire and interview guide enriched by the compilation of books on education in Africa in general and in Côte d'Ivoire in particular. The study reveals that the lack and dilapidation of school facilities, the dysfunction of COGES, the lack of training of supervisors and teachers, and the difficulties in acquiring and maintaining textbooks are the problems associated with basic public school service in Sakassou. To address these barriers, the study suggests greater involvement of the Ministry of National Education, local authorities and city officials in the construction and equipment of schools, the need for a COGES increasingly functional and adopting an increasingly primary schooling policy.
Introduction
Au lendemain de son assertion à la souveraineté nationale en 1960, l’État de Côte d’Ivoire a fait de l’éducation « la priorité des priorités » avec pour objectif d’assurer la scolarisation à 100% de la jeunesse. À cet effet, il a ratifié de nombreuses conventions internationales (Jomtien en 1990, Forum mondial de Dakar en 2000, Assemblée des Nations Unies en 2000 pour les OMD, etc.). L’État de Côte d’Ivoire a aussi investi une bonne partie de son PIB dans l’éducation (18,28 % en 2019 selon le Ministère auprès du premier ministre chargé du budget, 2019, p. 29). Cette politique a permis d’accomplir des progrès considérables pour accueillir les nouvelles générations. Malgré cela, le taux de scolarisation des enfants dans le pays n’a pas encore atteint les 100 %. Il est de 91,06 % avec un taux d’achèvement de 77,7 % (MENETFP, 2018, p. 36). Les écoles souffrent d’un manque criard d’infrastructures scolaires surtout dans un contexte de croissance démographique soutenue ou la population d’âge scolaire (6 à 11 ans) ne cesse d’augmenter. Cette population est passée de 2 635 627 enfants en 1998 à 3 571 909 enfants en 2014, impliquant un taux moyen annuel de croissance de 2,6 % (INS, 1998, 2014). La situation s’est aggravée à la faveur des différentes crises socio-politiques qui se sont succédées depuis 1990. Celles-ci ont contribué à réduire de façon substantielle la part du PIB consacrée à l’éducation de 36 % en 1990 à 18,28 % en 2019 (Banque Mondiale, 2011, p. 10 ; Ministère auprès du premier ministre chargé du budget, 2019, p. 29).
Aussi, les collectivités territoriales (Communes et Régions) à qui ont été transférées un certain nombre de compétences dont l’éducation dans le cadre de la politique de décentralisation, peinent à jouer pleinement leur rôle faute de financement adéquat. Les parents d’élèves qui ont été associés à la gestion des établissements scolaires publics par l’État de Côte d’Ivoire, ont du mal à s’organiser de façon efficiente. Sakassou, ville moyenne située au centre de la Côte d’Ivoire n’est pas exempte de cette réalité. Ces différents constats amènent à se poser la question suivante : comment améliorer l’offre de service scolaire public de base dans la ville de Sakassou ? De cette question centrale découle les questions subsidiaires suivantes : Quels sont les problèmes liés à l’offre de service scolaire public de base dans la ville de Sakassou ? Quelles sont les stratégies à mettre en place pour améliorer l’offre de service scolaire publique de base dans la ville de Sakassou ? Cette étude analyse d’une part les problèmes liés à l’offre de service scolaire public de base dans la ville de Sakassou et d’autre part les stratégies de remédiation à ces problèmes.
1. Matériels et méthode
La ville de Sakassou est située dans la région de Gbêkê au centre de la Côte d’Ivoire à 43 kilomètres de la ville de Bouaké, chef-lieu de région (figure 1). Elle est peuplée de 13 186 habitants (INS, 2014).
Cette étude s’appuie sur une approche documentaire qui a permis de faire l’état des lieux des recherches menées sur la question de la scolarisation, aussi bien en Côte d’Ivoire qu’en Afrique. Une enquête de terrain a été menée de Mars à Avril 2017 dans la ville de Sakassou. Elle a permis d’abord, grâce à l’observation, de faire un inventaire des différentes infrastructures scolaires publiques de la ville, d’apprécier leur état et de faire des prises de vue. L’inventaire des établissements scolaires publics de base se présente comme suit (tableau 1).
Ensuite, des guides d’entretiens semi-directifs ont été adressés au Sous-préfet, au Secrétaire général de la Mairie, au Secrétaire général du Conseil Général de Gbêkê, à l’Inspecteur de l’Enseignement Primaire de Sakassou, aux Conseillers pédagogiques, au Proviseur du Lycée, aux directeurs des écoles primaires, aux responsables COGES et aux leaders communautaires (chefs de villages, présidente des femmes, président des jeunes et imams). L’objectif de ces entretiens était d’appréhender les problèmes liés à l’offre de service scolaire public de base à Sakassou ainsi que les propositions de solutions pour remédier à cette situation. Enfin, une enquête par questionnaire a été menée au niveau des écoles. Au niveau des écoles préscolaires et primaires, le questionnaire a été adressé aux enseignants. Ce sont donc les deux (2) maîtresses du préscolaire et les 66 enseignants des 12 écoles primaires qui ont été enquêtés. Le choix des enseignants comme cible d’enquête au niveau de ces deux cycles se justifie par le faite que l’on suppose que ceux-ci sont mieux placés pour nous donner les informations sur les conditions de travail, vu l’âge des élèves (3 à 11 ans). Par contre au premier cycle du lycée, le questionnaire a été adressé aux professeurs principaux et aux élèves. Le choix des professeurs principaux se justifie par le fait qu’ils sont les tuteurs des élèves de la classe dont ils ont la charge sur le plan de la formation et de la discipline. En ce qui concerne les élèves, le questionnaire a été adressé à 10 % de l’effectif des élèves du premier cycle du secondaire reparti dans le tableau 2 suivant. L’objectif était d’apprécier les conditions de travail de ceux-ci.
Le logiciel sphnix V 2 plus a servi au traitement statistique des données. Pour la réalisation de la carte, l’on a eu recours au logiciel de cartographie ArcMap 10.2. L’usage d’un appareil photo numérique a été utile pour la prise de vue des faits observés.
2. Résultats
2.1. Les problèmes liés à l’offre de service scolaire publique de base dans la ville de Sakassou
Les problèmes liés à l’offre de service scolaire publique de base au niveau de la ville de Sakassou se posent en termes d’insuffisance et de vétusté des équipements scolaires de base, de manuels scolaires endommagés et de dysfonctionnement des comités de gestion. L’analyse effectuée dans cette partie distingue les difficultés rencontrées dans les écoles primaires publiques et celles du premier cycle public du secondaire. 2.1.1. Les problèmes liés à l’offre de service scolaire au niveau du cycle primaire public 2.1.1.1. Des équipements scolaires de base insuffisants et vétustes Les équipements scolaires dont il est question ici sont : les salles de classe, les tables-bancs, les points d’eau et l’éclairage. À Sakassou, il n y a qu’une seule école maternelle localisée au groupe scolaire Sakassou Centre alors que la logique voudrait qu’il y ait une école préscolaire dans chaque école. Ce groupe scolaire est situé au centre de la ville. L’emplacement de cette école constitue un facteur de ségrégation socio-spatiale. En effet, sa mise en place s’est faite au bénéficie des quartiers centraux d’où un inégal accès des populations surtout celles vivant dans les périphéries. Les salles de classe sont insuffisantes vu l’effectif croissant des élèves. Ceux-ci commencent à dépasser 40 élèves fixés comme seuil maximum par l’UNESCO (UNESCO, 2013, p. 9).
Les effectifs pléthoriques (plus de 60 élèves) se rencontrent au groupe scolaire Sakassou centre et au groupe scolaire Sakassou Est. Toutefois, l’ouverture de l’EPP résidentiel BAD en 2015, a permis de désengorger un tant soit peu les écoles de la ville. Cette école a été créée grâce au projet de développement des ressources humaines pour le renforcement de l’administration locale dans les zones Centres et Nord de la Côte d’Ivoire (PNC-CI). Tout comme les salles de classe, les tables-bancs sont également en nombre insuffisant car la majorité de ceux-ci sont cassés ou déboités. La situation est plus alarmante au Groupe scolaire Sakassou Centre et au Groupe scolaire Sakassou Est où le ratio élèves par table-banc dépasse 2. Ce qui veut dire que les élèves se retrouvent à 3 sur un table-banc. Cette situation rend les conditions d’apprentissage inconfortables. En ce qui concerne l’accès à l’électricité, l’étude révèle que seul deux (2) écoles primaires sur les 12 établissements de la ville sont électrifiées. Des problèmes de vols de câbles, d’ampoules électriques et même de tableaux de compteur sont évoqués par les enseignants du groupe scolaire Sakassou Sud. Cela s’explique par l’absence de gardien dans cette école. Au Groupe scolaire Sakassou Est, ce sont des problèmes de non-paiement de factures CIE par le COGES qui ont été évoqués. Les installations de base telles que les latrines, les points d’eau, les cantines sont en nombre insuffisants dans certaines écoles par rapport à l’effectif pléthorique des élèves (tableau 3).
Les groupes scolaires Sakassou Centre et Est ainsi que l’école Résidentiel BAD ne disposent pas de cantine scolaire alors que celle-ci joue un rôle fondamental dans le maintien des élèves dans le cycle primaire. En effet, dans les localités où les parents d’élèves sont quasiment absents de la maison les midis à cause des travaux champêtres, les cantines scolaires constituent une source de motivation pour les enfants à poursuivre les études. Aussi, dans les écoles primaires publiques, les autres installations de base bien vrai qu’elles existent sont en nombre insuffisant.
2.1.1.2. Des comités de gestion scolaire qui fonctionnent mal
Les différents problèmes rencontrés au niveau des équipements de base dans les écoles primaires de Sakassou s’expliquent par le fait que les COGES fonctionnent mal. En effet, une fois élu, le président reste invisible la plupart temps. Cette situation fait que le bureau ne fonctionne pas et les différents problèmes des écoles restent sans solutions. Les présidents de COGES que l’on a rencontrés lors de l’enquête évoquent le travail de bénévolat dans le fonctionnement du COGES. De plus les parents d’élèves ne répondent pas aux convocations qu’on leur adresse lors des réunions. Tout cela démotive le président et son bureau dans la résolution des différents problèmes des écoles.
2.1.1.3. Des manuels scolaires endommagés
Les manuels scolaires (livres au programme) des élèves de Sakassou sont dans un état de dégradation avancée. Ces matériels, offerts par l’État de Côte d’Ivoire à travers son programme de la gratuité de l’école et de l’école pour tous, rencontrent un problème sérieux d’entretien. Selon les enseignants, le renouvellement des documents endommagés revient aux parents d’élève. Toutefois, on a pu constater lors de l’enquête que les parents ne s’acquittent pas de ces tâches la plupart du temps. Les encadreurs révèlent que 404 documents attendent d’être renouvelés (figure 2). Il ressort de la figure 2 que plus du tiers des documents à renouveler (38,37 %) se concentre au groupe scolaire Sakassou Centre contre 21,78 % et 18,56 % respectivement au groupe scolaire Sakassou est et au groupe scolaire Mami Aya N’go. Au groupe scolaire Sakassou sud, ce sont 66 documents (16,33 % du total) qui doivent être renouvelés tandis qu’à l’EPP Résidentiel BAD, l’on a que 20 documents endommagés représentant 4,95 % du total.
Au niveau des enseignants, la difficulté se trouve au niveau de l’acquisition des guides-maîtres. En effet, il revient à l’Etat de Côte d’Ivoire de fournir ce document pédagogique aux enseignants. Cependant, l’étude relève que l’ensemble des enseignants de la ville de Sakassou n’en dispose pas. Sur 66 enseignants enquêtés, seul 27 soit 40,90 % de ceux-ci possèdent un guide-maître. Cette situation a un impact sur l’application effective de la nouvelle méthode APC (Approche Par Compétence). Aussi, la majorité des manuels (Collection École Nation et développement, École et Nation, les cahiers d’intégration) et les guides pédagogiques (Collectif) ne sont pas adaptés à l’application de l’Approche Par Compétence (APC) au niveau des écoles primaires. C’est un matériel dont les programmes sont encore en liaison avec l’application de la Formation Par Compétence (FPC) et de la Pédagogie par Objectif (PPO). Les guides-maitres qui doivent orienter les enseignants sur les habiletés à installer chez les enfants sont donc dépassés.
2.1.1.4. Des administrateurs non formés aux nouvelles méthodes 4,95% 21,79%
L’étude effectuée à Sakassou fait constater que sur les 12 directeurs des écoles primaires de Sakassou, cinq (5) occupent cette fonction depuis 2006. Ceux-ci affirment ne pas maitriser la méthode APC (Apprentissage Par Compétence) car n’ayant pas bénéficié de séances de formation sur cette nouvelle approche. Cette situation semble paradoxale quand on sait que ceux-ci sont censés assurer l’encadrement de leurs adjoints. Il se pose donc un problème de formation et d’encadrements au niveau des enseignants. Par ailleurs, les enfants inscrits en classe de CP1 sans extrait, arrivent au CM sans en avoir car les parents ne s’en occupent plus (figure 3).
L’analyse de la figure 3 révèle que toutes les écoles primaires publiques de la ville sont confrontées au problème d’élève inscrit sans extrait de naissance. Ce sont au total 71 élèves qui ont ce problème. Tous ces facteurs influencent négativement la scolarisation primaire des enfants à Sakassou. Toutefois qu’en est-il du premier cycle du secondaire ?
2.1.2. Les problèmes liés à l’offre de service scolaire au niveau du secondaire public
2.1.2.1. Un lycée Moderne sous-équipé
Le problème rencontré au niveau de la scolarisation des enfants au premier cycle du secondaire reste l’insuffisance de certains équipements scolaires de base. Ainsi pour des tables-bancs prévus pour deux (2) élèves, ceux-ci sont assis pour la plupart à trois (3) (photo 1). Le ratio élève par table-banc est de 2,45 au lycée moderne Paul Akoto Yao de Sakassou. A cela s’ajoute l’insuffisance des salles de classe. En effet, le lycée compte, au niveau du premier cycle, 40 salles de classe pour 2 948 élèves soit un ratio de 73 élèves par classe. Cette situation engendre des effectifs pléthoriques par classe. La conséquence est l’adoption du système de double vacation comme solution alternative. Cet établissement ne dispose pas de latrine. Pour leurs besoins, les élèves ont recours aux broussailles situées juste derrière les salles de classe. Cette situation constitue un véritable facteur de risque sanitaire. En effet, ils sont exposés aux morsures des serpents. Outre les odeurs nauséabondes qu’engendrent les excréments et les urines, ceux-ci peuvent provoquer des maladies telles que le choléra, la dysenterie, la diarrhée et bien d’autres maladies. L’on a relevé aussi un (1) seul point d’eau pour 2 948 élèves.
2.1.2.2. Des élèves ne disposant pas de manuels scolaires
En ce qui concerne l’accès des élèves aux manuels scolaires, la situation au premier cycle du secondaire est différente de celle des écoles primaires. La gratuité des manuels assurée par l’Etat ne couvre pas le premier cycle du secondaire. Ainsi chaque élève achète lui-même ses manuels. Cette situation s’avère difficile pour les parents d’élèves à cause de la pauvreté grandissante des populations de cette région. Le taux de pauvreté de la région est de 54,9 % (INS, 2015, p. 25). Les parents d’élèves se contentent donc d’acheter les fournitures scolaires qu’ils jugent nécessaires (cahiers et stylos), reléguant ainsi les livres au second plan (tableau 4).
Il ressort du tableau 4 que la majorité des élèves ne possède pas la totalité des matériels scolaires quand bien même que les enseignants aient donné la liste à la rentrée. Ainsi sur les 2 948 élèves du premier cycle du secondaire, seulement 388 soit 13,16 % de ceux-ci possèdent tous les manuels scolaires au programme. Cette situation a un impact sur le rendement des élèves (Tableau 5).
Au regard du tableau 5, on constate que 16,55% des élèves ont doublé pendant l’année scolaire 2015-2016. Ce chiffre reste important puisque avec l’application de l’APC, on ne devait plus avoir de redoublement d’un cycle à un autre. Par exemple du cycle d’observation (6 ) au cycle de détermination (4 ème , 3 ème ). En outre, l’insuffisance d’enseignants dans certaines disciplines (physique-chimie, mathématique, science de la vie et de la terre, allemand) influence également la scolarisation des élèves surtout quand ils arrivent en classe de troisième. Comme on le voit, l’école à Sakassou est confrontée à d’énormes obstacles qui fragilisent sa bonne marche. Quelles sont les stratégies à mettre en place pour améliorer l’offre de service scolaire de base dans cette localité ?
2.2. Les stratégies de remédiation liées à l’amélioration de l’offre de service de base dans la ville de Sakassou
L’amélioration de l’offre de service scolaire de base à Sakassou passe par une plus grande implication du ministère de l’éducation national, des collectivités territoriales et des cadres de la ville dans le domaine de l’éducation, le besoin d’un COGES de plus en plus fonctionnel et par l’adoption d’une politique de scolarisation de plus en plus adaptée au primaire.
2.2.1. Pour une plus grande implication du Ministère de l’éducation nationale et de ses directions
Face à la pauvreté grandissante des populations, l’Etat à travers son ministère chargé de l’éducation devra étendre la gratuité de l’école au premier cycle du secondaire afin d’assurer une formation complète des apprenants. Aussi, des séances de formation à la nouvelle méthode APC doivent être organisées par l’IEP de Sakassou et la DRENET 2 de Bouaké pour la remise à niveau des enseignants. Pour combler le déficit en table-bancs, la dotation du ministère de l’éducation national sera utile.
2.2.2. Le besoin d’un COGES de plus en plus fonctionnel
Les parents d’élèves de Sakassou ont besoin d’être sensibilisés et formés sur le fonctionnement, la gestion et la nécessité d’un COGES. À cet effet il est nécessaire que l’IEP de Sakassou ou la DRENET 2 de Bouaké organise des séances d’explication de ce comité aux parents, afin d’attirer leur attention sur leur rôle majeur dans le fonctionnement du système éducatif. Le bon fonctionnement de ce comité de gestion permettra de résorber les problèmes de déficit en tablesbancs, en point d’eau et d’éclairage au niveau des différents établissements primaires et secondaires publics de la ville.Aussi, la composition des membres du COGES devra être mieux suivie pour éviter son dysfonctionnement. Les parents d’élèves qui constituent le bureau du COGES doivent être dispensés de certaines dépenses des cotisations pour les encourager à s’imprégner davantage dans la gestion de celui-ci, car le caractère bénévole de cette activité démotive quelques fois les membres.
2.2.3. La nécessité d’une plus grande implication des collectivités territoriales et des cadres de la ville dans le domaine de l’éducation
Face à l’insuffisance d’écoles préscolaires, de salles de classe et d’installations de base (latrines, cantines), les collectivités territoriales (Commune de Sakassou et Conseil régional de Gbêkê) devront faire plus d’efforts pour satisfaire les besoins des populations. En effet, elles doivent assurer véritablement leurs compétences en matière d’éducation. Il s’agit en ce qui concerne le Conseil régional, de la construction des lycées et collèges pour désengorger le lycée moderne de la ville. La commune à qui a été confiée la construction des écoles primaires et préscolaires devra s’appliquer à créer au moins une école maternelle dans chaque école primaire de la ville. L’objectif sera de résoudre le problème d’accessibilité géographique de la seule école préscolaire de la ville. Aussi, la ville de Sakassou a besoin d’un foyer de jeunes filles pour répondre au besoin de logement des élèves au collège et particulièrement les jeunes filles qui sont obligées de partager les mêmes locaux que les garçons. Cette situation est l’une des nombreuses causes des grossesses non désirées. Des lobbyings devront être faits auprès des cadres de la ville afin que ceux-ci s’impliquent davantage dans la résolution du problème d’offre de service scolaire à Sakassou.
2.2.3. Une politique de scolarisation de plus en plus adaptée au primaire
La scolarisation des enfants à Sakassou est nécessaire et les parents d’élèves ont besoin de sensibilisation à ce niveau. A cet effet, la politique de délivrance des extraits de naissance pendant que l’enfant est à l’école doit être mieux maitrisée pour éviter que les enfants soient pénalisés en classe de CM2. La répartition des élèves dans l’ensemble des établissements de la ville doit être équilibrée en dégageant de façon précise le nombre de places disponibles au niveau de chaque école ou groupe scolaire. Cela permettra d’équilibrer les effectifs de ceux-ci dans les différentes classes. De plus l’on doit attirer l’attention des parents d’élèves et aussi des élèves eux-mêmes sur certaines tendances lourdes de la scolarisation que sont les travaux champêtres et domestiques imposés aux élèves et particulièrement les jeunes filles.
3. Discussion
En appelant à la réflexion sur ce sujet, l’objectif visé est de trouver des stratégies pour améliorer l’offre en service scolaire public de base dans la ville de Sakassou. Cela a emmené à comprendre les obstacles à l’atteinte du quatrième ODD qui vise à « assurer l’accès de tous à une éducation de qualité, sur un pied d’égalité, et promouvoir les possibilités d’apprentissage tout au long de la vie » (Banque Mondiale, 2018, p. 14) à Sakassou. Les résultats de l’étude menée à Sakassou révèlent qu’au nombre des problèmes liés à l’offre de service scolaire public de base, l’on a les difficultés d’acquisition et d’entretien des manuels scolaires, une insuffisance d’équipements et d’enseignants ainsi que des contraintes d’ordre pédagogique. Ces résultats concordent avec plusieurs études menées dans ce domaine. En effet, tout comme à Sakassou, N. Assi-Kaudjhis et A.R. Gnankouen (2016, p. 324) notaient que dans le département de Bongouanou, le préscolaire n’est pas suffisamment prise en compte car il n’existe que quatre (4) écoles pour tout le département. Aussi, ils relèvent que les conditions d’apprentissage dans les établissements scolaires ne sont pas reluisantes à cause du déficit d’équipements et d’enseignants. Au niveau de l’insuffisance d’enseignant, UNESCO (2013, p. 1) note que pour atteindre l’objectif de l’éducation primaire universelle (EPU) d’ici à 2030, les pays auront besoin de 3,3 millions d’enseignants supplémentaires.
Pour l’UNESCO, les enseignants jouent un rôle essentiel car ils permettent aux apprenants d’obtenir de bons résultats d’apprentissage dans des systèmes éducatifs efficaces. Alors que leur capacité à façonner de manière positive l’expérience d’apprentissage de l’enfant dépend d’une multitude de facteurs, la première étape vers les bons résultats d’apprentissage consiste à s’assurer qu’il y a assez d’enseignants dans les classes. Par ailleurs, la Banque Mondiale (2018, p. 15) constate que de nombreuses écoles primaires d’Afrique subsaharienne n’ont pas accès à des installations de base qui favorisent l’apprentissage et, l’enseignement est dispensé à de nombreux enfants par des enseignants sans qualification. Les classes à gros effectifs sont courantes alors que l’UNESCO (2013, p. 9) recommande comme seuil maximum 40 élèves/enseignant dans le primaire et à 32 élèves/enseignant dans un premier cycle du secondaire. S. Yeo et M. Kei (2016, p. 393) dans leur étude menée sur la scolarisation de la jeune fille dans le Worodougou notaient comme obstacles entre autres, la pauvreté, l’analphabétisme des parents, la représentation sociale de la femme dans la communauté, la migration des filles de la région du Worodougou, notamment, le rêve de partir s’établir en occident et plus précisément en France. A. M. Kouadio (2016, p. 25) abondant dans le même sens à Abobo relève que les jeunes filles constituent des aides familiales précieuses pour les travaux domestiques (corvées d’eau, vaisselle, cuisine, ménage, gardes et entretien des jeunes enfants), les petits commerces générateurs de revenus.
Au titre des stratégies à mettre en œuvre pour améliorer l’offre de service scolaire public de base à Sakassou, l’étude suggère une plus grande implication du ministère de l’éducation national, des collectivités territoriales et des cadres de la ville dans le domaine de l’éducation, le besoin d’un COGES de plus en plus fonctionnel et par l’adoption d’une politique de scolarisation de plus adaptée au primaire. S. Yeo et M. Kei (2016, p. 411) pour leur part proposent comme stratégie l’augmentation de l’offre de l’éducation primaire, la mise en œuvre de projets ou de programmes d’alphabétisation en faveur des adultes analphabètes, et principalement en faveur des femmes, l’effectivité de l’école gratuite pour réduire les effets de la pauvreté sur la scolarisation des filles, la création de cantines scolaires dans toutes les écoles primaires, la franche collaboration entre les acteurs de l’éducation et surtout l’élaboration d’une politique de communication, d’information et de sensibilisation sur la nécessité de la scolarisation et du maintien des filles à l’école. L’État de Côte d’Ivoire afin d’aboutir à la scolarisation universelle de base a déjà entrepris plusieurs actions. En effet, le parlement ivoirien a adopté une loi en septembre 2015 pour rendre l’école obligatoire jusqu’à l’âge de 16 ans. Aussi, à travers le Plan National de Développement 2016-2020 présentant la stratégie de développement du pays, il envisage au niveau de l’éducation de réhabiliter plus de 1 400 salles de classe, construire plus de 10 000 nouvelles salles de classe, recruter plus de 18 000 enseignants du primaire, augmenter les rationnaires et de la distribution gratuite des manuels et de kits scolaires.
Conclusion
L’étude menée sur l’offre de service scolaire public de base dans la ville de Sakassou a permis de montrer que cette localité est confrontée à de nombreux problèmes qui entachent la bonne marche du système éducatif. Le sous-équipement des établissements scolaires publics, la vétusté des infrastructures existantes, le dysfonctionnement des COGES ainsi que le problème de formation pédagogique des encadreurs et des enseignants aux nouvelles méthodes sont autant de problèmes que cette étude a pu relever à Sakassou. Tous ces problèmes remettent en question la gestion des écoles par les parents d’élève et l’action des collectivités territoriales (Commune de Sakassou et Conseil général de Gbêkê) en termes de construction et d’équipement des établissements scolaires publics. La prise en compte des différentes stratégies de remédiation de ces problèmes proposés dans cette étude permettra d’améliorer l’offre de service scolaire public de base à Sakassou en particulier et dans les autres localités de la Côte d’Ivoire en général.
Références Bibliographiques
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Auteurs
1Maître de Conférences, Université Alassane Ouattara (Bouaké, Côte d’Ivoire),
2narcissekaudjhis@gmail.com 2 3 Doctorant, Université Alassane Ouattara (Bouaké, Côte d’Ivoire),
3koulotioloma@gmail.com Doctorant, Université Alassane Ouattara (Bouaké, Côte d’Ivoire), agnankouen@gmail.com